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Autorité Palestinienne : retour au sacrifice humain
Par Sami El Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 13 juin 2005
dernière modification le 14 juin 2005

Et Mahmoud Abbas dans cette catastrophe ? - Il a signé dimanche le décret autorisant l’exécution de quatre condamnés à mort

Souvent parle-t-on par ouï-dire, par référence vague ou par ânonnement, d’un texte ou d’un traité. Pour connaître précisément de la précarité de la situation prévalant entre Israël et les Palestiniens, je restitue ici les deux premières dispositions de la Road Map [1] proposée par le Quartet et acceptée par les protagonistes [2]. Ces dispositions définissent la phase initiale de cet itinéraire vers la paix, devant aboutir à une coexistence harmonieuse des deux peuples et à la création de mon Etat :

"Sécurité

- Les Palestiniens déclarent la fin sans équivoque de la violence et du terrorisme et entreprennent des efforts visibles sur le terrain pour faire cesser, démanteler, et appréhender les individus et les groupes conduisant et planifiant des attaques violentes contre des Israéliens où qu’ils se trouvent.

- L’appareil de sécurité de l’Autorité Palestinienne, reconstruit et réorienté, entreprend des opérations soutenues, ciblées et efficaces destinées à s’opposer à tous ceux qui sont engagés dans la terreur, et à démanteler les moyens et les infrastructures terroristes. Ceci comprend le commencement de la confiscation des armes illégales et la consolidation d’une autorité sûre, exempte de tout corrélat avec la terreur et la corruption."

Sur ces bases, on saisira adéquatement la gravité des évènements survenus ce week-end au sein de l’Autorité Palestinienne ainsi que dans les territoires qu’elle contrôle. On appréhendera sans trop d’effort la dimension à nouveau suicidaire de la déclaration de notre ministre des Affaires Etrangères, Nasser Al-Kidoua, faite à la télévision nationale. « Le démantèlement des organisations armées n’est pas à l’ordre du jour car ces armes sont légales aussi longtemps que dure l’occupation », a affirmé le ministre, ajoutant que « la possession d’armes est un sujet stratégique aussi longtemps qu’il y a une occupation ».

En regardant Al-Kidoua, j’eus soudain l’impression de m’être à nouveau éveillé en plein cauchemar de l’ère arafatienne. Faire des pieds de nez à la communauté internationale n’est pourtant toujours pas la meilleure façon de faire reconnaître nos droits. Cependant, lorsqu’il parle du caractère « stratégique » des armes détenues par le Hamas et par le Djihad, Kidoua - comprend-il seulement l’irresponsabilité de ses assertions ? - identifie l’AP au combat terroriste de ces organisations. A bien entendre le ministre, la stratégie du Hamas serait celle de l’Autorité, ces paroles constituant un exemple confondant, plus que de la non-rupture avec les terroristes, d’un alignement sur leurs positions.

Comme si ces déclarations ne suffisaient pas à affaiblir notre position vis-à-vis de la Carte Routière - lisez à l’anéantir ! - on a appris que neuf des terroristes suspectés d’avoir organisé l’assassinat collectif de civils dans la discothèque The Stage de Tel-Aviv avaient été relâchés de la prison de la ville libérée de Jéricho. Voilà pour ce qui est d’« appréhender les individus et les groupes conduisant et planifiant des attaques violentes contre des Israéliens (...) ». Au cas où certains des meilleurs amis de notre cause auraient pris le discours d’Al-Kidoua pour l’expression d’un égarement passager, cette libération des auteurs d’un crime de guerre aura le pouvoir de leur remettre les idées en place. Le plus humiliant dans cette libération, pour ceux qui persistent, comme c’est mon cas, à rêver d’un Etat à construire selon les provisions de la Carte Routière, c’est que c’est l’organisation du Djihad islamique qui a annoncé la nouvelle, montrant que notre gouvernement s’était trouvé des nouveaux porte-parole et que la nouvelle alliance avec le terrorisme s’exprimait déjà par des faits.

Evénements dramatiques, sabordement ? Que ceux qui s’imagineraient que les Israéliens seront les victimes de ces mesures se ressaisissent immédiatement ! Beaucoup d’Israéliens se sentaient gênés par la Carte Routière et à l’idée de se dessaisir d’une partie de ce qu’ils appellent Eretz Israël au profit de la coexistence pacifique avec nous. Al-Kidoua vient de faire à ces irrédentistes juifs un cadeau inespéré ; un cadeau qui ne manquera pas de faire grossir leurs rangs, d’augmenter leur influence et d’endommager encore un peu plus notre crédibilité.

Ce que va faire Sharon :

- Peu de bruit publiquement. Mais au niveau de ses relations internationales, soyez assurés que tous les ambassadeurs d’Israël ont déjà souligné aux oreilles de leurs pays hôtes notre rejet de la Road Map et l’intégration stratégique que Kidoua a annoncée des groupes terroristes dans le modus operandi de l’AP. Ceci fait, l’accalmie relative convient à nos voisins. Mais la déclaration de notre ministre l’a désinstrumentalisée ; il l’a sortie du processus de paix pour en faire un événement sporadique n’amenant à aucune contrepartie politique. Si la trêve se rompait - que les actions violentes dépassent le seuil de supportabilité qu’ils se sont fixé ou qu’elle explose totalement -, je vous assure que les Hébreux interviendront directement contre les terroristes comme si l’AP n’existait pas. Et personne parmi ceux qui comptent dans la communauté internationale n’y trouverait à redire, puisque notre gouvernement se refuse à appliquer les dispositions de la Carte Routière et partant, à combattre le terrorisme. Ce sera à la fois normal et compréhensible.

Au plan politique, Jérusalem peut désormais jouer sur du velours : elle va effectuer son désengagement de Gaza, tout en gardant le contrôle des frontières internationales. C’est bien pour sa sécurité et cela nous abandonnera à notre sort, dans un chaudron trop petit et bouillonnant, de surplus soumis aux quatre volontés de l’armée israélienne. Mais sans perspective politique. Le moment charnière se situe juste après le redéploiement de Tsahal, à la mi-automne. Lorsque Mahmoud Abbas (ou celui qui le remplacerait) demandera à Sharon de poursuivre l’application de la Carte Routière, le président du Conseil israélien lui demandera : quelle Carte Routière ? et lui fera savoir que tant que l’AP n’aura pas réalisé les deux premières obligations que j’ai citées ci-dessus, Israël n’entamera pas les phases suivantes dudit document. C’est tout. Cela suffit à Sharon et cela nous prive de toute perspective.

Nous aurons à coexister - comme c’est déjà le cas aujourd’hui - avec des fanatiques religieux, hégémonistes et armés, dont les activités au sein de notre société en voie d’émancipation sont absolument incompatibles avec nos réalisations pacifique et nationale. Pourquoi chercher midi à quatorze heures ? L’activité des groupes terroristes se focalise contre toutes les expressions de l’autorité du pouvoir siégeant à la Moukata de Ramallah. Malgré les gestes d’inféodation de l’AP à la stratégie suicidaire du « tout ou rien » des islamistes, leurs attaques contre les positions de l’Autorité se multiplient. Samedi soir, à Gaza, 40 terroristes armés ont ainsi agressé un poste de commandement de l’AP. Les échanges d’armes automatiques ont duré plus de deux heures.

Ceux qui pensent qu’une société civile et ordonnée peut tolérer en son sein des organisations agissant de la sorte n’ont aucune idée des besoins des Palestiniens. Mais qui se soucie de ces besoins ? Ce que Nasser Al-Kidoua a omis de préciser lors de son allocution, c’est que si l’occupation israélienne perdure, c’est précisément parce que nous ne respectons pas nos engagements issus de la Carte Routière. J’ai, en effet, suivi de très près les discussion entre Ramallah et Jérusalem en vue de l’extension du désengagement de Tsahal de toutes nos villes, et je témoigne que cela constitue - avant même tout accord politique - la volonté sincère et vivace du commandement de l’armée adverse et de ses dirigeants civils. Nous sommes les uniques responsables de la non-libération de nos agglomérations, par des actes du type de la relaxe des terroristes à Jéricho. Je témoigne, de plus, que les officiers de l’armée d’en face sont disposés à permettre une communication, sous contrôle palestinien, entre toutes nos conurbations, dans un espace plus large que les territoires marqués « A » lors du processus d’Oslo. Cela faciliterait profondément les activités de notre population, cela améliorerait sa situation économique très dure et cela nous permettrait d’envisager et de préparer l’indépendance.

Tout ce que les Israéliens exigent, c’est que nous respections les engagements que nous leur avons donnés, or nous faisons exactement le contraire. C’est la déplorable vérité. Cela montre, mis en équation avec ce qu’a dit Kidoua ce week-end, que la nouvelle direction palestinienne ne s’est toujours pas résolue à œuvrer pour la solution des deux Etats distincts pour deux peuples différents, lui préférant l’utopie du Hamas de la lutte (terroriste) armée visant à la conquête de toute la Palestine. Mais dans les faits, ce choix idiot - parce qu’irréalisable et suicidaire - réduit jour après jour le crédit de sympathie dont notre cause jouit dans le monde. D’autre part, ce choix érode notre position lors des négociations avec les Israéliens qui seront entamées une fois les réseaux terroristes démantelés - sinon elles n’auront jamais lieu - accréditant l’idée de Sharon que le retour aux lignes de 1967 est impraticable, car elle ne tient pas compte des nouvelles réalités intervenues sur le terrain. En refusant Camp David, Arafat avait définitivement perdu la moitié de Jérusalem, en refusant la Carte Routière, la taille de nos revendications territoriales accessibles continue de se restreindre.

Et Mahmoud Abbas dans cette catastrophe ? - Il a signé dimanche le décret autorisant l’exécution de quatre condamnés à mort. Trois ont été immédiatement pendus et le quatrième passé par les armes. Officiellement, les suppliciés n’avaient rien à voir avec l’accusation de collaboration avec Israël. Dans les faits, cependant, l’usage nous a habitué à ce que les criminels de droit commun soient pendus et les « traîtres » fusillés.

Inutile d’écrire que ces personnes n’ont pas eu droit à un procès équitable dans le sens où on l’entend dans les pays civilisés. Leur exécution s’apparente donc à un meurtre d’Etat à mes yeux, comme à ceux de centaines d’autres intellectuels palestiniens soucieux du respect des droits de l’homme. Il y a encore 51 condamnés en attente du même sort, dont une moitié environ a été convaincue de collaboration avec Israël. Pourtant, d’après les confidences que m’avait faites l’ancien ministre de la Justice, il lui semblait que plus du tiers des Palestiniens passés par les armes pour crime d’intelligence avec l’ennemi étaient absolument innocents.

Abou Khoussa, le porte-parole du ministère de l’intérieur, commentant les mises à mort a prétendu qu’il « existait une nouvelle politique consistant à faire appliquer la loi et à combattre le chaos et le non respect des lois qui se sont installés dans les territoires palestiniens ».

Je ne la vois pas, cette nouvelle politique ; seulement des boucs émissaires qu’ils ont envoyés à la l’abattoir pour cacher qu’ils ne font rien pour assurer la survie de notre peuple. Abou Mazen, demandais-je ? - Faible et désabusé, au bord de la résignation et de la démission, pour des raisons dont j’espère ne pas avoir à parler. Dans l’entre-temps, chacun y va de ses âneries. Sur le compte de notre liberté, bien entendu.


Notes :

[1] Road Map, Carte Routière et non « Feuille de Route », comme d’aucuns voudraient le faire penser.

[2] Israël a ajouté au texte de la Carte Routière une lettre censée apporter des précisions quant à l’interprétation qu’elle en fait.


lire : L’Autorité palestinienne reprend les exécutions de détenus
LEMONDE.FR



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