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Tzipi Livni : «Nous allons aider Mahmoud Abbas...»
Henri Guirchoun | Le Nouvel Observateur. Service d’Information Ambassade d’Israël en Belgique et au Luxembourg
Article mis en ligne le 13 juillet 2007

Une interview de la ministre des Affaires étrangères d’Israël « Pour que le futur Etat palestinien soit décidé à vivre en paix avec nous, nous sommes prêts à assumer nos responsabilités et à soutenir les Palestiniens modérés »

Le Nouvel Observateur. - Depuis le coup de force du Hamas à Gaza, jamais la légitimité et la qualité du président palestinien Mahmoud Abbas n’auront été autant soulignées. En Israël, est-on véritablement disposé à tout faire pour le renforcer ?

Tzipi Livni. - Nous croyons à la solution de deux Etats pour deux peuples. Pour promouvoir cette solution et la recherche de la paix, il est évident qu’il faut soutenir les Palestiniens modérés.

Il nous a toujours paru essentiel de marquer la différence - une différence réelle, évidente - entre les organisations terroristes et les éléments palestiniens pragmatiques à la tête desquels se trouve Mahmoud Abbas. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, après ce qui s’est passé à Gaza. Les éléments palestiniens modérés sont plus faibles. Nous voulons les soutenir et les renforcer. La formation du nouveau gouvernement palestinien nous offre une occasion de le faire. Nous ne reculerons pas devant nos responsabilités et nous allons l’aider. Mais il faut que Mahmoud Abbas et les Palestiniens modérés se montrent eux aussi déterminés à aller de l’avant. L’avenir du peuple palestinien ne dépend pas seulement des gestes ou de la bonne volonté d’Israël.

N. O. - Les opérations militaires israéliennes se poursuivent en Cisjordanie. Comment surmonter la contradiction entre cette volonté affichée de renforcer Mahmoud Abbas, et ce que vous considérez comme des impératifs de sécurité pour Israël ?

T. Livni. - Il ne faut pas forcément y voir une contradiction. Il y a des choses qui sont dans l’intérêt des deux peuples. La sécurité d’Israël, c’est aussi l’affaire des Palestiniens.

Comme l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens est dans l’intérêt d’Israël. Mais il est exact que notre action reste liée aux impératifs de notre sécurité. Et nous devons chaque fois peser les risques de telle ou telle décision en faveur des Palestiniens. Comment faire autrement ?

N. O. - Aussitôt annoncée, la libération par Israël de 250 prisonniers du Fatah semble retardée...

T. Livni. - Non, les prisonniers du Fatah seront libérés. Il n’y a pas de retard. Tout simplement, Israël est un Etat de droit qui a des procédures gouvernementales et judiciaires. Le cabinet entérine la décision. Puis les autorités judiciaires l’inscrivent dans un cadre légal. Cette mesure d’élargissement, nous l’avons annoncée lors du dernier sommet de Charm el-Cheikh, alors que nous avons toujours à Gaza un soldat, d’ailleurs franco-israélien, Gilad Shalit, qui est encore aux mains du Hamas.

N. O. - On condamne désormais le Hamas avec la même vigueur chez vous à Jérusalem qu’à Ramallah, au siège de l’Autorité palestinienne...

T. Livni. - Absolument. Le Hamas, c’est le Hamas. Et le terrorisme, c’est le terrorisme.

N. O. - Pourtant, est-il raisonnable d’imaginer faire avancer la paix en oubliant Gaza et en ignorant le Hamas ?

T. Livni. - Le Hamas est là. Nous ne sommes pas aveugles. Mais les événements de Gaza en sont une preuve supplémentaire : les alliances ou les gouvernements d’union entre des Palestiniens modérés et des organisations terroristes ne règlent rien, au contraire. Ni pour les Palestiniens entre eux, ni pour favoriser le dialogue avec Israël.

N. O. - Ne faut-il pas faire, y compris au sein du Hamas, une différence entre extrémistes et modérés ?

T. Livni. - Non. Ce serait porter atteinte, peut-être même de façon irrémédiable, au vrai camp palestinien modéré. Le peuple palestinien ne doit-il pas réaliser que les seuls dirigeants capables de lui assurer un avenir sont ceux qui ont renoncé au terrorisme et à la violence ? Peu importe les nuances entre la branche militaire et celle politique du Hamas, ou bien entre le Hamas de l’intérieur et celui de l’extérieur. Elles sont artificielles. Le Hamas est inscrit sur la liste des organisations terroristes. Il doit prendre une décision. Veut-il s’intégrer à la communauté internationale ? Il en connaît les trois conditions : arrêter la violence, reconnaître Israël et respecter les précédents accords conclus avec l’Autorité palestinienne. Alors seulement, il pourra devenir un interlocuteur.

N. O. - Mais au fond, la meilleure façon d’aider Mahmoud Abbas aujourd’hui, ne serait-ce pas qu’Israël se retire au plus vite de la Cisjordanie ?

T. Livni. - Ce serait surtout prendre le risque de voir la Cisjordanie sombrer, elle aussi, dans la guerre civile et ressembler à ce qu’est devenu Gaza. Il est évident qu’un futur accord de paix entre Israéliens et Palestiniens inclura d’autres retraits, d’autres évacuations de certains territoires qui sont actuellement sous contrôle israélien. Mais cela doit se faire dans un cadre organisé, au terme d’une négociation qui aura abouti. C’est la raison pour laquelle je suis en faveur d’un dialogue renforcé avec Mahmoud Abbas. Les Israéliens et les Palestiniens qui veulent la paix sont dans le même camp. Les autres, les terroristes, ceux qui font tout pour interdire la paix, sont dans le camp adverse...

N. O. - Vous préconisez de faire demain en Cisjordanie le contraire de ce qui a été réalisé à Gaza. Le principe d’un retrait unilatéral était donc une erreur...

T. Livni. - Je crois en effet qu’il est extrêmement important de savoir, de prévoir ce qui va se passer dans les territoires dont Israël se retirera. On ne peut pas se contenter de partir, de quitter les maisons en jetant les clés derrière nous... Le processus de retrait doit être clair. A chacune de ses étapes, il faudra s’assurer que la sécurité d’Israël n’est pas menacée. Et que l’Etat palestinien qui émergera au terme de ce processus est décidé à vivre en paix avec nous.

Personne ne peut accepter la naissance d’un Etat terroriste supplémentaire au Moyen-Orient. Al-Qaida a déjà annoncé qu’elle allait soutenir le Hamas, à Gaza et ailleurs. Ce qui transforme désormais les Palestiniens en prisonniers de l’islam extrémiste. Or les islamistes n’ont pas le même agenda que les Palestiniens modérés. Le Hamas utilise le terrorisme afin de promouvoir les idées islamistes radicales. C’est écrit noir sur blanc dans sa charte. Ses chefs le disent ouvertement. Leur objectif réel n’est pas la création d’un Etat palestinien.

N. O. - Cet Etat palestinien, vous le voyez émerger à quelle échéance ? Sous quelle forme ?

T. Livni. - C’est exactement l’objet du dialogue que nous devons avoir avec Mahmoud Abbas et le nouveau gouvernement palestinien. Nous avons déjà une vision commune de l’avenir, fondée sur deux principes. Celui de deux Etats-nations. L’un, Israël, est la solution pour le peuple juif. L’autre, l’Etat palestinien, répond aux aspirations du peuple palestinien, y compris en ce qui concerne la question des réfugiés.

Second principe : ces deux Etats doivent vivre en paix. Il faut par conséquent que le nouvel Etat palestinien soit démilitarisé, afin de limiter les risques de le voir devenir la proie d’organisations terroristes. Israël n’a aucune intention de contrôler la vie des Palestiniens, et encore moins de déterminer à l’avenir le mode de gestion de leur Etat. Notre seule préoccupation est de savoir si nous pourrons vivre en paix avec cet Etat palestinien, ou s’il deviendra une nouvelle menace pour la région.

N. O. - Est-ce que vous considérez le mur de séparation - ou la barrière de sécurité comme on l’appelle en Israël - comme la future ligne de partage entre les deux Etats ?

T. Livni. - Encore une fois, les frontières entre Israël et les Palestiniens seront déterminées par accord. Nous avons érigé cette barrière - peu importe comment vous l’appelez - pour des motifs purement sécuritaires, à un moment où nous devions faire face presque chaque jour à des attaques terroristes.

Et je crois que, en effet, elle étaye l’idée d’une répartition, d’un partage de cette terre entre la mer et le Jourdain, entre Israël et les Palestiniens.

90% de la Cisjordanie sont déjà du côté palestinien de la barrière, et nous ne sommes pas très loin des lignes de séparation d’avant la guerre de 1967. Mais on peut évidemment discuter encore dans le détail de son tracé. Cela dit, je ne comprends pas le procès qui nous est fait sur le principe de cette séparation. Israël n’a-t-il pas pour la première fois admis la nécessité d’une division de la terre ? D’ailleurs, chez nous, qui était contre l’édification de cette barrière ? La droite, l’extrême-droite, bref, tous ceux qui sont opposés à la naissance d’un Etat palestinien... On l’a aussi parfois comparé au mur de Berlin. C’est ridicule ! A Berlin, le mur séparait le même peuple allemand. Tandis que la barrière divise une terre entre deux peuples. N’est-ce pas ce que le monde entier souhaite depuis quarante ans ?

N. O. - Un an après la fin de la guerre au Liban, la rumeur d’une reprise de la négociation entre Israël et la Syrie court un peu partout. Vous confirmez ?

T. Livni. - Absolument pas. La Syrie poursuit le jeu dangereux qui est le sien dans la région. Elle soutient le Hezbollah, refuse le principe d’indépendance du Liban et demeure une menace, autant pour la force internationale que pour Israël. De plus, Damas, qui est toujours le centre régional du soutien au terrorisme, est aujourd’hui associé à l’Iran dans un partenariat qui constitue aussi un danger.

Pour Israël, c’est très clair : au-delà du contentieux israélo-syrien, la paix avec Damas exige une clarification qui concerne l’ensemble de la région.

N. O. - L’élection de Nicolas Sarkozy a été très favorablement accueillie en Israël. Est-ce le début d’une nouvelle lune de miel entre Paris et Jérusalem ?

T. Livni. - Il est très important que la France, Israël et les autres pays du monde libre soient à l’unisson à propos des menaces qui nous préoccupent tous, comme le terrorisme ou le nucléaire iranien. Et c’est vrai : nous savons le président Sarkozy très clair et déterminé sur les moyens et les actions qu’il va falloir mettre en oeuvre. Les terroristes ou l’Iran ne menacent pas seulement Israël mais aussi les Palestiniens et les pays arabes modérés. Or, à Paris, on a trop longtemps fait l’erreur de considérer que soutenir Israël, c’était être contre les Palestiniens ou contre les Arabes. Avec Nicolas Sarkozy, cette époque me semble révolue, c’est une bonne chose. Et je pense que la France aura un rôle clé à jouer, un rôle positif dans le processus de paix et de stabilité du Moyen-Orient.


Ancien officier de l’armée puis du Mossad, Tzipi Livni, 49 ans, est avocate. Elue en 1999 à la Knesset, cette mère de deux enfants a détenu plusieurs portefeuilles au sein des gouvernements Sharon et Olmert. Après les révélations de la commission Winograd, sur les ratés de la guerre du Liban, elle avait souhaité la démission du Premier ministre, dont elle est aujourd’hui, au sein du parti Kadima, l’un des successeurs possibles...



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