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La faute du Président Bollinger. Ahmadinejad à Columbia, ou la seconde défaite de la pensée.
Michel Gurfinkiel
Article mis en ligne le 30 septembre 2007

Mardi dernier, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad était l’invité spécial de Columbia, l’un des universités les plus prestigieuses des Etats-Unis. Cette visite peut surprendre. A deux titres. Les Etats-Unis et l’Iran n’ont pas de relations diplomatiques depuis 1979. Chacun de ces deux pays désigne l’autre comme une entité hostile.

Pour l’Iran, l’Amérique est « le Grand Satan » : l’ennemi absolu de l’islam. Pour les Etats-Unis, l’Iran actuel est un Etat totalitaire, entretenant ou couvrant des réseaux terroristes et en voie d’acquérir des armes de destruction massive. Dans un tel contexte, comment le président iranien pouvait-il se trouver sur le sol américain ?

La réponse est simple : techniquement, il ne s’y trouvait pas. Il ne faisait que participer, en tant que chef d’un Etat-membre, à l’Assemblée générale d’une Onu dont le siège se situe à New York. A ce titre, il bénéficiait d’une complète exterritorialité et donc d’une complète liberté de déplacement dans cette ville, pendant toute la durée de la session. Une situation paradoxale mais logique, dont d’autres chefs d’Etat considérés comme des ennemis des Etats-Unis ont déjà tiré parti dans le passé, notamment le Cubain Fidel Castro.

Ce qui est beaucoup plus étrange, c’est que Columbia, située également à New York, ait invité Ahmadinejad dans le cadre de son Forum international des Leaders. Pourquoi une université démocratique, se réclamant d’une haute conception des droits de l’homme et de la liberté intellectuelle, accorde-t-elle une telle faveur à un tel personnage ?

La règle du jeu était que le président de l’université poserait un certain nombre de questions au président iranien, puis que celui-ci répondrait en toute liberté. Lee C. Bollinger, le président de Columbia, n’a pas ménagé son interlocuteur. Il a dénoncé explicitement la politique de Téhéran et affirmé son dégoût pour le régime khomeiniste. Quant aux réponses d’Ahmadinejad ont souvent tourné à la provocation pure et simple.

En recevant le président iranien, Columbia aurait-elle donc contribué à le démasquer et donc à le déstabiliser ? La direction de l’université l’affirme. Sans dissiper tout à fait le malaise suscité par l’événement.

Lee C. Bollinger et la direction de l’université se sont comportés comme si c’était la confrontation des idées qui importait dans un tel débat. Mais Ahmadinejad savait que les idées ne comptaient pas. L’essentiel, de son point de vue, était qu’il soit vu à Columbia, qu’il y soit photographié, filmé, vidéographié. Pour les Iraniens, le monde musulman, un certain tiers-monde, une telle image signifie qu’il a déjà vaincu l’Occident. Pour les Occidentaux, qu’il est un interlocuteur valable, ou du moins qu’il pourrait l’être, et que cette possibilité, si infime soit-elle, interdit le recours éventuel à la guerre ou même à des sanctions renforcées...

Le fait même que Bollinger et Columbia n’aient pas vu le piège constitue d’ailleurs une seconde défaite pour la pensée libre, dont ils sont officiellement les défenseurs. Car enfin, de nombreux auteurs, à la suite de Serge Tchakhotine, ont analysé depuis quatre-vingts ans l’instrumentalisation de l’image par les régimes totalitaires. Et Marshall McLuhan, le philosophe canadien qui, dans les années 1960, a défini le monde moderne comme une société de communication généralisée, rappelait que « the massage is the message ». En français conventionnel : « Ce n’est pas le message qui compte, mais la façon dont il est véhiculé ».

Ces auteurs sont disponibles à la bibliothèque de Columbia. Les professeurs et les maîtres-assistants de cette université en ont entendu parler. Mais cela n’a servi à rien. La politologie et la science politique seraient-elles de vaines entreprises ? Sans doute - si elles ne s’appuient pas sur quelques principes éthiques - quelques instincts -, dont celui de ne jamais, jamais, parler avec les ennemis de la liberté et de la dignité humaine.



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