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Même pas de reconnaissance implicite
David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 7 avril 2006

Il y a quelques jours une lettre adressée par le Hamas au Secrétaire général des Nations Unies semblait reconnaître, implicitement, Israël et admettre son droit à l’existence

Or, Mercredi 5 Avril, selon Guysen.Israël.News, le Hamas a expliqué, après avoir démenti les propos écrits par le ministre Mahmoud Zahar, qu’il avait envoyé « par erreur le premier jet d’un texte qui méritait d’être retravaillé ».

Et pourtant - les journalistes étant parfois les derniers à être informés - l’ « interlocuteur habituel » (et généralement bien disposé à l’égard des thèses palestiniennes) interrogeait, le même jour, le porte-parole du ministère français des affaires étrangères, au cours de son point de presse :

« Le chef de la diplomatie palestinienne Mahmoud Zahar a reconnu hier implicitement le droit d’Israël à l’existence. Y voyez-vous un signe d’ouverture de la part du Hamas, allant dans le sens des exigences du Quartet ? ».

Le diplomate français répondit : « Nous observons attentivement, depuis les élections palestiniennes, la mise en place du gouvernement, ainsi que les différentes déclarations ou prises de position des dirigeants palestiniens. Nous ne souhaitons pas faire de commentaire dans l’immédiat ».

Sage prudence, comme devait en témoigner la mise au point du Hamas.

De fait, à la lecture de cette lettre du nouveau ministre palestinien des affaires étrangères, évoquant le souhait de son peuple de vivre « en liberté et en sécurité....côte à côte avec nos voisins », on aurait pu croire à une amorce d’évolution du vainqueur des élections palestiniennes.

Et, selon Le Monde, du 6 avril, le représentant palestinien à l’ONU, avait, lui-même, considéré que cette lettre marquait une « évolution importante dans la pensée du mouvement islamiste, dans la mesure où l’usage du terme voisins désigne implicitement Israël ».

Mais, le quotidien français indiquait que lundi, au cours d’une vidéoconférence à l’intention des diplomates palestiniens, Mahmoud Zahar a tenu « un discours beaucoup moins alambiqué ».

Le ministre aurait fait l’éloge de « la Palestine de la mer au fleuve »...

(Rappelons que c’est pour éviter tout amalgame que bon nombre d’Israéliens évitent de parler de la « Cisjordanie » et préfèrent utiliser les termes de Judée-Samarie...).

Il aurait également dit « qu’il ne reconnaissait pas l’OLP de 1988, c’est-à-dire celle qui a accepté l’existence d’Israël et qu’il préférait l’OLP de 1964, celle des origines, qui faisait de la lutte armée et de la disparition d’Israël les deux principes de son action ».

Finalement, interrogé sur l’attitude à adopter face à des interlocuteurs étrangers, à propos de la conduite à tenir vis-à-vis d’Israël, le ministre palestinien aurait « conseillé d’esquiver », en évoquant l’ « absence de frontières fixes » de l’Etat hébreu.

Cette attitude actuelle du Hamas n’est pas sans rappeler celle de Yasser Arafat, au lendemain de la déclaration d’Alger, du 15 novembre 1988, du Conseil national palestinien proclamant l’établissement d’un Etat palestinien, sans évoquer l’existence de l’Etat d’Israël.

S’exprimant, quelques semaines plus tard, à Genève, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, exceptionnellement réunie en Suisse, pour entendre le leader palestinien, interdit d’accueil aux Etats-Unis (à la différence de la France), Yasser Arafat, sans jamais évoquer la reconnaissance d’Israël avait cité « Israël », les « dirigeants d’Israël », les « troupes israéliennes » et le conflit « arabo-israélien ».

Mais, alors qu’il avait parlé de l’ « Etat de Palestine », il ne parla pas de l’Etat d’Israël, qui pouvait n’être qu’une « partie » parmi les « Etats et parties » au conflit arabo-israélien.

Et, surtout, pressé, au cours d’une conférence de presse, de répondre par oui ou par non à la reconnaissance de l’Etat d’Israël, Arafat répondit par cette boutade : « Vous voulez que je fasse un strip-tease, cela ne se fait pas » (Le Figaro du 15 décembre 1988).

Il fallut, donc, attendre la « déclaration de principes » du 13 septembre 1993 pour que l’OLP reconnaisse officiellement l’Etat d’Israël.

Certes, la « reconnaissance » d’un Etat n’a pas d’effet « créateur », mais simplement un effet « déclaratif » c’est à dire que l’on constate qu’un Etat existe.

Et l’existence d’un Etat ne dépend pas des autres entités étatiques, elle suppose seulement que soient réunis les éléments constitutifs d’un Etat au sens du droit international (population, territoire et gouvernement exerçant de façon immédiate et inconditionnée toutes les compétences d’un Etat au plan interne et international).

Mais, la reconnaissance a, cependant, un effet politique, en ce sens qu’un Etat peut prétendre se prévaloir à l’égard des autres Etats, qui l’ont reconnu, de tous les droits et prérogatives qu’un Etat se voit attribuer par le droit international.

La doctrine a beaucoup discuté sur le point de savoir si, comme pour la reconnaissance d’un gouvernement, la reconnaissance d’un Etat pouvait se faire de facto (c’est à dire de fait et donc provisoire) ou si elle ne pouvait être que de jure (c’est à dire définitive).

En réalité, la distinction entre les deux types de reconnaissance, porte plutôt sur les formes de la reconnaissance : celle-ci peut être implicite (comme découlant de certains actes : établissement de relations diplomatiques conclusion d’un traité) ou, au contraire, formelle, à la suite d’une déclaration officielle de reconnaissance.

Dans la société internationale contemporaine, les manifestations de reconnaissance implicites ont tendance à prendre le pas sur les déclarations formelles de reconnaissance, surtout s’agissant de la reconnaissance d’un nouveau gouvernement (à la suite d’un coup d’Etat ou de la mise en place d’un nouveau régime politique).

En qui concerne la reconnaissance d’Etat, la tendance dominante semble attachée à la reconnaissance formelle, afin de dissiper toute ambiguïté.

Ainsi, les Etats-Unis n’ont pas manqué, à différentes reprises, de faire remarquer que leur signature apposée au bas de traités multilatéraux, également signés par des Etats qu’ils ne reconnaissaient, n’avait aucune incidence quant à leur non-reconnaissance de ces Etats.

Seul, le cas échéant, la signature d’un Etat bilatéral pourrait être considérée comme une reconnaissance implicite, au même titre qu’on ne signe un contrat qu’avec quelqu’un que l’on reconnaît comme partenaire.

Pour en revenir aux rapports entre Palestiniens et Israël, on est, donc, loin d’une reconnaissance même implicite de la part du Hamas.

Dans le cas de Yasser Arafat et de l’OLP, une ambiguïté résultait des déclarations faites devant l’Assemblée générale des Nations Unies, en 1988 et de la conférence de presse qui suivit, ambiguïté levée quinze ans plus tard seulement.

Apparemment, s’agissant du Hamas, on est encore loin de la première étape, amorcée par l’OLP en 1988, puisqu’elle est formellement remise en question par le Hamas.

Et on ne peut souhaiter qu’en matière de politique étrangère - au moins - le gouvernement français, qui a nié tout contact, même officieux, avec le Hamas, s’en tienne à ce que rappelait, encore, hier, le porte-parole du Quai d’Orsay :

« Je vous rappelle notre attachement aux trois principes que sont la renonciation à la violence, la reconnaissance d’Israël et celle des accords d’Oslo. C’est en fonction de l’évolution du Hamas au regard de ces trois principes que la France et l’Union européenne se prononceront ».

Espérons qu’il n’y aura pas de manifestations de rue pour infléchir la position du gouvernement français.



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