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« Le Monde » pétri de contradictions sur Gaza
J-Ph Katz
Article mis en ligne le 22 janvier 2009

Présents le même jour dans l’édition électronique du Monde, plusieurs articles relatifs au conflit de Gaza donnent une idée de l’orientation du journal. Des officiers israéliens craignent des procès pour crimes de guerre d’un côté, les forçats des tunnels reprennent enfin leur travail, tandis que l’éditorial s’enlise dans des contradictions insolubles pour justifier le besoin de réconciliation benoîte et générale.

Mais commençons par le début de l’éditorial qui évoque « un territoire en lambeaux », des « morts par centaines », et des « quartiers entiers dévastés », sans oublier le « champ de ruines politiques ». En une phrase, la désolation est terrible. On a peine à croire en effet que les bombardements israéliens puissent être ciblés avec de telles évocations macabres. On se dit même que les explosions des écoles de l’ONU ne sont que la conséquence logique d’un tel carnage, car enfin si tout est dévasté, les écoles aussi, les hôpitaux aussi. On se demande pourquoi il n’y a pas plus de victimes dans cette apocalypse ! L’article signé M. Bôle-Richard sur le creusement des tunnels justifie presque cette activité présentée comme l’un de seuls secteurs où l’on embauche à Gaza. « Laissez passer les roquettes, sinon ils vont perdre leur boulot ! ».

Ensuite le rédacteur de l’édito constate qu’il faudra reconstruire, et notamment lever le blocus « d’un autre âge ». On ne savait pas qu’il y avait une modernité du concept de blocus, et j’aurais tendance à penser que la formule d’un autre âge s’applique plutôt au dogme du Hamas. Mais dans l’esprit du journaliste, sont-ce les européens et les américains qui sont visés, l’Egypte, ou exclusivement Israël ? Et de quel blocus s’agit-il ? A-t-on empêché les humanitaires d’accéder à Gaza, même au plus fort de la guerre qui apparemment à tout dévasté ? Pas du tout, d’ailleurs l’électricité de ce territoire est exclusivement fournie par Israël. A l’inverse, il n’y a pas de blocus économique à proprement parler car le Hamas ne s’occupe pas du tout de gérer et de développer Gaza, il y a diminution de l’assistance occidentale (dont une partie, forcément, sert à acheter des missiles). Le journaliste évoque d’ailleurs la nécessaire interruption des trafics d’armes. Autrement dit Gaza est à genoux à cause du blocus occidental mais les armes le contournent sans problèmes. Plus fataliste, l’éditorial convient que le Hamas n’est pas prêt à reconnaître Israël, et par voie de conséquence aucun des accords passés entre l’AP et l’entité sioniste. Il semble plus « réaliste » à l’éditorialiste d’aider à la constitution d’un gouvernement d’union nationale pour enfin aboutir à une solution. Autrement dit le résultat des urnes palestiniennes dérange le processus de paix engagé précédemment, et le meilleur moyen consiste à noyer le poisson, c’est à dire dissoudre le Hamas réfractaire dans un bain de Fatah conciliant. Le Monde rêve qu’Abbas joue le rôle de Mitterrand et le Hamas celui du PCF.

Le journal rappelle que cette union nationale a existé un temps et montre du doigt les USA (il fallait bien qu’il arrive, l’éternel coupable américain) accusé d’avoir outrageusement favorisé l’AP dans sa guerre contre le Hamas. Autrement dit le journal fait complètement l’impasse sur le fait établi que le Hamas a fait son coup de force tout seul comme un grand, et ne retient que le soutien US à Abbas. Il qualifie cette stratégie de « stupide » alors qu’à l’époque ne pas soutenir l’AP aurait fatalement conduit au même résultat, c’est à dire sa défaite face aux islamistes. Le journal ne tient aucun compte de la doctrine islamiste, passe en pertes et profits les dizaines de morts de cet affrontement inter-palestiniens et convie chacun à tout oublier et à discuter avec Israël dénoncé comme le faiseur de décombres quelques lignes plus haut. Pas à une contradiction près, le journal se donne le droit de soutenir fermement Abbas mais interdit la même posture aux américains.

Bref, l’occident pousserait les palestiniens les uns contre les autres et il faut « travailler à leur réconciliation ». L’Iran n’existe pas dans l’univers « diplomatique » du Monde, les mouvements djihadistes non plus, il suffirait d’un peu de bonne volonté pour que le Hamas devienne un partenaire de négociation, bref, perde son âme comme par enchantement. Le Monde n’accorde donc aucune valeur au discours du Hamas, à son refus persistant de toute avancée vers la simple reconnaissance d’Israël, il n’agirait comme il le fait qu’en réaction à une attitude « stupide » des USA, ou à l’agressivité de Tsahal. Toutes les contorsions sont bonnes, aucune contradiction n’est un obstacle pour aboutir à cette conclusion béate qu’il faut régler ce conflit qui n’a que trop duré. Amen, la bonne conscience est saine et sauve !



A Rafah, le « business » des tunnels reprend

LE MONDE | 22.01.09 | 09h40 • Mis à jour le 22.01.09 | 10h54

Ibrahim Zoored affiche un large sourire. L’air heureux, il contemple le remplissage d’un camion citerne en carburant venu d’Egypte. « Ça y est, ça remarche ! C’est la victoire de la Palestine sur les Israéliens. Jamais, ils ne pourront détruire tous les tunnels. » A Rafah, le tuyau de 250 mètres de long qui passe sous la frontière égyptienne n’a pas été touché par les bombes qui ont plu sur cette zone pendant la guerre.

Trois jours après le cessez-le-feu, le « business » des tunnels repart mercredi 21 janvier. Sur des chemins de sable défoncés, des jeeps, des tracteurs, des charrettes tirées par des ânes se frayent un passage au milieu des cratères de plusieurs mètres de profondeur. Des tractopelles, des pelles mécaniques tournent à plein régime pour boucher les trous, niveler, dégager les entrées de tunnels écroulés.

Le chantier est en pleine activité. On répare, on rafistole. Les bâches de plastique crevées sont remplacées par des neuves. Les mineurs des sables sont déjà au travail, remontant dans des bidons de plastique transformés en godets le produit des éboulements. Certains tentent de récupérer la marchandise ensevelie. Les Israéliens estiment avoir détruit 60 % à 70 % des tunnels, dont le nombre est évalué à plus de 1 000 sur les 14 kilomètres de frontière qui séparent la bande de Gaza de l’Egypte. Bon nombre de ceux situés à une trentaine de mètres de profondeur n’ont pas été touchés.

La contrebande a repris en douceur. En raison du manque d’électricité, le retour à la pleine activité va prendre un peu de temps. Guère plus de quelques mois. La main-d’œuvre ne manque pas. Des groupes d’hommes attendent en sirotant du thé. Pour le moment, on recense les dégâts. Les quelques générateurs qui tournent ne fournissent pas suffisamment de courant pour que toutes les galeries obstruées soient immédiatement dégagées.

Karim, qui travaille dans les tunnels, est impatient. Ce chômage de trois semaines lui a pesé. Une bonne chose au moins, il a pu se reposer même si ce ne fut pas toujours facile avec le fracas des bombes qui perturbait son sommeil. « Ici, il n’y a pas de travail. Il faut bien que je mange. Je n’ai pas le choix. » Et si les F-16 reviennent pour bombarder ? « Que voulez-vous que j’y fasse. Que Dieu me protège ! »

« C’EST NOTRE SURVIE ! »

Au moins une cinquantaine de ces excavateurs de sable ont péri par le passé dans les éboulements. Aujourd’hui, le travail est encore plus dangereux car le sol a été déstabilisé par les ondes des bombes soniques. Majid, propriétaire d’un conduit, ne voit pas d’autres possibilités que de recommencer car il a investi près de 120 000 dollars dans cette affaire et il a des dettes.

Avant tout, il faut procéder à une inspection méticuleuse des parois des galeries, consolider les puits d’accès souvent endommagés. « Il est impossible de faire cesser le fonctionnement des tunnels. Ceux-ci ont été creusés pour lutter contre l’embargo imposé par Israël. C’est notre survie ! Il n’y a que les Egyptiens qui peuvent nous arrêter. Mais ils n’y ont pas intérêt. Ça leur rapporte beaucoup d’argent, 50 % sur les bénéfices sans parler de toutes les commissions. Nous n’importons que des marchandises, pas d’armes. Mais des partis comme le Hamas ont leurs propres tunnels et nous ne savons pas ce qu’ils font ».

Le « business » des tunnels occupe au bas mot 20 000 personnes et fait vivre toute leur famille. Certains propriétaires ont déjà amassé des fortunes. On parle désormais des millionnaires de Rafah qu’ils soient verts, ceux du Hamas, ou d’habiles hommes d’affaires. La municipalité de Rafah empoche également sa quote-part pour l’ouverture d’un puit, soit 10 000 shekels selon Majid, sans parler des taxes sur les marchandises.

Autant dire qu’il ne va pas être facile de mettre un terme à cette économie parallèle si les points de passage vers Israël ne sont pas ouverts régulièrement. Or à Bruxelles, mercredi 21 janvier, Tzipi Livni, la ministre des affaires étrangères israélienne a refusé, lors d’une rencontre avec ses homologues européens, de s’engager sur la réouverture des points de passage entre la bande de Gaza, l’Egypte, et son pays, hors aide humanitaire. Elle a justifié le maintien du blocus imposé par Israël depuis que le Hamas a pris le contrôle du territoire, en 2007, par la nécessité de lutter contre le trafic d’armes, et le réarmement du mouvement palestinien alors que les Européens font d’une réouverture des frontières un des éléments d’un retour à la normal.

Les tunnels sont devenus le cordon ombilical par lequel la bande de Gaza respire encore puisque les trois autres côtés de cette enclave sont scellés par l’Etat juif dont le bon vouloir commande les possibilités d’ouverture.
Anis attend près de son camion citerne que la transaction avec les Egyptiens soit terminée avant de remplir lui aussi ses cuves. D’autres camions citerne arrivent. Les réservoirs cylindriques au sol crevés par les éclats d’obus vont être réparés. Les trous vont être ressoudés.

Ibrahim Zoored en a vu d’autres. Ce ne sont pas trois semaines de guerre qui vont l’empêcher de faire des affaires. « Ici à Gaza, nous trouvons toujours des solutions à tout et si les F-16 reviennent, après nous recommencerons ».


Editorial

Après Gaza

LE MONDE | 22.01.09 | 13h43 • Mis à jour le 22.01.09 | 13h43

L’armée israélienne a achevé son retrait de Gaza, laissant derrière elle un territoire en lambeaux, des morts par centaines, des quartiers entiers dévastés. Laissant également un champ de ruines politiques. La victoire militaire d’Israël lui coûtera longtemps, en termes d’image, au niveau international. Les islamistes palestiniens contrôlent toujours l’étroite bande de terre. L’Autorité palestinienne, marginalisée, semble moins capable que jamais de peser sur les événements.

Il faut donc reconstruire. Reconstruire Gaza, c’est-à-dire lever le blocus d’un autre âge, tout en empêchant les trafics d’armes à destination des milices islamistes. Cet objectif passe par la reconstruction du camp palestinien, dont la cassure profonde, politique et géographique, entre le Hamas et le Fatah, interdit tout processus politique réaliste.

Il est peu probable que les islamistes, du jour au lendemain, acceptent à la fois de renoncer à la violence, de reconnaître Israël et les accords conclus depuis 1993 avec l’Organisation de libération de la Palestine, comme l’exigent les Occidentaux et l’Etat israélien. Il est tout aussi inenvisageable que ces derniers décident brusquement de considérer les islamistes comme des interlocuteurs respectables.

Il est plus réaliste, en revanche, d’aider à la constitution d’un gouvernement d’union nationale, qui laisserait les mains libres au chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pour négocier avec Israël - avec l’aide d’une nouvelle administration américaine manifestement désireuse de s’engager - le règlement définitif d’un conflit qui n’a que trop duré. Quitte à ce que ce règlement soit ensuite soumis par référendum à l’approbation des Palestiniens.

Un tel gouvernement avait été constitué après l’accord interpalestinien forgé par l’Arabie saoudite en février 2007. Cette opportunité n’avait pas été exploitée, les Etats-Unis pariant au contraire sur l’écrasement du Hamas par les services de sécurité palestiniens. La prise de contrôle, par la force, de Gaza par la milice islamiste avait signé quelques mois plus tard la vanité et la stupidité de cette stratégie. Plutôt que de pousser les Palestiniens les uns contre les autres, le temps est venu de travailler à leur réconciliation.



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