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Génocide et crime contre l’humanité
David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 3 mai 2006

L’une des plaies de la société de consommation dans laquelle nous vivons, nous paraît être le dérapage ou la dérive dans la terminologie utilisée.
Nous n’envisageons pas, aujourd’hui, de stigmatiser, ici, l’excuse trouvée, par certains, à d’odieux actes de terrorisme, qualifiés, pour les besoins de la cause, d’actes de résistance.
Ce qui constitue, incontestablement, une perversion de la pensée.

Mais, la situation tragique actuelle au Darfour, qui perdure depuis 2003, et qui a causé la mort de 200 000 personnes, sans parler des millions de réfugiés, amène à déplorer, également, un certain dévoiement du langage.

Pour d’aucuns, il s’agirait d’un génocide, tandis que pour d’autres au contraire, et c’est notamment le cas pour l’ONU, où sur la base d’un rapport établi par une Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme perpétrées au Soudan, il y a quelques semaines, il s’agit de crimes contre l’humanité.

Nous nous garderons bien de dire qu’ « il ne s’agit que » de cette nouvelle catégorie de crimes, introduite en droit international, au lendemain des atrocités commises par les nazis, par le statut du tribunal militaire international chargé de juger les criminels nazis à Nuremberg.

Car, il faut écarter tout idée de restriction dans l’ampleur de l’horreur provoquée par les massacres perpétrés dans cette partie du Soudan.

Mais, il nous paraît que la commission d’enquête précitée a, à juste titre, considéré que le « gouvernement du Soudan n’a pas poursuivi de politique de génocide », en l’absence non pas des actes matériels, à savoir les meurtres, mais de l’élément génocidaire » (souligné par nous).

Il faut, en effet, rappeler, que c’est une convention du 9 décembre 1948, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU, qui a introduit une nouvelle incrimination dans le droit pénal international, en instituant le crime de génocide, dont elle a entendu promouvoir la prévention, et à défaut, la répression.

De fait, l’une des faiblesses majeures de ce texte était qu’il ne faisait que prévoir une « cour criminelle internationale », compétente pour en connaître.

Et il fallut attendre le statut de la Cour pénale internationale, adoptée par l’ONU, en 1998, et entré en vigueur le 1er juillet 2002, pour que la répression de cette nouvelle catégorie de crimes puisse être envisagée, dirons-nous, sérieusement.

Car, le fait que certaines législations nationales, comme celle de la France (article 211-1 du Code pénal), par exemple, réprime un tel crime, se révèle, de fait, insuffisant pour assurer une répression efficace, à l’échelle de la planète, afin de traquer et condamner les auteurs, où qu’ils se trouvent.

Or, si la convention de 1948 se bornait à faire référence à des actes « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe... », la convention de 2002 exige que « les crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique.... » et la loi française, dès 1992, évoquait l’ « exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle.... » (souligné par nous).

Notons, toutefois, que la convention créant la Cour pénale internationale, chargée de poursuivre, les auteurs de tels crimes, évoque également la commission de ces actes « lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle ».

Ce qui nous semble supposer une certaine organisation.

Alors pour certains : « voilà la belle affaire »....

Génocide ou crime contre l’humanité, c’est à dire sans entrer dans le détail technique des conventions ou lois nationales (ex. : en France, l’article 212-2 du code pénal) s’en prendre, comme le disait, le brillant polémiste André Frossard à un être humain « pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a fait », qu’est-ce que cela change ?

Les crimes commis sont odieux dans les deux cas.

Et bien cela change - et l’examen de la pratique judiciaire tant nationale qu’internationale, le prouve - qu’il ne faut pas se tromper de fondement aux poursuites, dès lors que les conditions requises pour étayer une accusation ne sont pas les mêmes.

Rappelons-nous que pour les négationnistes, l’existence de la « solution finale » concernant les Juifs était un mensonge, dès lors que tous les Juifs n’ont pas été exterminés.

Et, certains d’entre eux, pour éviter de se voir opposer l’ampleur des massacres - environ 6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants - se lançaient dans d’abjects calculs pour contester le nombre des victimes.

Cette situation au Darfour, qui traduit, incontestablement une volonté d’ « épuration ethnique », rappelant, d’ailleurs, la situation au Kosovo, il y a une dizaine d’années et ne peut laisser indifférente la communauté internationale, ne justifie pas pour autant de négliger le respect des textes.

Et, cela ne signifie pas pour autant que la communauté internationale doive s’abstenir d’agir - car il arrive un moment où il ne suffit plus de discuter.

Certes, contrairement à la position développée par Bernard Kouchner, dans un article publié, dans une nouvelle - et excellente revue - qui vient de paraître (Le meilleur des mondes), le droit d’ingérence n’est pas, encore, consacré, en droit international.

Mais, l’histoire récente, fournit des exemples d’initiatives prises par certains Etats, sinon sur la base de la légalité internationale (c’est à dire le respect de certaines normes de droit), du moins sur la base de la légitimité internationale (c’est à dire le respect de certaines valeurs fondamentales).

Nous n’hésiterons pas à citer les frappes aériennes menées par les Etats de l’OTAN, en Serbie, au printemps 1999 en réaction contre l’entreprise serbe de « purification ethnique » au Kosovo ou, plus près de nous, l’intervention de la coalition d’un certain nombre d’Etats, groupés autour de Etats-Unis, en Irak, au printemps 2003.

Les milliers de morts tant parmi les irakiens que parmi les forces de la coalition, ne doivent pas faire oublier les dizaines de milliers de morts imputables au régime de Saddam Hussein.

Il suffirait pour cela que le Conseil de sécurité des Nations Unies considère, sur la base du chapitre VII de la Charte, comme il le fit, également, à propos de l’Afghanistan, après la tragédie du 11 septembre 2001, que la paix et la sécurité internationales sont menacées, par cette nouvelle catastrophe humanitaire, pour légitimer une nouvelle initiative, au plan international.



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