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Gaza : la kermesse de tous les dangers
Par Sami El Soudi à Gaza © Metula News Agency
Article mis en ligne le 15 août 2005
dernière modification le 16 août 2005

et le prétexte israélien n’existera plus dans un mois, on se retrouvera strictement entre nous

Par petits groupes de quelques dizaines de personnes, des animateurs des rues, amateurs, entretiennent la fête à Gaza pendant que les Juifs se disputent à l’entrée des implantations toutes proches. Ces rues n’avaient jamais vu de cortèges de ce genre : pas de Kalachnikovs, d’uniformes, de cagoules ou de tirs en l’air mais des costumes d’animaux empruntés à Walt Disney, des hommes et des jeunes qui dansent la Debka, notre danse nationale.

 

Qu’on ne s’y trompe pas, cependant, Gaza n’a jamais vécu de carnaval aussi sérieusement ordonné. Les metteurs en scène et les moniteurs sont tous des hommes de la Sécurité Préventive, les mieux entraînés de l’Autorité Palestinienne, et les exécutants sont tous membres des Shabiba, le mouvement de jeunesse du Fatah de Mahmoud Abbas.

 

Et s’il n’y a pas de cortège unique et imposant, si on lui a préféré ces artistes de quartiers, c’est afin d’empêcher que ne se forme un trop gros rassemblement. Un habile prédicateur du Hamas suffirait à rendre la foule incontrôlable, c’est en tous cas l’appréhension du pouvoir.

 

D’ailleurs, deux rues plus loin, dans un périmètre où les forces officielles de l’AP ne s’aventurent toujours pas, les terroristes d’Ezzedine El Qassam défilent au pas cadencé, armes en bandoulière, scandant des slogans qui attribuent le départ des Israéliens aux actions du Hamas. Hier, les mêmes ont simulé l’attaque d’une implantation : c’était caricatural, grotesque. Jusqu’à maintenant les organisations terroristes palestiniennes se sont plus illustrées à éventrer des femmes enceintes qu’à conquérir la moindre niche de chien dans la moins bien gardée des implantations.

 

Il y a cette course à la revendication de la victoire que nous n’avons pas remportée, chacun tentant de démontrer pourtant, que c’est grâce à lui et à ses méthodes que les Israéliens s’en vont. La vérité est plus prosaïque : ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient rien à gagner dans notre bourbier, ils se retirent, non sans oublier de refermer un lourd couvercle sur une soupe de crabes venimeux et pinçants en pleine ébullition.

 

Et demain, demain sans Israéliens, ce sera pour les Azatis l’aube de tous les dangers. Les langues se délient. Loin des airs des cornemuses et des tambours, des habitants expriment leur peur, des vieux surtout. Ils commentent par dictons et proverbes ; pas pour éviter de possibles représailles mais parce que les phrases qui datent portent plus loin en arabe, puisqu’elles ont traversé sans encombres l’usure des années.

 

Ils n’étaient pas si terribles, ces juifs, entend-on ça et là ; avant, Moshé, Sarah ou Avraham était mon meilleur ami. "Ils ont construit plus d’écoles et d’hôpitaux que tous les frères arabes réunis" dit une vielle femme qui fume la pipe. "Et il n’y a pas une famille de Gaza dont l’un des membres n’ait pas été soigné dans un hôpital israélien", renchérit sa copine.

 

Nostalgie de perdre ses voisins ? Un peu et malgré tout. Malgré le fait qu’ils se sont imposés et qu’ils n’étaient pas les bienvenus. Mais il s’agit d’une réaction marginale, une réaction qui veut exprimer la peur terrible de l’éclatement d’une guerre civile, du chaos total ; "de ce que ce soit infiniment pire que les pires choses que nous avons connues jusqu’à présent. Et tu sais qu’on a dégusté, n’est-ce pas ibni ?" me dit un vieillard dans sa misérable demeure.

 

Pas loin d’où nous nous trouvons a été installé le poste de coordination israélo-palestinien. En cas de coup dur, c’est ici qu’on essayera de trouver une réponse commune et surtout rapide, pour éviter que cela ne dégénère pendant le retrait. C’est en fait la crainte la plus immédiate d’Abbas et de Sharon, les deux leaders qui prient pour que le désengagement se passe sans trop de dommages.

 

Tôt ce matin, le pire a pourtant failli arriver, le Jihad Islamique a tiré deux obus de mortier en direction de l’implantation de Gadid, pleine d’étudiants talmudiques venus rendre la vie impossible aux soldats. Vous imaginez si quelqu’un avait été tué ..? me demande le colonel palestinien en charge de nous représenter au bureau de coordination.

 

Abbas a bien disposé presque 8'000 hommes, en accord avec les Israéliens, autour des implantations juives, avec ordre de les protéger. Sur le papier, il s’agit de la plus imposante opération jamais montée par les forces de l’Autorité Palestinienne ; sur le terrain, cependant, ces unités ont toutes les apparences d’un troupeau délabré et très peu motivé. Les officiers crient des ordres et ces soldats n’entendent ou ne comprennent pas… décidément, au-delà de l’aspect symbolique et, dans une moindre mesure, de l’effet dissuasif (surtout de par leur nombre) qu’ils peuvent avoir sur le Hamas et le Jihad, ces hologrammes de militaires ne serviront strictement à rien.  

  

C’est l’après désengagement qui nous inquiète. Les chefs locaux du Hamas ont déjà avisé qu’ils ne se départiraient pas de leurs armes – mais contre qui les tourneront-ils, une fois les Israéliens hors de portée ? –. Le doute n’est pas permis, ce qui fait dire à Abou Mazen qu’il ne tolèrera pas que des forces hors les forces de sécurité de l’AP ne disposent de fusils.

 

Le ton monte, de plus en plus précis. Avec toutes ces milices armées, aucune chance de faire régner l’ordre ; et le prétexte israélien n’existera plus dans un mois, on se retrouvera strictement entre nous.

 

Des commandos égyptiens sont arrivés cette semaine à Gaza, toujours avec l’accord de Sharon. Ils logent dans les bases de la Sécurité Préventive. Ces deux unités dorment le doigt sur la gâchette : 2'500 soldats, pour l’instant, sur les épaules desquels dépend l’avenir de Gaza. La présence des Egyptiens a d’ailleurs fâché les commandants du Jihad, qui ont fait publiquement état de leur mécontentement.

 

L’après occupation ? – Si nous parvenons à juguler les organisations terroristes, Sharon et Bush nous prendront au sérieux et nous obtiendrons notre Etat. Sinon, inutile même d’en parler, ces terroristes auront détruit la Palestine avant qu’on ne reparle de la Carte Routière.

 



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