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Interdire l’aliyah des juifs de France ? La criminalisation du sionisme en France
Shmuel Trigano
Article mis en ligne le 21 juillet 2014

A l’occasion de la dernière livraison du Monde Diplomatique (8 juillet), on peut lire un blog très significatif - sociologiquement et idéologiquement - de son rédacteur en chef, Alain Gresh : « Comment Paris favorise le départ des Juifs français vers Israël ».

Il y écrit notamment :
« au moment où Paris dénonce les djihadistes partant se battre en Syrie, il ne prend aucune mesure contre les milliers de Français qui servent dans l’armée israélienne, notamment dans les territoires occupés, et violent ainsi le droit international ainsi que la politique officielle de la France (lire Marc Cher-Leparrain, « Ces Français volontaires dans l’armée israélienne », OrientXXI, 18 mars 2014).
Et cette armée est, à ses yeux, »une armée d’occupation dont les crimes sont documentés tous les jours par les organisations de défense des droits humains".
Dans l’article cité de Marc Cher-Leparrain, un ancien diplomate du Quai d’Orsay ayant servi au Moyen Orient, on lit que le Juif français qui fait son aliyah, et donc servira dans Tsahal, « va intentionnellement participer à l’occupation de territoires, en violation du droit international. Mais cette démarche-là ne semble interroger personne, pas plus que les éventuelles implications de Français dans des violations de la charte internationale des droits de l’Homme ou du droit de la guerre. La question reste cependant posée... Alors qu’un Français non israélien, au nom de son appartenance à la communauté juive, trouve légitime de défendre une occupation illégale de territoires, un Français non palestinien, au nom de ses racines arabes, ne peut-il pas trouver tout aussi légitime d’aller défendre sur le terrain les Palestiniens contre l’extension illégale des colonies sur leurs territoires ? Laquelle de ces deux démarches repose sur une légitimité en accord avec le droit international et le droit français ? Il est fait grand bruit par ailleurs des Français musulmans qui vont combattre en Syrie aux côtés de la rébellion soutenue par la France, mais qui ont le tort de rejoindre des groupes djihadistes répertoriés comme terroristes. Mais personne ne parle de ces Français qui, depuis des années, vont participer sous uniforme israélien à une occupation officiellement dénoncée par l’ONU et par l’État français. Il y a pour le moins un paradoxe en France et, si l’on base la légitimité sur le droit, un grand flottement. Imaginons qu’un citoyen français, sous uniforme israélien, se trouve confronté dans les territoires occupés à un autre citoyen français engagé dans le soutien de la cause palestinienne. Il conviendrait alors d’éclairer, vis-à-vis du droit français, le statut légal de chacun de ces deux ressortissants. »
Ces courts textes sont lourds de sens.
Dans leur principe, ils criminalisent le sionisme, comme toujours de façon incantatoire et infondée, en lançant de gros mots comme « colonisation » et « droit international ». Or, le droit international, justement, ne définit pas la situation de ces territoires par la catégorie d’« occupation » , forgée de toutes pièces par l’OLP et le Hamas . Cet artifice rhétorique est bien connu depuis 14 ans : il a pour finalité de faire de « l’antisionisme » un antisémitisme moral formellement dirigé contre Israël mais frappant concrètement tous les Juifs.
Cette criminalisation retentit sur les Juifs français, qu’ils fassent leur aliyah ou qu’ils soient en puissance de la faire. Parce qu’ils sont juifs (et donc potentiellement israéliens), ils se voient soupçonnés d’un « crime » qui n’existe pas tandis que l’aliyah est tenue pour une entreprise terroriste. Leur citoyenneté devient ainsi aussi « douteuse » que celle des populations de nationalité française récente, traversées par l’onde de choc du djihad mondial dont la France est aussi une cible. C’est là une nouvelle forme, aggravante, du processus de dénationalisation rampante des Juifs de France, à l’œuvre depuis 20 ans et plus, sous l’accusation de « communautarisme ».
Si on se livrait à une comparaison - du genre de celles qu’aiment les multiculturalistes - on constaterait que, s’ils soupçonnent les Juifs qui immigrent en Israël d’être des criminels de guerre en puissance - à l’instar des candidats au djihad en Syrie (et plus tard, en France) - les deux auteurs ne soupconnent pas d’islamisme les 5 millions de Français qui sont aussi citoyens algériens et votent en masse sur le territoire chaque fois qu’il y a des élections dans leur pays d’origine .... La comparaison qui est faite par ces mêmes auteurs avec des « Français non palestiniens, au nom de leurs racines arabes » qui iraient se battre « en Palestine » est bien plus grave. Elle représente une étape supplémentaire et incendiaire. On ne sache pas en effet qu’il y ait des brigades internationales en Palestine que ces Français pourraient rejoindre. Ce cas « théorique » (une façon de réécrire l’histoire avec des « si ») peut être compris non seulement comme une invitation aux musulmans français à aller renforcer le Hamas sur place mais aussi une façon de justifier ou de « comprendre » de façon insidieuse qu’ils s’en prennent aux Juifs français (ces soldats potentiels) sur le territoire français, et au nom du « droit international ».
En somme, s’ils restent en France, les Juifs sont des terroristes en puissance (et donc la haine des Juifs a quelque raison) mais s’ils partent pour fuir l’antisémitisme, ils deviennent des terroristes de fait. Ce que cette thèse suggère à l’Etat français c’est tout simplement d’interdire aux Juifs français la sortie du territoire au cas où ils iraient renforcer le sionisme en Israël, comme ils l’interdisent déjà aux « loups solitaires »... Ils alignent ainsi l’Etat de droit qu’est Israël sur les organisations terroristes du djihad en Syrie et le « Caliphat » islamique.
Ces jeux rhétoriques sont gravissimes et le fait qu’ils soient possibles sous l’égide d’un important journal français, indice de ce qu’ils semblent évidents et partagés (et notamment le milieu universitaire et journalistique), sont autant d’alarmes inquiétantes. Ils rappellent à l’historien une histoire peu connue du processus qui a conduit à l’exclusion ou l’expulsion d’un million de Juifs de 10 Pays arabes entre 1940 et 1970.
L’ironie de l’histoire, c’est que Alain Gresh a lui même une origine juive égyptienne, c’est à dire que lui ou sa famille ont personnellement expérimenté comment la criminalisation du sionisme - entre autres processus - fut une des procédures par lesquelles les Juifs d’Egypte furent privés de leurs droits civiques, tout comme les Juifs d’Irak, de Libye, de Syrie, du Liban, d’Iran, un moment empéchés de sortir de pays devenus des prisons ... La nationalité fut retirée à toute personne « engagée dans des actions en faveur d’Etats ennemis ou n’ayant pas de relations avec l’Egypte » (en 1956 elles furent définies comme « sionistes » )". De même, l’interdiction de sortir de ces pays (Maroc, Libye...), l’impossibilité d’obtenir des passeports furent justifiés par cet argument. Mais l’accusation de sionisme eût des effets plus graves comme la fermeture d’institutions juives ...
Le monde arabe, ses mouvements nationalistes et leurs Etats post-coloniaux sont à l’origine de cette accusation de « sionisme », dont l’économie fut différente de l’accusation de type soviétique (cf. le projet des blouses blanches en 1957). L’accusation de type nazi, troisième modalité historique, fut, quant à elle, en son temps, plus un moyen de coalition avec les nationalistes arabes - et en première ligne le mufti de Jérusalem Amine El Husseini, leur chef de file - qu’une accusation vraiment argumentée contre les Juifs : il était trop tôt sur le plan de la constitution de l’Etat juif pour qu’Hitler en face une cible centrale, quoiqu’elle était inscrite dans les campagnes de Rommel.
Cette attaque contre le sionisme et en l’occurence cette esquisse d’un appel à interdire aux Juifs le départ pour Israël, est ainsi une antienne typique du monde arabe et islamique. Le fait qu’elle se fasse entendre dans le courant « mainstream » français, en l’occurence un grand journal, le fait qu’elle puisse être partagée par de nombreux milieux de l’opinion et qu’elle ne fasse nullement scandale, nous annonce que nous ne vivons plus dans le pays où nous croyions nous trouver.
La mémoire revient de ce moment traumatique où il fallait partir avant que ce ne soit plus possible...



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