Mais 12 hommes c’est lourd, ça nécessite des armoires, des WC, des douches, une cuisine...

Les conceptions militaires traversent de grandes mutations. Dune part elles font usage des avancées de la technologie, lorsquelles ne sont pas les premières à les provoquer, et de lautre, ces conceptions tentent de sadapter aux genres de conflits qui ravagent la planète et qui, eux aussi, subissent de profondes évolutions.
Les changements de concepts militaires vont de pair avec le développement de nouveaux moyens qui les supportent. A quoi servirait-il, en effet, de développer des principes de guerre mieux adaptés aux conflits si les armées étaient privées des équipements pour les appliquer ?
A rien ? Pas tout à fait cependant. En tous cas pas dans les pays dits riches et avancés dotés de centres de développement darmes nouvelles. Dans de tels cas, on assiste à un dialogue entre les stratèges militaires, les militaires et les développeurs. Les premiers font part de leurs besoins et les derniers essaient de les combler.
Pour Israël, ce dialogue revêt bien évidemment une importance critique et il a non seulement déjà souvent modifié la manière qua Israël de faire face aux dangers qui la menacent mais il contribue également à augmenter la sécurité des autres sociétés organisées face aux risques quelles encourent.
Ce nest certes pas pour autant, lorsquune armée adopte de nouvelles doctrines et de nouveaux équipements, quelle abandonne instantanément les anciens. Les changements se font au contraire graduellement, en tenant compte des expériences de terrain, et les nouveautés supplantent les conceptions plus anciennes en prenant plus de place dans les budgets-défense et en attirant plus de personnel au sein des forces de sécurité.
Les choses ont toujours fonctionné ainsi et la cavalerie na pas été supprimée en un jour au profit des blindés. Poussant un peu plus loin cette comparaison, nous dirons que les nations qui nont pas su sadapter à la supplantation des chevaux par les chars, comme la Pologne, par exemple, à la veille de la Seconde guerre mondiale, se sont retrouvées complètement démunies à lheure de vérité.
Or, aujourdhui, les experts constatent que les guerres conventionnelles se font de plus en plus rares. Le dernier combat de tanks date de linvasion de lIrak, alors que la dernière confrontation de chasseurs contre chasseurs, dans le ciel, remonte à une fameuse empoignade entre Israéliens et Syriens, au début des années 80, lors de laquelle les derniers cités perdirent en une seule confrontation la quasi-totalité de leur force aérienne.
Est-ce à dire que les nations négligent le développement des équipements conventionnels et stratégiques (nucléaires) ? Non plus. Mais ces armes-là sont de plus en plus versées dans la balance de la dissuasion et elles interviennent de moins en moins souvent dans les combats.
La quasi-totalité des conflits récents et en cours met aux prises des sociétés organisées, disposant de moyens classiques imposants et de personnels nombreux avec des groupes incomparablement plus petits, agissant sur les points faibles de leurs ennemis.
Il nest que dobserver les carnages hebdomadaires provoqués par les miliciens-terroristes dEl-Zarkaoui en Irak, les attentats menés par le Hamas et les Martyrs dAl-Aqusa en Israël ainsi que les autres assassinats collectifs perpétrés en Amérique, en Espagne, en Indonésie, en Grande-Bretagne, etc. pour réaliser que les armées traditionnelles et leurs moyens présentent de ces points faibles en grande quantité au regard des spécificités des conflits actuels.
En fait, on assiste à une course poursuite entre les doctrines dirigeant les actions des groupes de miliciens-terroristes et celles appliquées par les sociétés organisées. Et comme, pour les miliciens-terroristes, il ne sagit jamais de tenir un front ou doccuper une région mais dempoisonner la vie de leurs adversaires et de frapper leur population civile, les groupes armés nont que faire de se mesurer en qualité déquipement ni en nombre de soldats avec lesdits adversaires. Il suffit dailleurs de regarder leurs armes pour se rendre compte quelles sont rustiques et quelles ont été réformées depuis belle lurette des arsenaux de leurs opposants. Oui mais elles cumulent plusieurs mérites pour leurs utilisateurs : elles sont très répandues, donc bon marché, elles ont subi à maintes reprises lépreuve du feu et sont donc éprouvées, et elles sont simples dutilisation, ce qui permet de les mettre dans les mains de combattants ayant subi une formation minimale.
De tous temps, les armées régulières ont eu dénormes problèmes pour se mesurer avec des forces irrégulières et on compte très peu darmées ayant réussi à annihiler ce genre dadversaires. Certains experts allant jusquà prétendre que de telles victoires ne se sont jamais produites.
Sans participer à cette dispute dhistoriens, nous remarquons un paramètre du nouveau champ de bataille, qui est autrement plus important en considération de la sécurité de nos populations civiles. Ce paramètre est bien évidemment celui introduit (ou réintroduit, si lon tient compte des Kamikazes) par les organisations islamistes dans la guerre quelles mènent à lOccident : lengagement de personnels prêts à sacrifier leur existence afin de servir les objectifs de ceux qui les commandent.
Inutile de dire que lintroduction de cette nouvelle donne a violemment bouleversé les doctrines de bases des responsables de la sécurité dans les sociétés organisées. Jusquaux assassinats-collectifs-suicides, toute la conception sécuritaire était articulée sur la crainte de lautre de mourir, mais depuis que la mort de ses soldats fait partie du concept opérationnel de lennemi, celui-ci nest évidemment plus sensible à la menace de se faire tuer, qui représentait, il ny a pas si longtemps, le fondement de tous les concepts de défense.
Désormais, il nest plus que rarement question de combattre en infligeant le plus grand nombre de victimes à une autre force armée. Aujourdhui, lorsque des miliciens-terroristes parvenant à traverser votre système de sécurité sapprochent de leur objectif, il ne reste plus aux sociétés organisées quà relever leurs victimes, en espérant quelles soient le moins nombreuses possible.
Le nouveau concept de défense consiste ainsi à empêcher les exécutants-suicidaires de sapprocher de leur objectif. Les mots-clés de ce nouveau vocabulaire sont : renseignement, contrôle, prévention, surveillance et absence de contact physique direct avec les éléments suicidaires en opération.
Pour Israël, en confrontation directe avec ce type de conflit, le développement de doctrines-équipements dans ces domaines procède dune importance vitale. Lun des domaines les plus explorés par lOrgane de Développement de Moyens de Combats, Raphaël, mais aussi par des dizaines de firmes privées comme Elbit Systems ou lIAI, lIndustrie Aéronautique dIsraël, est celui des véhicules sans présence humaine.
Déjà considéré comme un précurseur dans le cadre des avions sans pilote, fort de résultats probants, lEtat hébreu sest maintenant lancé dans la mise au point de vedettes sans équipage et de véhicules terrestres sans servants.
Au début de cette révolution conceptuelle et opérationnelle, il ne sagissait avec les premiers Maslatim (petits avions sans pilotes) que de rôles dobservation. Ces appareils ressemblaient à de gros modèles réduits, munis dune caméra, qui survolaient des zones frontalières sensibles ou les territoires palestiniens, à la recherche de miliciens-terroristes en route pour un mauvais coup. Puis cette activité sest affinée, au point de donner naissance à de multiples industries annexes, qui vont de lamélioration de senseurs didentification de tous types, du contrôle radar, de la guerre électronique à la production darmement sophistiqué, en passant par la multiplication des types de missions et jusquà lintroduction de lintelligence électronique.
Les Malatim (avions sans pilotes) peuvent désormais opérer très loin de leurs frontières, avec guidage et communications par lintermédiaire dun satellite et remplir des fonctions offensives complexes quil nest pas nécessaire de détailler dans ces pages. Il peut suffire de mentionner quen Afghanistan, les Américains ont donné la chasse à des talibans au moyen dun avion sans pilote, doté de missiles à guidage laser Hellfire (Feu de lenfer). Aussi, personne na été surpris outre mesure, lorsquau dernier salon du Bourget, la France a présenté un Malat de son cru, équipé de missiles antitanks produits par Raphaël.
De lavis des experts, dans un délai de dix à quinze ans, la moitié des appareils dune armée de lair à jour seront des robots volants. En attendant, ils servent à la régulation de la circulation au-dessus des routes suisses, et dans notre région, ils ont sauvé la vie de centaines de civils, en identifiant et en participant à la neutralisation des robots humains partis se faire exploser au milieu deux.
Le dernier né des véhicules inoccupés israéliens est spectaculaire. Cest une vedette rapide (70km/h) sans équipage qui se trouve au stade des essais avancés : le Protector. Un exemplaire a déjà été vendu à Singapore avant même sa mise en opération et lintérêt que ce bateau suscite en Europe et aux USA est extrêmement pointu.
Le Protector était conçu à la base pour emporter 12 combattants complètement équipés. Sa mission de base, la surveillance dune zone maritime, des eaux territoriales et les opérations commando. Mais 12 hommes cest lourd, ça nécessite des armoires, des WC, des douches, une cuisine. Les hommes, surtout dans une mer agitée, ont tendance à fatiguer et, naturellement, au bout de quelques heures, leur attention se relâche.
Le Protector part en mission
Sur une vedette sans équipage, ces impondérables nexistent pas. Toute la charge utile est employée au succès de la mission, lautonomie a pu être augmentée et, surtout, le risque encouru par les marins est nul. Dans la marine bleu blanc, on a encore fortement gravé dans la mémoire lincident lors duquel un bateau de pèche palestinien, abordé pour un contrôle, avait explosé sur limpulsion de son équipage-suicide.
Cest pour cela quon compte sur le Protector ; déjà, une petite merveille technologique. Capable de contrôler un navire suspect, grâce à ses caméras, ses senseurs ultrasophistiqués, ses écouteurs et ses haut-parleurs très puissants. Lors des essais, le capitaine dun navire recevant lordre de stopper ses machines est fort surpris de ne distinguer personne sur le pont de la vedette ; uniquement des dizaines de gadgets électroniques qui mettent à nu son chargement. Il faut dire que la mitrailleuse de 7.62 qui équipe le prototype a de quoi faire comprendre à léquipage contrôlé quil ne sagit pas dune caméra cachée. Loin de là, à terre, dans des conditions optimum, sur ses écrans de contrôle, le commandant à distance de la vedette épie le personnel du paquebot dans ses moindres faits et gestes, disposant de toutes les informations nécessaires pour prendre toutes les décisions que la situation impose.
Prochainement, Protector sera doté dautres types darmement. On lui prépare une intelligence artificielle qui pourra lui faire effectuer des missions, soumis aux conditions de diverses variantes, ne nécessitant plus du tout dintervention humaine.
Tout comme les véhicules autonomes sur roues concurrents de Elbit et de lIAI. Les premiers lont appelé Avangarde et les seconds, Gardium. Les deux monstres se ressemblent, étant tous deux développés sur la base de la plateforme produite par une autre société israélienne : Tomcar.
Le Guardium parti sans attendre son chauffeur
Les deux véhicules sont munis dun blindage léger, les deux en sont également au stade des essais avancés. Ils sont capables de franchir des obstacles, décidant seuls du meilleur itinéraire à suivre. Leur but commercial commun est contenu dans un cahier des charges de Tsahal : le véhicule autonome doit être capable de patrouiller sans intervention humaine le long de la nouvelle frontière avec Gaza ou le long du mur de sécurité.
Le cahier des charges impose encore que le véhicule sans conducteur, sans équipage et sans pilote à distance puisse repérer les intrusions, identifier les intrus avec une grande précision et les neutraliser.
Ce nest plus de la science-fiction, dans quelques mois, ces armes du nouveau champ de bataille seront opérationnelles. Dans quelques années, en Israël du moins, 20 à 30% des véhicules terrestres devraient être inhabités et de plus en plus autonomes. On fait la même estimation pour Protector et ses cadets dans la marine.
Les assassins-suicidaires désirent se tuer en emportant dans lau-delà le plus possible dêtres humains appartenant au peuple den face. Lintroduction des robots vise à ce quils se fassent sauter pour tordre des tôles ; ce, bien entendu, à moins que les tôles en question ne viennent à bout des terroristes en moins de temps quils ne mettent à senvoyer en lair. Avec des senseurs capables de détecter un mouvement humain à 200 mètres en terrain accidenté, denvoyer son image précise, sa description, son poids, sa taille, de jour comme de nuit, et de vérifier automatiquement, dans la banque de données des terroristes recherchés, si ces coordonnées correspondent à quelquun de connu, les ennemis de lhumanité nauront certes pas la tâche facile
Les robots pour protéger la société humaine, il me semble avoir déjà vu cela quelque part. Et même assez souvent.