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Persépolis
Pierre Lefebvre | Primo Europe
Article mis en ligne le 24 mai 2007

Najmeh Vosoogh Razavi, Gila Izadi, Ateqeh Rajabi, Hajieh Esmailvand. Celles qui ne verront aucun film. Des femmes iraniennes condamnées et excécutées dans un pays où les lois sont criminelles. Pierre Lefebvre nous rappelle leur nom. Dans un article consacré au film Persepolis. L’histoire d’un exil. Le film a été sélectionné à Cannes. Longue ovation. La République islamique d’Iran a tenté de s’opposer à sa projection. Au nom de sa conception si particulière de la culture. Seuls la misogynie et l’antisémitisme lui paraissent acceptables.
B.

Après les caricatures, instantanés figés mais ô combien signifiants, la censure islamique s’en prend aux films d’animation.

La compétition cannoise, haut lieu de la culture et du commerce réunis, a été placée sous haute surveillance avec la projection de « Persépolis », dans lequel une Française d’origine iranienne, Marjane Satrapi, transpose sa BD autobiographique à succès, avec son coréalisateur Vincent Paronnaud.

Ovationné pendant dix-sept minutes à l’issue de sa projection officielle au Palais des festivals mercredi soir, ce dessin animé dresse un portrait vif, tendre et humoristique d’une jeune femme issue de la bourgeoisie de Téhéran, forcée de s’exiler après la révolution islamique de 1979.

Persépolis, film d’animation en noir et blanc réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, met en scène l’histoire vraie (celle de la réalisatrice), la petite Marjane, huit ans, dans une société iranienne alors en plein changement avec l’instauration de la République islamique à la fin des années 70.

Lorsque l’Iran a su que ce long métrage était en Compétition Officielle à Cannes, la Fondation du cinéma Farabi, rattachée au ministère iranien de la Culture, a envoyé un courrier à l’Etat français pour protester contre cette sélection.

Grosse colère de Téhéran qui a vu dans cette sélection « un acte politique ou même anti-culturel ». L’Iran a même accusé les responsables du festival d’«  agir en conformité avec les politiques biaisées des puissances dominantes ».

Notre Ministère des Affaires Etrangères a vainement tenté de faire comprendre à la République Islamique d’Iran que la France n’avait aucun pouvoir dans cette sélection. Le message n’a pas été compris.

Le régime des mollahs a pris la fâcheuse habitude d’intervenir dans tous les domaines de la vie privée et publique, de sonder les reins, les cÅ“urs et les cerveaux. C’est le propre des dictatures, de droite, de gauche et des régimes religieux de décréter ce qui est bon pour le peuple et conforme à la ligne du parti.

Or, ce film, produit en France, n’est pas islamiquement correct. Souvent drôle et poétique, « Persépolis » contient une charge contre le régime iranien, dépeint comme violemment répressif des libertés individuelles, en particulier celles des femmes, forcées, du jour au lendemain, de se voiler et de déserter les lieux publics.

Lors de la conférence de presse, Marjane Satrapi a ainsi déclaré à propos de son pays natal : « L’Iran, ce n’est pas un Etat de droit, donc on ne sait pas du tout ce qui peut se passer. Ne sachant pas ce qui peut se passer et tenant fortement à ma liberté, je n’y retourne pas ».

« C’est une grande partie de moi-même que je suis obligée de mettre entre parenthèses, car on ne peut pas vivre en ramenant toujours son passé au premier plan (...) Mais je ne me permets pas de me plaindre, d’abord par pudeur et parce que ce serait grotesque et complètement malsain de ma part. Je fais le métier que je veux, je vis dans la ville que je veux, avec la personne que je veux ». En faisant allusion aux dialogues à la fois pertinents et comiques, elle a confié : « Mon devoir, c’est de sourire et de faire rire aussi parce qu’il n’y a pas d’arme plus subversive que le rire ».

Catherine Deneuve et sa fille Chiara Mastroianni étaient présentes (elles prêtent leurs voix, respectivement, à la mère et à l’héroïne) lors de la présentation du film qui a pris une option pour une distinction.

Voir dans ce film d’animation un acte anti-culturel est, de la part des autorités iraniennes, révélateur de ce que doit être la culture sous domination islamique.

Ce que le film ne dit pas, car ce n’est pas son propos, c’est que les exécutions publiques des jeunes femmes sont monnaie courante.

Les jeunes filles violées par des notables sont ensuite accusées d’adultère, fouettées et exécutées. Parfois, quand elles ont de la malchance, les jeunes filles de treize ans, jugées coupables de fornication ou de relations sexuelles explicites, voient leur peine commuée de pendaison en lapidation. C’est à cela que sert la justice en République Islamique.

Ceux qui iront voir Persépolis doivent se souvenir des noms qui suivent : Najmeh Vosoogh Razavi, Gila Izadi, Ateqeh Rajabi, Hajieh Esmailvand.

Car ces jeunes filles n’auront plus jamais l’occasion d’aller au cinéma.

Dans plusieurs années, quand le régime des mollahs n’évoquera plus que le mauvais souvenir d’années de plomb, il faut que les noms de ces innocentes marquent du sceau de l’infamie les auteurs de ces parodies de justice et ensevelissent de honte ces pharisiens assassins.

Si Persépolis obtenait la Palme d’Or, l’Iran cesserait-il toute relation diplomatique avec la France ?

Bizarrement, l’Iran n’a pas protesté lorsque la télévision palestinienne a mis en scène une grossière imitation de la souris Mickey qui enseigne aux enfants palestiniens qu’il faut massacrer les Juifs.

Il faut dire que ce message est très islamiquement correct.

Quand il ne s’occupe pas de culture, l’Iran installe des centrifugeuses pour enrichir son uranium.

« Ils en ont maintenant 1.600 alors qu’il y a un an et demi, ils en avaient 40 », vient de préciser un diplomate de l’ONU.

Plutôt que Persépolis et les gentils films d’animation, Ahmadinejad marque sa préférence pour les bons vieux classiques, du genre « Apocalypse now ».

Pierre Lefebvre © Primo, 23 Mai 2007



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