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La Chine et la Russie au secours des méchants
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 12 juillet 2008

Les médias n’ont pas manqué de souligner que les Occidentaux avaient été mis en échec à l’ONU, vendredi, à propos de sanctions à prendre contre le Zimbabwe, à la suite des conditions scandaleuses ayant permis au dictateur Mugabe de se maintenir au pouvoir.

Effectivement, un projet d’origine américaine a bien recueilli 9 voix - soit la majorité requise - mais s’est heurté au veto de la Chine et de la Russie et a, donc, été rejeté.

Cet avatar dépasse le seul cas d’espèce et témoigne d’une certaine connivence entre Chinois et Russes (nous allions écrire soviétiques), souvent « frères ennemis », mais aussi, parfois, soucieux de ne pas admettre certaines initiatives au profit de l’Organisation mondiale.

Il y a lieu de rappeler que les derniers vetos émis au Conseil de sécurité l’avaient, déjà, été de la part de ces deux membres permanents, en janvier 2007, sur un projet de résolution qui aurait exigé du Myanmar (ex-Birmanie) qu’il cesse la répression et libère ses prisonniers politiques.

Zimbabwe, Myanmar, Etats non-démocratiques ont, donc, été secourus par la Chine et la Russie, dont on peut, il est vrai, notamment, pour la Chine, douter également de leur caractère démocratique.

Il s’agit là, incontestablement, d’une dérive du droit de veto, prérogative reconnue par la Charte des Nations Unies au profit des principales puissances ayant mené le combat contre les puissances de l’Axe et le Japon, durant la seconde guerre mondiale (Etats-Unis, Union soviétique, Grande-Bretagne. Chine et France - le rôle de la France libre ayant été reconnu).

Cette prérogative avait été mise en place, en 1945, comme un pis aller à la place de la règle de l’unanimité, qui paralysa les organes de la Société des Nations (Conseil et Assemblée).

Elle avait été moins conçue comme devant permettre de protéger les intérêts des bénéficiaires que parce que l’on concevait mal qu’une décision importante puisse être prise sans l’assentiment unanime des puissances qui avaient leurs preuves dans le combat pour le rétablissement de la paix.

Mais, de fait, la première raison d’être du droit de veto a bien été « d’assurer l’équilibre entre ses détenteurs, c’est à dire entre grandes puissances », comme devait l’écrire, en 1972, l’un des meilleurs spécialistes de l’Organisation mondiale, le professeur Michel Virally.

C’est ce qui ressort de la pratique suivie depuis l’origine de l’ONU, avec, toutefois, une nuance concernant l’usage du droit de veto par les Etats-Unis.

En effet, avec le dernier cas, la Russie (c’est à dire l’Union soviétique avant 1991) a exercé 124 fois son droit de veto, les Etats-Unis 82, la Grande-Bretagne 32, la France 18 et la Chine 7 fois seulement, soit un total de 263 vetos.

Durant les dix premières années de l’ONU, l’Union soviétique exerça 79 fois son droit de veto.

Et ce n’est qu’à partir du moment où la majorité de l’ONU, issue du mouvement de décolonisation, qui se reflétait dans les membres non-permanents du Conseil de sécurité, a en quelque sorte « basculé » du côté de l’Union soviétique que les Etats-Unis ont dû exercer leur droit de veto, à partir de 1970, pour éviter une dérive de l’Organisation mondiale.

Au risque de passer pour partisan, nous ne ressentons pas de la même façon la façon dont les Etats-Unis ont exercé, dans la plupart des cas, leur droit de veto par rapport à la pratique soviétique ou russe.

En effet, c’est au droit de veto exercé par les Etats-Unis qu’Israël doit de ne pas avoir été plus souvent condamné et de ne pas avoir été l’objet de mesures de contrainte.

Or, on ne peut pas comparer l’intérêt que l’Union soviétique, puis la Russie, ont porté aux affaires du monde et la façon dont elles ont défendu leurs propres intérêts, avec la façon dont les Etats-Unis ont tenté d’enrayer les tentatives de déstabilisation d’Israël, entreprises par la « majorité automatique » de l’ONU, se reflétant dans la composition du Conseil de sécurité.

Il est significatif, à cet égard, qu’en près de 20 ans, les Etats-Unis ont exercé leur droit de veto 21 fois (sur les 26) afin de s’opposer à l’adoption de résolutions tout à fait déséquilibrées à l’encontre de l’Etat d’Israël (au total depuis 1970 la moitié des vetos américains l’ont été pour venir au secours d’Israël).

On ne peut à cet égard que constater qu’à la différence de l’attitude de Roosevelt qui, ne manifesta guère d’intérêt pour le sort des Juifs durant la seconde guerre mondiale, les différents présidents américains, qui se sont succédé depuis 1945, qu’ils soient démocrates ou républicains, ont, en revanche, apporté leur soutien à l’Etat d’Israël et il n’est pas sûr, notamment, s’agissant des présidents républicains, que ce soutien était dicté par des considérations de politique intérieure, l’électorat juif votant plutôt démocrate.

L’attitude manifestée par la Chine et la Russie à l’appui de dictatures s’explique, certes, par le souci de ces deux pays d’éviter des précédents de crainte que l’ONU ne soit tentée de prendre des initiatives dans des questions les concernant directement (Tibet pour la Chine, Tchétchénie pour la Russie).

Mais, il ne faut pas, non plus passer sous silence les menaces à peine voilées de vetos, qui expliquent que, jusqu’à présent, ces deux pays ont réussi à éviter que des résolutions trop « musclées » ne soient adoptées contre l’Iran.

Dans ce cas, ce sont des intérêts économiques plus que stratégiques qui expliquent leur attitude.

Et c’est là qu’apparaissent les limites du droit de veto, suivant qu’il est utilisé - ou que la menace en est brandie - à plus ou moins bon escient.

Car, nous estimons que l’existence du droit de veto est justifiée, malgré les critiques qui lui sont adressées, au motif que cette règle ne serait pas démocratique.

Or, bien qu’attaché à l’idéal de démocratie, nous ne pensons pas que cette notion ait sa place dans la société internationale.

En effet, dans le cadre étatique, où les citoyens ne détiennent, chacun, qu’une parcelle de souveraineté, seul le respect de la règle majoritaire - à défaut de l’unanimité - est de nature à défendre l’intérêt général, sous réserve, bien évidemment, de ne pas brimer systématiquement la minorité.

Mais, rien de tel dans la société internationale, où chaque Etat dispose de sa pleine et entière souveraineté - c’est à dire d’un pouvoir inconditionnel et inconditionné, sous réserve, du respect des règles de droit.

Et ce sont alors les mécanismes prévus pour veiller au respect de la règle de droit, qui doivent jouer et non une décision prise à la majorité, voire à la quasi-unanimité.

Il suffit, à cet égard, de rappeler le scandale de la résolution 3379 du 10 novembre 1975 de l’Assemblée générale, adoptée par 72 voix contre 35 (avec 32 abstentions non moins honteuses), selon laquelle, « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ».

Et ce n’est pas le laconisme de la résolution 46/86 adoptée 16 ans plus tard, le 16 décembre 1991, par 111 voix contre 25 (irréductibles) et 13 abstentions, qui « decides to revoke the determination contained in its resolution 3379(XXX) » (que le service de traduction des Nations Unies a abusivement traduit par « déclare nulle la conclusion contenue dans le dispositif de la résolution 3379(XXX) » qui est de nature à redorer le blason de l’ONU.

En effet, malgré la pirouette des rédacteurs de la version française, la majorité de l’Organisation mondiale n’a pas déclaré nulle et non avenue (donc avec effet rétroactif) l’assimilation scandaleuse entre sionisme et racisme, mais l’a seulement « révoquée », c’est à dire abrogée pour l’avenir.

Imaginons ce qui aurait pu se passer sans l’existence d’un droit de veto de nature à s’opposer à une action coercitive contre Israël.

Conclusion, souvent confirmée par la pratique : la légitimité d’une règle de droit est conditionnée par l’usage ou la menace d’y recourir, qu’on en fait.

Ainsi l’usage du droit de veto dans l’affaire du Zimbabwe, ainsi que la menace d’y recourir à propos de l’Iran, n’est pas comparable à celui qu’en font avec constance les Etats-Unis au secours d’Israël.



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