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Un bilan palestinien des quatre années d’Intifada
MEMRI
Article mis en ligne le 11 novembre 2004

Des éditorialistes palestiniens ont récemment publié des articles dressant le bilan des quatre années d’Intifada dans lesquels ils reconnaissent que le préjudice causé aux palestiniens est dû au fait d’avoir fait des opérations martyres/suicide leur stratégie première de lutte.

De plus, le statut de l’Autorité Palestinienne (AP) en tant que leader des Palestiniens a été mis à mal et de signes d’anarchie au sein de la société palestinienne se sont amplifiés. Certains comptes-rendus décrivent la situation comme étant plus proche de la défaite que de la victoire et se plaignent de l’insuffisance des résultats politiques, de l’absence d’objectifs et du manque de planification stratégique. Voici des extraits de ces articles :

Une absence de planification stratégique, d’objectifs et de résultats politiques

Hanna Amirah, une membre du Conseil Exécutif palestinien et du bureau politique du Parti Populaire palestinien (communiste) a écrit : « L’Intifada n’est pas parvenue à devenir une Intifada populaire générale ou qui aurait transcendé les frontières comme le souhaitaient certains dirigeants [palestiniens]. Elle n’est pas parvenue a éveiller l’identification arabe et internationale que les Palestiniens escomptaient ou à entraîner un mouvement politique qui mettrait un terme à l’occupation […]. L’Intifada n’est pas parvenue à concrétiser les slogans de mise en place d’une [force de] défense internationale ou d’observateurs internationaux ni de briser le monopole des Etats-Unis concernant un règlement. Elle n’est pas parvenue à faire en sorte que soit levé le siège du peuple palestinien et de son président élu ou de stopper la construction de la barrière de sécurité […]. » 1

Dans sa rubrique dans le quotidien de l’AP Al-Ayyam, Hani Al-Masri, un haut responsable duMinistère de l’information a écrit : « L’Intifada est à présent plus proche de la défaite que de la victoire […]. Nous sommes, à n’en pas douter, extrêmement loin d’établir un Etat libre et indépendant et de mettre en œuvre le droit au retour […]. » 2

Hafez Al-Barghuthi, le rédacteur en chef d’un autre quotidien de l’AP, Al-Hayat Al-Jadida, a écrit : « Nous saluons notre peuple combattant qui a fait preuve d’une bravoure, d’un courage et d’un sacrifice se calculant en milliers de pourcents mais n’a réussi à récolter que 30% des bénéfices. Ceci trouve son origine dans une absence de planification stratégique, un manque d’unité nationale et un gouvernement défaillant. Le courage ne suffit pas à lui-seul et la bravoure ne suffit pas à remporter des victoires. Nous devons regarder autour de nous pour admettre l’étendue de la défaite qui nous a frappé. Nous ne percevons pas l’existence d’un gouvernement fort, de factions obéissantes ou d’une administration démocratique […]. » 3

Dans la même veine, le Dr Fayhaa Abd Al-Hadi, un membre de la direction du Syndicat des Ecrivains palestiniens a écrit : « La position palestinienne n’a pas su centraliser un objectif, une planification ni une organisation. Elle n’est pas parvenue à unifier ses rangs autour d’un consensus interne définissant les étapes de la lutte ou déterminant un dénominateur commun liant tous les acteurs [palestiniens] […]. » 4

Muhammad Yaghi, un chroniqueur pour Al-Ayyam, un quotidien de l’AP, et un partisan de l’initiative de Genève affirma : « Notre refus d’accepter une décision comme le prévoyait le rapport [de la Commission] Mitchell, le plan Tenet et la Feuille de Route n’a pas servi nos intérêts mais ceux d’Israël. Tout le monde se souvient qu’Israël a choisi dans le Rapport Mitchell uniquement [les parties relatives à] la période de cessez-le-feu afin d’empêcher la communauté internationale d’intervenir dans la mise en œuvre des autres sections du Rapport et elle y est parvenue car nous avons refusé d’appliquer la partie nous concernant […]. Concernant la Feuille de Route […], pour diverses raisons, notamment la crainte de glisser vers une confrontation interne, l’AP refusa d’implémenter la partie sécuritaire de la Feuille de Route […] [et ceci] donna à Israël un motif pour proposer le plan de désengagement […]. » 5

Ashraf Al-Ajrami, un autre chroniqueur du journal Al-Ayyam a écrit : « L’impasse politique était également due [au fait] que les Palestiniens n’ont pas réussi à mettre dans l’embarras l’Israël de Sharon et le mettre politiquement dos au mur en prenant des initiatives politiques et en proposant des plans en adéquation avec le cours des évènements et des évolutions internationales. Qui plus est, ce sont les Palestiniens qui ont été mis le dos au mur et Israël est apparu comme étant la partie initiatrice qui fait échouer les plans internationaux [d’une part] et qui suggère des alternatives qui semblent plus acceptables d’autre part […]. » 6

L’Intifada a conduit à l’anarchie et à la perte du contrôle

Dans sa chronique quotidienne dans le quotidien Al-Hayat Al-Jadida, Hafez Al-Barghuthi a écrit : « Nous avons échoué à empêcher la dislocation [sur le plan] interne et nous avons perdu le contrôle de la situation à tel point que l’occupation et ses généraux sont parvenu à nous entraîner dans leur guerre abominable et nous conduire à tuer des civils afin de donner une justification au massacre de nos femmes et enfants […]. Etant donné que le non-droit et l’anarchie trouvent grâce à nos yeux, nous avons détruit - intentionnellement ou inconsciemment - l’autorité et le fondement même de l’AP et nous avons perdu le contrôle […]. Lorsque nous appelions à faire face à un problème, à soutenir l’AP et à coordonner toutes les factions en vue d’éviter l’anarchie nous avons assisté avec surprise à une course effrénée vers la division et l’anarchie […]. Ceci est le résultat du manque d’intérêt, de la négligence, du désespoir et des divisions […]. Nous devons avoir l’honnêteté de reconnaître que nous avons échoué sur la scène intérieure […]. Nous avons perdu la capacité de penser stratégiquement […]. » 7

Lors d’un entretien avec Al-Hayat Al-Jadida, l’analyste politique Hani Habib déclara : « L’absence de droit et de sécurité a contribué à une hausse de la corruption [et à l’intensification] de la guerre menée contre les réformes et leurs partisans, [invoquant] l’argument que la résistance à l’occupation se trouvait tout en haut de la liste des priorités. L’Intifada a éloigné les Palestiniens des réformes intérieures et n’a engrangé aucun succès concernant la lutte contre l’occupation. Les factions se sont renforcées au prix d’une régression de l’action publique […]. » 8

Muhammad Yaghi, un chroniqueur d’ Al-Ayyam a écrit : « Nous sommes aujourd’hui plus éloignés de nos objectifs que jamais dans le passé […]. Le nombre élevé de directions autonomes n’est pas dû [à la nécessité] d’affronter la chasse au noyau dur de l’Intifada [par les Israéliens] comme lors de la première Intifada. Au lieu de cela, il reflète des stratégies divergentes, parfois contradictoires. Ainsi, par exemple, la direction islamique mène des opérations militaires à l’intérieur d’Israël tandis que l’AP les condamne. Sans un commandement, une direction, des méthodes et des objectifs convenus nous ne pourrons atteindre le succès. Si après quatre ans, les factions et l’AP discutent [encore] des objectifs de l’Intifada et des moyens de les atteindre, il y a un vrai problème qui doit être reconnu et traité. » 9

« Il aurait été possible d’obtenir des bons résultats si les Palestiniens avaient opté pour la stratégie de lutte populaire non violente »

Ghassan Al-Shak’a, un membre du Conseil Exécutif de l’Autorité Palestinienne a écrit dans le journal Al-Quds : « Israël a sagement exploité l’opportunité du 11 septembre et a tourné l’opinion publique contre les Palestiniens - particulièrement les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui ont établi une analogie parfaite entre la résistance armée palestinienne et le terrorisme. En outre, le concept de terrorisme a été associé aux musulmans en général. Il aurait été possible d’obtenir des bons résultats si les Palestiniens avaient opté pour la méthode de lutte populaire non violente - une lutte organisée qui aurait pu être contrôlée et dirigée […]. Mais aujourd’hui le monde entier est contre nous et exerce de terribles pressions sur le peuple palestinien et sa direction. Une situation [est apparue] dans laquelle la partie palestinienne n’est pas acceptée comme partie [à des négociations]. » 10

Muhammad Yaghi a écrit dans Al-Ayyam : « [L’une des faiblesses de l’Intifada] est l’incapacité à tracer une limite entre des moyens de lutte légitimes et illégitimes. Les opérations militaires [palestiniennes] ont fourni au gouvernement israélien un prétexte pour se dérober de sa responsabilité envers le monde […] et ont extirpé Israël de son isolation. Elles ont rendu possible la pression continuelle sur le peuple palestinien et son gouvernement au point d’appeler à son remplacement. Ces actions ont conduit à la mise sur un pied d’égalité de l’occupé et de l’occupant dans la plupart des résolutions de l’ONU des quatre dernières années. [Les opérations militaires] ont affaibli les composantes pacifistes en Israël dont nous avons besoin et ont renforcé à leur détriment les colons et la droite israélienne extrémiste. Le plus important est que ces actions ont divisé le peuple palestinien en raison de divergences d’opinion à leur égard et ont détourné de larges franges d’une participation active à l’Intifada. De ce fait, elle est devenue une Intifada des élites militaires au lieu d’une Intifada populaire. Cela s’est traduit par une interprétation erronée des évènements. Comme ont pu le faire des déclarations [palestiniennes] faisant référence à un « cessez-le-feu mutuel » comme s’il y avait une armée palestinienne au lieu de décrire la situation comme une confrontation entre l’armée israélienne et le peuple palestinien. » 11

Ashraf Al-Ajrami a écrit dans Al-Ayyam : « Il y a une stagnation du processus politique […], mais les Palestiniens portent une part de responsabilité pour cela car ils ont contribué à créer les conditions qui ont aidé la droite en Israël à remporter les élections en intensifiant les opérations contre les citoyens israéliens. » 12

« Le plus grand préjudice est le développement croissant d’une culture négative qui glorifie la mort »

Le chroniqueur d’ Al-Ayyam, Ashraf Al-Ajrami, a également abordé le volet socio-culturel du préjudice causé par l’Intifada : « Le plus grand préjudice est le développement croissant d’une culture négative qui glorifie la mort et considère la réalité comme un sort prédestiné duquel on ne peut s’extraire, qui privilégie un retour à ses racines en opposition avec le cours de l’histoire afin de fuir une réalité complexe et se cacher derrière un passé lointain.

Egalement, des concepts de distanciation vis-à-vis des divisions [et de les traiter comme] un crime et un interdit se sont imposés. Sur la scène palestinienne, des signes d’anarchie et de régression sociale sont devenus prévalant, ramenant la société au tribalisme et faisant des gens des simples pions sous la menace des armes au détriment de tout élément culturel en phase avec le développement et l’établissement d’un gouvernement politique moderne capable d’aborder les défis du vingt-et-unième siècle […]. » 13

Quelles sont les mesures à prendre pour réparer les dégâts de l’Intifada ?

Un conseiller du Président de l’Autorité Palestinienne Yasser Arafat, Bassam Abou Sharif, a avancé l’idée « de cesser de tirer des obus de mortiers en direction des lieux d’habitation en Israël et restreindre la lutte à des cibles militaires où que ce soit, y compris des habitants armés des implantations qui sont aussi des soldats de l’occupation ». 14

Ahmad Majdalani, un conseiller du Premier ministre de l’AP Ahmad Qurei (Abu Ala’a) et ministre sans portefeuille a écrit : « Nous devons maintenir le caractère populaire de l’Intifada, prendre nos distances vis-à-vis de la militarisation de l’Intifada et diversifier les formes de lutte et de résistance. Les opérations-martyre contre des civils à l’intérieur d’Israël doivent être cessées immédiatement [et] un message doit être adressé aux Israéliens afin de dénoncer et de réfuter les allégations d’Israël. Les leçons doivent être tirées de cette amère expérience de souffrance et des victimes de ces quatre années d’Intifada afin d’améliorer le dialogue en vue de consolider un plan politique pour une Intifada aux objectifs politiques concrets […]. » 15

Ghassan Al-Shak’a a écrit dans Al-Quds : « Etant donné que la responsabilité est portée par l’AP et les Palestiniens, un grand courage est nécessaire pour effectuer une « réévaluation » ouvertement et non pas derrière des portes closes afin d’instituer l’ordre et le droit et d’entretenir un dialogue sérieux basé sur les intérêts et non sur les sentiments. En outre, de nouvelles méthodes de lutte doivent être adoptées pour s’adapter à la réalité [...]. » 16

Hafez Al-Barghuthi a écrit dans Al-Hayat Al-Jadida : « [Nous] devons assouplir les restrictions et faire preuve d’autocritique […]. L’Intifada ne doit pas être poursuivie uniquement pour elle-même […]. Toute lutte dénuée d’un objectif politique est une lutte futile […]. Le temps est venu, au nom du sang des shahids [martyres], de parler et de demander de mettre fin à la déroute sur la scène palestinienne. Le temps est venu pour toutes les composantes de l’AP et pour toutes les factions palestiniennes de respecter leur peuple et l’intérêt national palestinien et de se rapprocher des intérêts de la population dans sa globalité […]. » 17

Muhammad Yaghi a écrit dans Al-Ayyam : « Concernant les réfugiés, ils doivent patienter longtemps avant que leur problème ne soit résolu. Ce qui nous est offert peut être aujourd’hui résumé en une phrase : la cessation de la violence armée. Le problème des réfugiés peut attendre. » 18

1Al-Quds (Jérusalem), 29 septembre 2004.

2Al-Ayyam (AP), 28 août 2004.

3Al-Hayat Al-Jadida (AP), 28 septembre 2004.

4Al-Ayyam (AP), 10 octobre 2004.

5Al-Ayyam (AP), 30 septembre 2004.

6Al-Ayyam (AP), 1er octobre 2004.

7Al-Hayat Al-Jadida (AP), 28 septembre 2004.

8Al-Hayat Al-Jadida (AP), 28 septembre 2004.

9Al-Ayyam (AP), 30 septembre 2004.

10Al-Quds (Jérusalem), 27 septembre 2004.

11Al-Ayyam (AP), 30 septembre 2004.

12Al-Ayyam (AP), 1er octobre 2004.

13Al-Ayyam (AP), 1er octobre 2004.

14Al-Quds (Jérusalem), 15 octobre 2004.

15Al-Ayyam (AP), 6 octobre 2004.

16Al-Quds (Jérusalem), 27 septembre 2004.

17Al-Hayat Al-Jadida (AP), 28 septembre 2004.

18Al-Ayyam (AP), 30 septembre 2004.



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