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Folie à Yad Eliahou [scoop sportif]
Par Ilan Tsadik © Metula News Agency
Article mis en ligne le 9 avril 2004

Comme tous les Israéliens, j’ai assisté dans ma carrière à de très nombreux matches de basket-ball, le basket faisant ici office de seconde religion obligatoire.

Mais ce que j’ai vu ce soir, avec 4 millions de téléspectateurs littéralement scotchés à leurs postes de télévision et les 10’000 spectateurs vernis qui garnissaient les gradins du temple du sport de Yad Eliahou, dans le sud de Tel Aviv, ça a dépassé tout ce que nous pouvions intelligemment imaginer.

Il y avait une immense tension sportive, ce soir à 20h sur le parquet du Maccabi. Pensez, tous les ingrédients y mettaient du leur, avant même que ne retentisse le premier coup de sifflet des arbitres. D’abord, parce que, pour la première fois, c’est ici que se dérouleront les finales, le Final Four, entre les 4 meilleures équipes d’Europe, et il y a deux semaines, le Président du Maccabi avait du batailler ferme à Barcelone afin que cet événement ne soit pas transféré ailleurs, au prétexte de la situation sécuritaire. Ensuite, parce que la participation du Maccabi Tel Aviv à ces finales se décidait ce soir sur une seule rencontre avec la prestigieuse équipe lituanienne de Zalgiris et son géant vert - le vert est la couleur de ce club - qui a fait les beaux jours de la meilleure ligue de basket du monde, la NBA, Arvydas Sabonis. Du haut de ses 2 mètres 20, cette force de la nature est un cas à part dans la légende de ce sport.

Sabonis et les nains d’1 mètre 95...


Une défaite contre les Lituaniens, au terme de la meilleure saison européenne du Maccabi, 15 victoires pour seulement 5 défaites, et les joueurs tout de jaune vêtus auraient regardé le Final Four des tribunes. De leurs tribunes !

Comme si les sujets de tension ne suffisaient pas, et je ne parle même pas des 60 menaces terroristes circonstanciées enregistrées par les forces de l’ordre aujourd’hui, le joueur vedette de Maccabi est lui aussi lituanien, Sarunas Jasikevicius, qu’on appelle ici du surnom de Charras afin d’épargner la diction des commentateurs sportifs. Et Charras est un pur produit de l’école de basket du Zalgiris ainsi qu’une sorte de fils spirituel de l’ogre Sabonis.

Charras, une performance exceptionnelle


Voilà le décor planté, devant les rues d’un pays pratiquement vides, alors que 4 Israéliens sur 6 suivaient la partie.

Le premier quart de la rencontre allait à Maccabi et les 2 suivants aux Lituaniens. Sabonis et son disciple Charras se livraient à un duel de titans, avec des scores personnels très rares dans la Euroleague. Le premier inscrivait 29 points à lui seul durant la rencontre tandis que son compatriote évoluant au Maccabi faisait encore mieux en en marquant 37.

Oui, mais alors que Zalgiris faisait preuve d’un jeu collectif et d’un calme redoutables, avec l’Américain Ed Cotta (20 points), au poste de playmaker (distributeur) qui donnait le tournis à l’arrière garde israélienne, les stars tel aviviennes étaient loin de leur rendement habituel. Les mercenaires Parker et Baston, notamment, étaient loin de leurs moyennes de la saison. C’était au contraire le remplaçant David Blumenthal (17 points), qui empêchait que la confrontation ne tourne à un bras de fer entre l’équipe de Zalgiris et Charras.

Charras qui accumulait cependant les fautes personnelles, de même que la plupart de ses camarades du Maccabi.

Au dernier quart-temps, les choses tournaient au cauchemar pour Maccabi, avec des Lituaniens qui prenaient le large et des Israéliens qui balbutiaient leur basket. Les visiteurs atteignant un écart maximal de 64 à 56. Zalgiris ne perdait son calme à aucun moment, malgré un bref sursaut d’orgueil des Tel Aviviens et ses joueurs faisaient preuve d’une habileté diabolique sur leurs tirs à 3 points ainsi qu’aux lancers francs. De leur côté, les Israéliens étaient en train de perdre les pédales, confondant vitesse et précipitation.

A 29 secondes de la fin du match, les carottes étaient cuites, avec des Lituaniens qui menaient par 6 points d’avance. A 15 secondes du good bye l’Europe, les Baltes menaient de 4 points, alors que 3 joueurs principaux du Maccabi avaient déjà quitté le parquet pour 5 fautes personnelles. Le banc jaune était résigné, les grands gaillards s’enveloppant la tête dans les serviettes éponges, pour ne pas assister à la mise à mort. Les commentateurs de la télévision chantaient le requiem de la saison 2003-2004 du Maccabi et parlaient déjà de la finale de demain soir, qui opposera dans la seconde coupe d’Europe en importance l’Hapoël de Jérusalem au Real Madrid. En langage journalistique, on bâchait.

Charras commettait sa cinquième faute sur le Lituanien Gustas et quittait le jeu. Tandis que Gustas se rendait vers le panier israélien pour y tirer deux lancers francs, on vécut un moment d’une rare intensité émotionnelle lorsque l’élève Charras, ne se préoccupant plus des secondes de remplissage, vint féliciter son ancien entraîneur Antanas Sireika, l’embrassant longuement. Il restait exactement 2 secondes de jeu effectif, Zalgiris menait de 3 points et Gerdius Gustas avait marqué 17 points dans la soirée aux lancers francs sur 17 tentatives. C’était foutu. Même les supporters ultras, les plus résolument optimistes des jaunes n’y croyaient plus, la situation n’étant plus réversible en termes de basket-ball « normal ».

Oui mais, presque pour l’anecdote, Gustas manquait ses deux dernières tentatives. Ca n’aurait rien du changer, il fallait à Maccabi marquer un panier à 3 points en 2 secondes, la quadrature du cercle… Pini Gershon, l’entraîneur mythique et mystique de Maccabi prenait son dernier temps mort ; ils allaient tenter un dernier truc. Gur Shelev, le moins bon protagoniste de la partie jusqu’alors, qui avait précipité la chute des idoles de Yad Eliahou en manquant des paniers immanquables, procédait à la remise en jeu depuis sa ligne de fond. Deux secondes ! Sa passe traversa tout le terrain pour parvenir dans les mains de Sharp, lui aussi très moyen jusqu’ici ; Sharp eut juste le temps de se retourner et de tirer à 9 mètres, avec le buzzer signifiant la fin du match. Les yeux de tous les téléspectateurs lituaniens et israéliens suivirent la trajectoire du ballon qui leur sembla soudain interminable jusqu’au filets de Zalgiris, qu’il fit trembler sans même toucher l’anneau en fer.

Le tir magique de Sharp. Il reste 9 centièmes de seconde à jouer


94 à 94 ! Incroyable. Devant les joueurs lituaniens assommés (ils ne s’en remettront d’ailleurs pas durant toute la durée des prolongations) les malaises cardiaques se multipliaient parmi l’assistance au stade et le Magen David Adom, le pendant israélien de la Croix Rouge, devait intervenir à des dizaines de reprises aux 4 coins du pays.

Les prolongations ne furent qu’une formalité, dominées par les Maccabéens d’un bout à l’autre mais ce furent les remplaçants qui durent faire le boulot, toutes les vedettes de Tel Aviv, à part Vujcic (18) soudain retrouvé, ayant atteint leurs quotas de fautes personnelles. Ce furent ainsi les Burstein, les Yotam Halperin et autre Blumenthal qui terrassèrent les malheureux Lituaniens, privés, pour les mêmes raisons, du concours de Sabonis.

La rencontre se termina sur le résultat de 107 à 99. S’en suivit des expressions d’émotion que je n’avais jamais vues autour d’une aire de basket, même pas lorsque Maccabi remporta ses finales de coupe d’Europe. Des joueurs, comme Sharp, l’auteur du miracle, pleurèrent longtemps et à chaudes larmes, des dirigeants aussi, ainsi que des centaines de spectateurs et de téléspectateurs. Et pas de sensiblerie ni d’excès de fierté, seulement parce qu’ils venaient d’assister à la magie du sport, à la victoire de leur équipe qui revenait des enfers. En attendant CSKA Moscou, Sienne et Bologne pour le Final Four, à Tel Aviv, avec le Maccabi, on se dit, avec ce qu’on a vu au foot de Monaco-Real Madrid et La Corogne-Milan, merci la vie, le sport ça fait superbement passer le temps.



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