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Une curieuse façon de concevoir la liberté d’association, en Pologne
par le Professeur David Ruzié *
Article mis en ligne le 1er décembre 2004

La dernière note périodique d’information (n°67), diffusée par le Greffe de la Cour européenne des droits de l’homme, qui siège à Strasbourg, rend compte d’une affaire traduisant, hélas, la persistance d’un état d’esprit antisémite en Pologne.

Heureusement qu’à la différence de l’attitude des autorités polonaises - pourtant de tendances idéologiques opposées - au lendemain des deux guerres mondiales, qui entraîna une émigration massive des juifs de Pologne, le pouvoir actuel semble soucieux d’empêcher un activisme antisémite.

La preuve en est que les autorités compétentes ont refusé d’enregistrer les statuts d’une association des « victimes polonaises du bolchévisme et du sionisme », qui se proposait, notamment, d’abolir « les privilèges des personnes d’origine juive et de mettre fin à la persécution des personnes d’origine polonaise » !

D’après le compte rendu figurant dans la note d’information précitée, sur recours des intéressés, les tribunaux polonais estimèrent que tous les objectifs cités dans les statuts, à l’exception d’un seul (dont le contenu n’est pas indiqué) étaient « soit illicites soit irréalistes » !

Nullement découragés, ces nostalgiques du nazisme saisirent la Cour européenne des droits de l’homme, sur la base de l’atteinte portée à la liberté d’association par l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, signée en 1950.

Cette disposition reconnaît que « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ».

Toutefois, l’exercice de ces droits peut faire l’objet de restrictions , qui constitueraient des « mesures nécessaires dans une société démocratique….à la sûreté publique, à la défense de l’ordre…. ou à la protection des droits et liberté d’autrui ».

De plus, et surtout, l’article 17 de la convention qui, en quelque sorte, consacre l’adage « pas de liberté aux ennemis de la liberté » a tiré la leçon de l’histoire, qui a vu le nazisme parvenir au pouvoir en utilisant, pratiquement, les facilités offertes par la République de Weimar.

Concrètement, cet article dispose qu’ « aucune des disposition de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour….un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés reconnus dans la présente Convention… ».

Aussi, la Cour, dans un arrêt du 2 septembre 2004 (W.P. et autres/Pologne) a-t-elle souscrit à l’avis du gouvernement polonais, selon lequel certaines des déclarations contenues dans les statuts de l’association « peuvent être considérées comme favorisant une recrudescence de l’antisémitisme ».

On reste d’ailleurs sidéré par l’arrogance des requérants, puisque la Cour a également relevé que « les tendances racistes des requérants ressortent de la teneur antisémite de certains des arguments qu’ils ont présentés » devant elle.

La Cour a donc estimé qu’ « il y a suffisamment d’éléments indiquant que les intéressés ont cherché à utiliser l’article 11 pour se livrer à des activités contraires au texte et à l’esprit de la convention ».

Dans ces conditions, le gouvernement polonais était en droit d’interdire la formation de l’association en cause.

Cette décision atténue, quelque peu, l’effet fâcheux produit par une décision, rendue il y a quelques années, par cette même juridiction internationale, qui, au nom de la liberté d’expression, avait condamné la France pour avoir poursuivi et fait condamner par les tribunaux des nostalgiques de Pétain, qui entendaient, par voie de publicité dans la presse, faire l’apologie de son régime (23 septembre 1998, Lehideux et Isorni/France).


  • David Ruzié, professeur émérite des universités


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