« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur »
Telle est la citation de Beaumarchais que l’on peut lire sous le titre du quotidien « Le Figaro », qui en a fait sa devise.
Je l’ai prise, en quelque sorte, au pied de la lettre, tant il me paraissait intéressant de la confronter à la correspondance de leur envoyé permanent au Proche-Orient.
Jusqu’à présent, mis à part quelques cas particuliers comme l’Irlande ou le pays basque, le vieux continent a toujours mené des guerres traditionnelles, dans le cadre de conflits où s’opposaient des armées, dont l’appartenance à un camp était bien répertoriée par un uniforme.
L’un des aspects de la nouvelle guerre à laquelle l’Europe doit se préparer est le terrorisme.
Avec l’attentat de Madrid, on a vu que l’objectif des terroristes était de déstabiliser la population, en pleine période électorale, et la conduire à rejeter un gouvernement qu’elle tiendrait pour responsable des événements.
En cela, ils ont réussi au-delà de leurs espérances :
- les électeurs espagnols ont sorti Aznar, pour un gouvernement plus « progressiste », Zapatero a décidé de retirer à la hâte les troupes espagnoles d’Irak et, cerise sur le gâteau, dans l’inconscient collectif, ce ne sont plus les terroristes qui sont considérés comme responsables de l’horreur, mais bien le gouvernement exclu.
Plus près de chez nous, le « Nouvel Observateur » provoque une réaction tout aussi pernicieuse dans les esprits, en titrant sur la couverture de son numéro de cette semaine « Les Incendiaires », sur la photo de Bush et de Sharon…
Venons-en donc à la correspondance du « Figaro », sous la plume de Patrick Saint Paul, « représentant permanent à Jérusalem », sous la forme d’un article extrêmement hostile. PSP n’en est pas à son coup d’essai et on peut légitimement s’interroger sur ses motivations.
La dernière fois, c’était le 30 mars, lorsqu’il faisait mention à l’affaire Al-dura - pourtant vieille de plus de trois ans - pour stigmatiser une fois de plus l’armée israélienne :
« Mohammed al-Doura, un petit garçon palestinien tué par des tirs israéliens devant des caméras de télévision. », écrivait Saint Paul.
Or, non seulement la provenance des tirs n’a jamais été clairement élucidée, mais encore leurs conséquences sont toujours soumises à caution à ce jour.
Dans son article d’aujourd’hui, PSP utilise des procédés pour le moins tendancieux, en contradiction flagrante avec la déontologie journalistique. Il prend parti, juge et condamne, alors même qu’une version contradictoire existe.
Lisez plutôt :
« Les soldats, appartenant à une unité spéciale de la police des frontières et déguisés avec des vêtements palestiniens, ont tué trois suspects palestiniens ne portant pas d’armes »
(…) « Tsahal a multiplié toute la semaine les opérations coup de poing à Gaza et en Cisjordanie, tentant ainsi de rassurer les électeurs du Likoud »
(…) L’armée affirme que toutes les victimes étaient des activistes recherchés, abattus parce qu’ils ont tenté de s’enfuir. Aucune arme n’a été retrouvée sur les lieux.
(…) L’armée israélienne a multiplié les opérations meurtrières la semaine dernière en territoire palestinien tuant 24 personnes, dont deux fillettes, alors qu’un état d’alerte avancé reste en vigueur en Israël de crainte d’attentats. Alors que l’Etat hébreu s’apprête à célébrer, lundi, l’anniversaire de son indépendance, les services de sécurité redoutent qu’une vague d’attentats promise par les groupes armés palestiniens pour venger l’assassinat d’Abdelaziz al-Rantissi et celui, le 22 mars, du fondateur du Hamas, Cheikh Ahmad Yassine, ne vienne gâcher la fête.
(…) L’armée n’a pas présenté de regret ni annoncé l’ouverture d’une enquête après la mort des fillettes.
Pour Saint Paul, qui ne se base que sur les témoignages « de source sécuritaire palestinienne » - autant dire en provenance de la Muqata’a - la situation est claire et son article réducteur laisse apparaître une explication simplificatrice dramatique : Sharon veut consolider sa position politique et s’assurer du soutien du Likoud, en envoyant des commandos dans les territoires palestiniens exécuter des meurtres sur des personnes désarmées, y compris des enfants… !
Le son de cloche est nettement différent en provenance du côté israélien :
Le Colonel Eisenberg, commandant de la brigade Givati chargé de l’opération à Bet-Yahia, où fut ensuite relatée la mort de deux fillettes, déclare, dans un grand quotidien israélien :
" Nous ne tuerions pas un enfant palestinien qui essaierait d’agresser des soldats.
La réalité est que des Palestiniens armés attrapent des enfants par le col pour couvrir leur fuite. Ce n’est un secret pour personne qu’ils se servent d’enfants comme de boucliers.
L’intervention de la brigade Givati a suivi le tir de roquettes Qassam contre des zones civiles habitées en territoire israélien.
« Pour nous, la situation est claire » poursuit le Colonel Eisenberg :
" Nos forces avaient évacué leurs positions dans l’après-midi, alors que l’événement est supposé avoir eu lieu dans la soirée, selon le rapport palestinien. Aucun incident notable n’a été enregistré jusqu’à 13 :00 h, heure à laquelle nous avons quitté les lieux. Une unité de la brigade Nord était toutefois encore sur place et je ne peux donc pas commenter avant d’avoir reçu les éléments de l’enquête en cours.
Notre message est clair et je veux le dire haut et fort :
Si le calme n’est pas maintenu, nous retournerons sur place et les fauteurs de trouble devront en assumer les conséquences.
En aucun cas, nous ne porterions atteinte à des enfants, car cela délégitimerait notre lutte dans la région "
Il y a donc bien enquête. L’armée ne peut naturellement pas reconnaître ni même commenter des incidents tant que la confrontation des rapports et des témoignages n’a pas été établie.
L’article de Patrick Saint Paul et surtout ses commentaires sont particulièrement nocifs et ont des conséquences dramatiques, dans la mesure où ils visent - délibérément ou non - à donner une interprétation extrêmement négative des actions de l’armée de défense de l’Etat d’Israël.
Dans n’importe quel autre pays, il serait déjà expulsé ou, à minima, rappelé à l’ordre par les autorités.
Mais Israël est une démocratie. Et je m’en voudrais de faire l’éloge du « Figaro », qui pratique également la libre expression, sans blâmer le fait qu’il puisse laisser l’un de ses « correspondants permanents » (mal)traiter l’information d’une manière aussi partiale.