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L’empire des derniers jours
Shmuel Trigano
Article mis en ligne le 20 décembre 2012

Il y a dans la récente attribution du Prix Nobel de la Paix à l’Union Européenne quelque chose de comique autant que de pathétique. On ne fait pas mieux en effet dans l’auto-célébration. En somme, l’Europe se décerne à elle-même un satisfecit pour la paix universelle qu’elle se targue de représenter dans le monde au point de ne pas hésiter à recourir aux armes pour l’instaurer. Le cas libyen fut le plus exemplaire. Demain la Syrie, hier l’Afghanistan, après demain Israël ? C’est « la paix » façon Europe, comme on le vit avec le précédent prix Nobel de la paix, Barack Obama qui au lendemain de sa célébration accentuait la guerre en Afghanistan. « La paix, c’est la guerre », en somme, comme dirait Orwell dans 1984.

Peu d’esprits ont pris la mesure de ce qu’est devenue l’Europe. A commencer par les Juifs qui invoquent toujours la République et qui ne se sont pas rendu compte qu’ils ne vivaient plus en France mais dans une nouvelle entité politique et culturelle que l’on ne sait pas encore qualifier et définir tant elle a un côté inédit et pour ainsi dire monstrueux sur le plan politique. Ce conglomérat d’Etats qui ne sont plus des Etats parce qu’ils sont coiffés par une Commission européenne, en fait un pouvoir technocratique, et que leurs citoyens peuvent attaquer devant la Cour européenne des droits de l’homme, a tout l’air d’un empire, sauf qu’il n’y a pas d’empereur. On ne sait pas encore où passera la frontière de cet entassement de cultures et de langues qui ne s’entendent pas les unes les autres et qui pourrait s’ajouter encore de nombreux autres Etats en Europe de l’est ou au sud de la Méditerranée. Où cessera le territoire européen, aux frontières de l’Iran ? Au sud du Sahara occidental annexé par le Maroc ? Inquiétante puissance, encore plus quand elle se dénie la puissance et s’imagine régenter le (Vieux) monde au nom de la morale des droits de l’homme qu’elle croit incarner avec une si bonne conscience. Inquiétante puissance qui, lorsqu’elle s’affirme politiquement, se suicide métaphysiquement en récusant ses propres racines, « judéo-chrétiennes ». Inquiétante puissance qui, pour exister, brise les peuples qui la constituent par l’économie (l’euro générateur de crise) ou le multiculturalisme qui marginalise cultures et identités. Un empire de paix ? Demain les guerres identitaires vont s’y multiplier parce que les Etats ne pourront plus défendre les droits du citoyen. Au nom des « droits de l’homme »…

Cet empire a maille à partir avec Israël, et plus largement les Juifs. Il incarne la principale source d’hostilité envers Israël et le sionisme en dehors du monde arabo-islamique. On peut à ce propos forger le mot d’israélophobie. La promotion des Palestiniens sous couvert de « paix au Moyen Orient » est pour l’U.E. une cause centrale et vitale, quitte à condamner à long terme la renaissance du peuple juif à la déréliction puis à la destruction, 70 ans après la Shoah. C’est que l’Empire a un pacte avec le monde arabe, reposant sur une série d’accords (dont l’Union Euro-méditerranéenne est l’utopie), depuis le chantage au pétrole d’après la guerre de Kippour. C’est en vertu de ce cadre que l’immigration et sa non assimilation ont pris une importance aussi grande et avec elles toutes les tensions originelles de l’univers arabo-islamique et la haine ambiante d’Israël. N’est-ce pas aussi pour faire place à l’islam – devenu ainsi une religion sacro-sainte dans l’empire – qu’elle a dénié son rapport avec ses origines ? C’était la raison invoquée. Les conséquences, tout le monde les connaît. La condition juive s’en est retrouvée ébranlée –notamment en France, le seul pays européen où des Juifs sont tués parce qu’ils sont juifs – mais les Juifs ne vivent plus en France mais en UE.

Cette inimitié ambiante, aussi profonde, aussi métaphysique, est profondément perverse parce qu’elle s’accompagne d’une mémoire compassionnelle de la Shoah, profondément troublante car elle assigne le Juif à une condition de victime dans l’éternité en le vouant au sacrifice perpétuel. C’est en effet au nom de la légitimation que lui procure cette mémoire que l’UE mène cette politique agressive envers Israël, totalement identifiée à la cause palestinienne dont elle porte à bout de bras financièrement et politiquement les entreprises, comme si elle retrouvait en elle l’écho archaïque de la théologie de la substitution. Très significative est l’exigence qu’Israël, face au terrorisme, n’exerce pas son droit à la légitime défense, c’est à dire s’expose passivement aux coups que ses ennemis lui assènent et dont le revers est un silence accablant face au bellicisme palestinien.

Ce qu’il y a de fascinant dans la situation, c’est que le peuple juif se retrouve dans une situation classique de l’Antiquité, coincé entre deux empires : l’UE à l’ouest et la marche à l’impérialisme de l’Iran, autrefois la Perse, à l’est. Certes deux autres ambitions impériales ont maille à partir avec lui : le rêve turc d’une résurgence de l’empire ottoman au nord (dans l’Antiquité il s’agissait des Hittites), et l’empire déclinant du sud, l’Egypte. A croire qu’il y a une géo-stratégie inhérente aux peuples. Mais si l’on suit ce modèle historique, nous devons nous attendre aussi à la résurgence de la prophétie en Israël. Elle s’est toujours manifestée face à l’empire et en un temps où il y a un souverain en Israël.

  • A partir d’une tribune parue dans Actualité Juive du 20 décembre 2012.


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