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Shlomo Sand, Rayons le Peuple Juif !
Par Thérèse Zrihen-Dvir - ajout documentaire, revu et corrigé : Marc Brzustowski pour lessakele et aschkel.info
Article mis en ligne le 17 février 2010

Shlomo Sand devrait remplacer l’intitulé de son oeuvre : « Comment le peuple juif fut inventé » par « Rayons le peuple juif de la surface du monde », titre beaucoup plus approprié que celui que l’auteur lui a attribué actuellement. Nous ne cessons, ces derniers jours, de lire dans tous les journaux, et sur la majorité des sites médiatiques des réponses - des réactions qui fustigent, à juste titre d’ailleurs, ce livre et son auteur.

Certaines répliques ressemblent à des études synthétiques dans lesquelles les initiateurs cherchent à mettre à plat le château de sable que Mr. Sand a essayé, non sans ingénuité, d’ériger. D’après lui, le peuple juif n’existe pas, la Shoah n’étant plus qu’un artifice, produit de la mort des six millions de « convertis », ensuite manipulé par les sionistes pour obtenir une légitimité sur la Palestine.

Le Monde Diplomatique en parle en citant certains morceaux délectables :

Les Juifs forment-ils un peuple ? À cette question ancienne, un historien israélien (Shlomo Sand) apporte une réponse nouvelle. Contrairement à l’idée reçue, la diaspora ne naquit pas de l’expulsion des Hébreux de Palestine, mais de conversions successives en Afrique du Nord, en Europe du Sud et au Proche-Orient. Voilà qui ébranle un des fondements de la pensée sioniste, celui qui voudrait que les Juifs soient les descendants du royaume de David et non — à Dieu ne plaise ! — les héritiers de guerriers berbères ou de cavaliers khazars.
Citation de Sand : "Tout Israélien sait, sans l’ombre d’un doute, que le peuple juif existe depuis qu’il a reçu la Torah dans le Sinaï, et qu’il en est le descendant direct et exclusif. Chacun se persuade que ce peuple, sorti d’Egypte, s’est fixé sur la « terre promise », où fut édifié le glorieux royaume de David et de Salomon, partagé ensuite en royaumes de Juda et d’Israël. De même, nul n’ignore qu’il a connu l’exil à deux reprises : après la destruction du premier temple, au VIe siècle avant J.-C., puis à la suite de celle du second temple, en l’an 70 après J.C.
D’où vient cette interprétation de l’histoire juive ? Elle est l’œuvre, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, de talentueux reconstructeurs du passé, dont l’imagination fertile a inventé, sur la base de morceaux de mémoire religieuse, juive et chrétienne, un enchaînement généalogique continu pour le peuple juif. L’abondante historiographie du judaïsme comporte, certes, une pluralité d’approches. Mais les polémiques en son sein n’ont jamais remis en cause les conceptions essentialistes élaborées principalement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. – Shlomo Sand"

La théorie de Sand repose sur quelques points :
● 
Les Juifs ont progressivement et volontairement émigré hors d’Eretz Israel, essaimant dans tout le bassin méditerranéen et au-delà.
● Les Juifs ont de tout temps pratiqué un prosélytisme actif, jusqu’à ce que le christianisme et l’islam s’imposent autour du bassin méditerranéen.
● L’Exil du peuple juif après la destruction du IIe Temple n’a jamais eu lieu. Le peuple est resté sur place et a été islamisé au VIIe siècle.
Conséquence : les vrais « Juifs génétiques » seraient les populations arabes résidant actuellement en Eretz Israel occidentale, quant aux « Juifs officiels », ce sont des descendants de populations, principalement khazares et berbères, autrefois judaïsées.

D’abord, S. Sand commence par gommer d’un trait de plume un ensemble de codifications généalogiques connues depuis, au moins, les tous débuts du Judaïsme exilique : à savoir les règles rabbiniques de transmission de la judéité par la mère. Qu’est-ce qu’un peuple « d’essence prosélyte », selon lui, aurait-il eu besoin d’affirmer aussi radicalement qui est légitime à s’en réclamer et qui ne l’est pas ?

Règle qui continue de s’appliquer de nos jours et pose bien des problèmes d’identité à l’enfant de mariage mixte. C’est comme de passer, par aveuglement, à côté d’une des explications plausibles de cette conservation à travers le temps, pour appuyer un parfait contre-sens : le prosélytisme consiste à diffuser une pensée issue d’un texte conçu comme sacré, en faisant abstraction totale des règles d’élection permettant d’accéder à ce même texte.

Visiblement, S. Sand n’a pas cherché à comprendre comment fonctionne ce Judaïsme conservateur, les préoccupations qui orientent les choix des premiers rédacteurs de traités de la Michna et du Talmud, dans ses versions babylonienne ou/et de Jérusalem. La Michna est un condensé rédigé par les Tannaïm (répétiteurs), rappelant, sans les modifier, les enseignements de leurs maîtres.

Elle commence avec Raban Yohanan Ben Zakaï, s’étend sur trois siècles et s’achève au IIè siècle de l’ère ordinaire, avec Rabbi Yehuda HaNassi. L’univers décrit est celui d’un peuple centré autour du Temple détruit un siècle plus tôt. L’esprit de ces traités et chapitres est à l’opposé d’une « invention », puisqu’il s’agit, au contraire de compiler les règles et controverses à fin de transmission ultérieure.

D’autres règles s’opposent à toute édulcoration pour « séduire des prosélytes », comme l’interdiction de modifier ne serait-ce qu’une lettre ou un espace de la Torah, lors d’une reproduction calligraphique. Les commentaires fondent la Guémara. Un grand soin est donc apporté à différencier nettement commentaires, interprétations (ajouts) et textes fondamentaux transmis et attribués en mémoire des Sages, « de génération en génération » (DorVaDor). 

La Michna est composée de 63 traités, dont les 7 traités de Nachim (les femmes) relatifs au mariage, à la fidélité, au divorce, aux vœux… Sans s’étendre plus loin, au moment où Sand percevrait la naissance d’un « prosélytisme », détache, donc, de tout cadre généalogique, le sens juridique ferme des textes du premier siècle après la destruction du Second Temple prône exactement le contraire.

C’est donc à cette époque, que contrairement à la réalité historique et à tous les documents dont nous disposerions pour en attester, à tout le moins servir d’indice, qu’au lieu de généalogistes scrupuleux, nous aurions dû voir fleurir, au sein du monde juif, des « évangélistes » hébraïques répandant la bonne parole.

Ceci est sans doute la plus grave approximation de S. Sand, en ce sens qu’il confond alors, mais radicalement, le Christianisme des premiers temps (Saül de Tarse aux Corinthiens, etc.) avec la Synagogue appliquée à l’observation de la Loi mosaïque. Celle-ci se donne, avant tout comme une orthopraxie (Naassé Vé Nichma, fais et tu comprendras !), et non une philosophie intellectuelle visant à convaincre à partir du récit mythique de « miracles », de légendes et fables à proférer au tout-venant.

Où donc Sand va-t-il puiser l’imaginaire du prosélytisme, hormis dans la sphère chrétienne, qui va bientôt supplanter en nombre les petites minorités juives ? Si ce n’est immédiatement après la destruction du Temple, ce ne peut être que précédemment à cet évènement qui est le nœud de l’histoire juive depuis, au moins David Hamelekh (le roi David). Tout ceci recule d’autant la datation des racines de ce judaïsme postexilique, ou contemporain de l’Exil.

L’œuvre d’un historien authentique, lui, Salo Wittmayer Baron, enseignant à Columbia jusqu’en 1963, détenteur de l’ordination rabbinique et de trois doctorats peut, peut-être nous éclairer.
Il est considéré comme, sans doute, le plus grand historien du peuple juif du 20ème siècle. Comme Francine Kaufmann le reprend un peu plus tard, Baron pense, justement, que cette codification matrilinéaire est, vraisemblablement postérieure à la destruction du Temple. Si l’appui des 4 matriarches est essentiel à la réalisation de la mission de chacun des Patriarches, il est probable qu’une tolérance relative était la conséquence d’un centre intégrateur puissant et que la prévalence patrilinéaire l’emportait, au temps de l’existence d‘un état centré sur le temple.

Le livre de Ruth dit assez que le judaïsme biblique n’est pas hostile, par principe à l’entrée de nouveaux membres dans la famille ou tribu. D’autre part, Baron évalue à environ 8 millions d’âmes l’extension des diasporas commerçantes et maritimes, dans des centres aussi conséquents, à l’époque que la Communauté juive d’Alexandrie, dans ses rapports entretenus avec son centre spirituel (pèlerinages, etc.) à Jérusalem. Il se peut, là encore, que des conversions épisodiques, aient eu lieu, par désir d’alliance avec des guildes puissantes ou par mariage. Elles sont marginales, dans la mesure où l’état-nation, son développement (vignes, agriculture…) est la force attractive. De tout temps, le « prosélyte » désigne celui qui rejoint, l’identité même étant clairement définie comme appartenance à un peuple-nation, jamais on ne va le chercher.
On sait qu’en Orient, notamment, on n’entre et ne sort pas aussi facilement de son groupe et cet invariant culturel prévaut un peu partout, jusqu’à l’avènement de la notion d’individu, au siècle des Lumières.

S’il existe des prophètes en Eretz Israël, on ne perçoit toujours pas, dans l’Antiquité et jusqu’au Moyen-âge, de « prosélytes » juifs allant de ville en ville hors du royaume. Le fait même est que le Nazaréen soit parti de Galilée pour enseigner à Jérusalem, et que ce sont ses disciples qui se répandront, ultérieurement, à la surface de la terre. On sait aussi que les Romains, même s’ils ont sauvagement réprimé les révoltes juives de Judée et d’ailleurs (Bar Korbha), procédé à un véritable génocide culturel en faisant disparaître le temple, en changeant le nom de cette capitale et de ce pays, du temps d’Adrien, toléraient néanmoins, ses survivances cultuelles dans l’empire et qu’ils n’ont pas exterminé 8 millions d’individus, à une époque où nous pouvons le dire avec certitude, que Shlomo Sand se rassure ( !), les chambres à gaz n’existaient pas !

Or, on observe bien qu’avec la destruction du temple, ce rapport s’inverse, la codification conservatrice et la richesse de l’enseignement, de l’étude, deviennent les piliers de la connaissance et de la transmission. Les enfants juifs, détournés des métiers d’une terre qu’ils n’ont plus, sont scolarisés, sur les plans de l’écrit et de l’oral. A partir du Vè siècle, devenu minoritaire et faible au sein de royaumes dominants qui l’assujettissent, et surtout, d’une Religion qui veut s’imposer à son détriment, le Christianisme, avant l’Islam, le peuple juif ne peut pas être tourné vers le prosélytisme, à moins de contorsions historiques intenables.

Il sera, au contraire, progressivement, regroupé dans des ghettos et des mellahs, au point même que certaines maladies consanguines apparaissent en terres ashkénazes. Et il existe, à cette heure, peu de sources khazares, qui tiennent ici du mythe, puisque leur survivance (archéologique, linguistique, génétique) n’est pas assurée, mais tirée d’extrapolations d’Arthur Koestler (romancier, essayiste, journaliste, d’ailleurs sioniste et ami de Jabotinski, et jamais historien auto-revendiqué). Elles restent une hypothèse romanesque.

Et on voit mal en quoi elle s’opposerait aux sommes comme la Michna, etc. évoquées plus haut et qui lui sont bien antérieures. Aux temps de la sujétion, seul un Souverain pouvait décider de la conversion en masse de ses sujets. Que le cas ait existé dans ce royaume n’explique pas l’extension démographique de tels Juifs convertis dans les futurs pays d’accueil de l’Est notamment, encore moins que cette conversion se poursuive en royaumes chrétiens, orthodoxes ou islamiques (dès le IXè s.). A moins qu’il ne s’agisse de lapins khazars qui comme chacun le sait, avaient les yeux rouges.

Sur le plan linguistique, on observe des corrélations surprenantes entre des groupes culturels qui n’ont pas de raison d’avoir été en rapport, comme la prononciation yéménite et celle des Juifs d’Europe de l’Est. Des découvertes archéologiques récentes permettent d’attester de la présence de cités juives jusque dans le Sahara. Les fouilles en terre d’Israël mettent à jour des rues de l’époque davidique. Ou encore, le papyrus d’Ipuwer narre les grandes étapes des dix plaies et de la sortie d’Egypte.

Si le doute scientifique est la règle et ne prouve que par l’administration de la preuve, sa contestation éventuelle point par point, contre-preuves à l’appui, le fait est que l’essayiste Sand rejette en bloc toute objection, méprise ces autres découvertes, n’apporte aucune source nouvelle, focalisé qu’il est sur la diffusion de sa thèse de nature purement politique et polémique, plagiant purement et simplement Arthur Koestler.


À tout ce galimatias qui flirte avec le négationnisme d’obédience palestinienne, quant à l’existence de traces réelles et vérifiables, s’opposent, les écrits datant de plusieurs siècles et les indices nombreux, tant archéologiques qu’historiques (manuscrits, poteries, monnaies, ruines d’habitations ) que Mr. Sand a préféré mettre de côté puisqu’ils démolissaient son fragile jeu de cartes.

Moise n’a donc jamais existé d’après Mr. Sand et les tables de loi sont une pure invention. De nos jours même la traversée de la mer Rouge peut être confirmée grâce à des recherches sous marines qui ont réussi à en ramener des roues égyptiennes de l’époque pharaonique ainsi que des pièces d’or datant de cette époque. Sans compter le papyrus d’Ipuwer, mentionné plus haut. Je suppose qu’à ces trouvailles Mr. Sand prétendra qu’ils ont été intentionnellement placés là par des sionistes (?).

Rachi (Rabbi Shlomo ben Itchak (1040-1105), commentateur de la Bible et du Talmud, né à Troyes en France) a-t-il jamais existé ? D’où lui venaient la Bible et le Talmud, si d’après Sand, le peuple juif n’existait plus, qu’il aurait été complètement converti à l’Islam déjà après la destruction du second temple en 70 après J.C., et qu’aucune migration ou déportation de juifs n’a jamais eue lieu ? Comment un peuple massacré, disséminé, à peine résilient, peut-il instituer un prosélytisme et sur la force de quelles convictions, autre qu’une puissance militaire ou les tours de passe-passe de quels rabbins-magiciens ? Les prosélytismes dominants sont ceux tirés des religions chrétiennes et musulmanes pour les raisons militaires, impériales que l’on sait.

Maïmonide (1135-1204), Rambam, R..Moïse Ben Maïmon, philosophe juif du XIIIème siècle (d’origine espagnole), lui aussi, est donc une autre invention ? Sinon, d’où leur provenaient leurs connaissances de la religion juive, de la bible, du Talmud, de l’éthique et de l’exégèse juives ???

Enfin, plus nous suivons le courant de l’histoire, plus nous découvrons les racines profondes des juifs dans cette région appelée par les Romains : Palestine. Le judaïsme/monothéisme n’existait pas seulement depuis Moise, mais bien depuis notre ancêtre Abraham qui lui vivait à Beer Sheva. Et pourquoi donc, dans le tombeau des Patriarches à Hébron en Cisjordanie se trouvent les tombeaux d’Abraham, de Sarah, d’Isaac, de Rébecca et de Léa, considérés comme les ancêtres du peuple juif et ne les trouve t-on pas en Égypte ou en Mésopotamie par exemple ?
Le Kotel, improprement appelé par les Chrétiens, mur des Lamentations, devrait aussi être préfabriqué par les sionistes afin de légitimer leurs droits sur Jérusalem.
C’est évidemment très triste d’être sujet à des accusations si veules surtout venant d’un ressortissant juif et israélien par dessus le marché !

Je suggère gentiment à Mr. Sand de rendre sa carte d’identité israélienne à cet état qu’il dénigre et ne reconnaît pas d’ailleurs, et puisqu’il le considère imposteur, les diplômes qu’il a reçus de ses universités ne possèdent aucune valeur. L’identité qu’il devrait épouser est celle qui lui conviendrait le mieux : celle des Palestiniens et nul ne doute qu’il y sera reçu à bras ouverts.

Thérèse-Zrihen-Dvir



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