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Paris, 23 février 2006. Jussieu, bâtiment cuvier, amphithéâtre de biologie, jadis celui où j’avais le plaisir de suivre mes cours.
Article mis en ligne le 8 mars 2006

Fin de la conférence, pourtant restés discrets et silencieux, ils auront été repérés par le service d’ordre « en tant que juif » et seront littéralement agressés, tabassés. Mes chers amis, filles comme garçons, recevront des coups, des insultes et sortiront blessées, en sang du bâtiment. Lèvre éclatée, coups de poings, de tête, de pieds, lynchage de juifs au sein de mon Université. Nul ne sera intervenu pour les aider.

C’est avec beaucoup de réticence que je me rends à ce « grand meeting pour lutter contre la colonisation en Palestine », organisé par ma propre université. Ouvert à tous, entrée libre. Il est 19h30.

Accompagné de quelques amis, nous avons le devoir de savoir ce qui se dit au sein de notre fac. Nous serons discrets. A l’entrée du bâtiment, accroché à la gauche du portrait de l’admirable Marie Curie, un drapeau palestinien annonce la couleur. Distribution de tracts hostiles à Israël.

Sur un stand, on y propose pour quelques euros des keffiehs, badges, cartes postales et savons à l’huile d’olive palestinienne. Placardés aux murs, sur tout les murs, de grandes affiches dénoncent le mensonge d’Israël : Partout, la mention « Israël ment ». Je rêve.

Avant d’aller plus loin, un contrôle de sécurité m’oblige à décliner mon identité. Je déclinerai un faux nom, un nom bien français. Là, dans le couloir qui m’emmènera à l’amphithéâtre, on me propose très cordialement de me servir en autocollants, posters, stickers et autres objets de propagande. Tous gratuits. On y dénonce Israël, le « vrai visage de l’occupation israélienne », l’annexion de la terre, la brutalité et l’humiliation infligé au peuple et enfants palestiniens par une armée honteuse. Sur les stickers rouge sang que l’on m’invite à coller « partout, mais pas dans la fac ! », un appel au boycott d’Israël, sur les autocollants jaunes, on fustige encore le pays que j’aime. Je me saisis d’un grand nombre, ces derniers au moins ne seront pas collés.

Je vais me réveiller. J’entre enfin, atterré, dans l’amphi de biologie, mon amphi. Qu’en ont-ils fait ?

Vision d’horreur. Sur le tableau principal, trône un large drapeau palestinien accompagné d’une pancarte « EuroPalestine ». Tout autour, encore ces affiches infâmes. L’amphi se remplit, vite plein d’un public en large majorité composé de français « de souche ». Quelques Arabes et beaucoup de Français.

Applaudissements nourris, la conférence va commencer. Le débat sera animé par Olivia Zemor, française, juive, présidente du CAPJO (Coordination des Appels pour une Paix Juste au Proche-Orient) et connu pour ses écrits ouvertement antijuif. Applaudissements soutenus.

On commence par un vibrant hommage, un éloge au président de l’Université P. & M. Curie, Gilbert Béréziat, qui a le courage d’avoir « comme à son habitude » permis l’organisation d’une telle manifestation. On rappelle que cette université avait pris la « courageuse initiative de demander la suspension des relations universitaires avec Israël, en raison des atteintes aux droits de l’homme perpétrées par les forces d’occupation dans les territoires palestiniens autonomes réoccupés, au cours de la deuxième Intifada ». On s’attristera aussi de la fin proche de sa présidence en souhaitant vivement que son remplaçant saura lui aussi « résister à certaines pressions et faire preuve de la même ouverture d’esprit ».

Applaudissements, ovation. L’amphi entier est donc acquis à la noble cause palestinienne. Avant la présentation des intervenants, On explique la situation au Proche-Orient : fustigation d’Israël, Monsieur Ariel Sharon sera qualifié de « criminel de guerre, de terroriste d’état ».

Je vais vomir. La simple prononciation des mots « Hamas » ou « FLP » provoque immédiatement une acclamation de l’arène toute entière. Mon sang se glace. Je me retourne pour mieux voir les gens applaudirent, mieux réaliser. A Paris, en 2006, dans une université, on aime sans complexe le Hamas. Le groupe islamiste, terroriste, responsable d’innombrables attentats ignobles, de la mort de centaines d’israéliens, promettant au monde, la destruction totale d’Israël et qui vient de s’emparer des pleins pouvoirs est ici acclamé.

Je suis révulsé, ulcéré, écœuré, abattu, accablé, profondément affligé.

Enfin, présentation des invités et traducteurs : Janette Mikhail, la nouvelle maire de Ramallah, Manale Tamini, fondatrice et responsable de l’association « Human Supporters Group » à Naplouse, Ilan Pappe, historien israélien contesté, récemment Expulsé de l’Université de Haïfa, opposé à l’existence de l’état d’Israël, Azmi Bishara, député à la Knesset et dirigeant du parti « Balad » et deux citoyens palestiniens. Visiblement bien connus du public, applaudissements ponctués de « Bravo » pour chacun d’eux.

La maire chrétienne de Ramallah s’apprête à intervenir, en arabe, accompagnée de son traducteur. Elle salue l’assemblée d’un « massa oul kheir » (ndlr : bonsoir) auquel l’amphi entier lui répond en retour « massa oul kheir » ! Le traducteur s’étonne lui même d’avoir autant d’arabophone dans la salle. Ironique, il rétorque qu’il y a « trop d’arabe à Paris ». Rires. On lui fait rectifier qu’il n’y a ici que trop d’arabophones.

Finalement peu d’Arabes mais beaucoup de Français. La maire de Ramallah à l’honneur de commencer : « Israël dicte en permanence ses conditions. Ce qui est fondamental, pour nous les Palestiniens, c’est de ne pas nous y soumettre. Il y avait une trêve, or Israël ne l’a jamais respectée : pourquoi le Hamas devrait-il obtempérer aux diktats d’Israël ? » Ovationnée.

La discussion s’attarde sur le fait qu’il faille ou non reconnaître l’état d’Israël. On conclura que non.

Le Hamas sera qualifié de « bonne chose » pour les palestiniens et l’on rira seulement à la simple évocation de ces menaces à l’encontre d’Israël.Madame Zemor, amusée, se demande aussi « comment l’on peut imaginer que la Hamas puisse détruire Israël, 5e puissance militaire mondiale ?! ».

Chacun alors prendra le soin et le temps de vomir sa haine d’Israël. Appel au boycott, apologie du terrorisme, de la haine, de la violence et du chaos. Toutes craintes à l’encontre du Hamas, de L’Iran, des menaces et attaques terroristes seront écartées, . légitimes.

Ilan Pape insiste sur les mythes à démolir, auxquels l’opinion internationale a encore trop souvent tendance à croire : la Palestine n’était pas « une terre sans peuple, pour un peuple sans terre », en 1948, Israël a commis une épuration ethnique, un crime contre l’humanité. Les criminels responsables n’ont toujours pas été jugés ; Israël n’est pas la seule démocratie au Moyen-Orient. La seule démocratie, au Moyen-Orient, ce sont les territoires palestiniens, envers et contre l’occupation ; durant l’été 2000, Israël n’a fait aucune « offre généreuse » aux Palestiniens ; le retrait israélien de la bande de Gaza n’est en rien une contribution à la « paix ». mais une étape dans la consolidation de l’occupation en Cisjordanie. Enfin, la solution de deux États est également un mythe. Je cite : « Une solution à deux États ne marchera jamais. Les Israéliens et les Palestiniens peuvent partager la terre, dans l’égalité et dans une fraternité tout à fait réalisable. Se débarrasser de l’idéologie sioniste, c’est possible !« Il faut revenir aux traditions humanistes et morales des trois grandes religions. Les Israéliens sont soumis à un très fort endoctrinement. »Nous sommes conditionnés de notre naissance à notre mort, et même sans doute un peu avant notre naissance et un peu après notre mort", dit Ilan Pape.

En ce qui concerne l’influence croissante d’Israël en Europe, l’explication est sans aucun doute l’histoire de l’Europe, et en particulier la Shoah. Nul doute qu’à l’avenir Israël va intensifier sa tactique du chantage à l’antisémitisme.

C’en est trop pour moi. Déjà éprouvé par mon récent voyage à Auschwitz, il me devient à cet instant précis difficile de ne pas confondre les deux époques. Je crains cependant que les deux époques finissent par se confondre. Je sors, accompagné de mon amie. Dehors, que peut-on se dire ? A-t-on rêvé ? Cauchemardé !

Si je ne regrette pas d’avoir assisté à cette horreur, je regrette d’en être parti avant la fin. Non pas pour entendre encore ces barbares cracher sur le pays que j’aime. Non. Mais il me reste des amis à l’intérieur. Je n’avais pas imaginé qu’il pouvait leur arrivé quelque chose. J’avais tort.

Fin de la conférence, pourtant restés discrets et silencieux, ils auront été repérés par le service d’ordre « en tant que juif » et seront littéralement agressés, tabassés. Mes chers amis, filles comme garçons, recevront des coups, des insultes et sortiront blessées, en sang du bâtiment. Lèvre éclatée, coups de poings, de tête, de pieds, lynchage de juifs au sein de mon Université. Nul ne sera intervenu pour les aider.

Et si j’étais resté avec mon amie ?

Je les aurais aidés à se défendre, j’aurais été frappé moi aussi, parce que « typé » juif et au nom de la cause palestinienne.
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Constat effrayant. L’initiative de transformer une université, lieux de savoir, d’échange, de tolérance et de rencontre en une tribune libre, plaidoyer pour la destruction d’Israël est fermement condamnable, pitoyable. Je ne tiens pas à faire de comparaison douteuse, d’amalgame ni à généraliser. Aussi, je me suis limité à ne décrire que des faits avérés, les plus fidèlement possibles.

Visiblement, aujourd’hui comme hier, encore nombreux sont ceux qui haïssent les juifs. N’oubliez pas que cela est.

Non, ne l’oubliez pas.

J...



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