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Des informations, désinformation
par Josy Eisenberg - Le Monde
Article mis en ligne le 26 novembre 2004

Le moins que l’on puisse dire de la ligne générale du Monde, c’est qu’elle ne manifeste pas de sympathie particulière pour Israël. Je reste néanmoins abonné depuis des lustres, dans le fol espoir d’un sursaut de lucidité, voire d’une ébauche de repentance. Mais il est des semaines où je me dis : trop, c’est trop.

Dans l’édition du 12 novembre, une page entière recense divers livres traitant de la souffrance palestinienne, tous écrits par des Palestiniens engagés. Pour faire bonne mesure, on y a ajouté celle d’un historien israélien marginal et contesté, qui abonde dans le même sens. C’était déjà, pour le moins, faire montre d’une totale partialité. Les crises identitaires d’Israël, les souffrances d’un peuple agressé depuis cinquante ans, cela n’existe donc pas ?

Ce type de recensions, où l’on peut faire dire à un auteur ce que l’équité journalistique n’autorise pas, ressemble fort à un acte de propagande insidieux.

Quelques jours plus tard, dans le supplément économique, une série de litanies sur la situation économique des Palestiniens. S’en dégage manifestement le sentiment qu’il y a un seul coupable de la misère palestinienne : Israël. Le titre déjà : « Economie ruinée ». On aurait pu dire : en ruine. Non ! Non ! Ruinée ! Par quelqu’un, suivez mon regard !

Pas un mot sur l’origine de cette ruine : les Intifadas. Pas un mot sur les causes de l’occupation israélienne : l’agression jordanienne de 1967. Le lecteur, désinformé, est appelé à constater brimades, entraves à la libre circulation des biens et des personnes, etc., sans que l’on se demande jamais si cette politique ne procédait pas de tout autre chose que du « sadisme » des Israéliens : un certain besoin de sécurité. Si l’économie est en ruine, ce sont d’abord les Palestiniens eux-mêmes qui en portent la responsabilité par le terrorisme.

De mieux en mieux : on insiste ensuite sur l’écart du revenu moyen entre Israéliens et Palestiniens. Sans être vraiment paranoïaque, on pouvait lire entre les lignes le stéréotype du riche juif, face au pauvre palestinien. A la limite, le lecteur pourrait imaginer que la richesse d’Israël se serait constituée sur l’exploitation des Palestiniens ! Il est vrai que la main-d’œuvre palestinienne est utilisée par Israël. Mais, d’une part, le niveau de vie des Palestiniens a crû dans des proportions considérables sous l’occupation israélienne ; de l’autre, la « richesse » d’Israël ne doit rien à personne, sinon au dynamisme, si longtemps admiré, des pionniers d’Israël et de leurs successeurs.

Soit dit en passant, si l’on compare la situation économique des pauvres palestiniens après trente ans d’occupation et celle des pauvres arabes d’Algérie, par rapport au revenu moyen des métropolitains, après cent trente ans d’occupation française, on se dit qu’Israël n’a pas à rougir de sa bonne santé.

Quant à rapprocher les niveaux de vie, qui ne le souhaite ? Mais, pour cela, il faut travailler, et le problème palestinien, de ce point de vue, n’est que le reflet de l’arriération socio-économique de l’ensemble de la société arabe.

Dire ces évidences aurait rendu moins partial l’ensemble des commentaires. Il est d’ailleurs assez exorbitant qu’il se soit fait un véritable consensus sur le postulat suivant : il appartient impérativement à Israël d’assurer le bien-être des Palestiniens et, tout d’abord, de leur donner du travail. Pour l’heure, je crois savoir que les Palestiniens luttent contre Israël ; que certains n’ont pas renoncé à détruire cet Etat. Peut-être une utopique charité chrétienne consiste-t-elle à tendre l’autre joue, mais ce serait déjà bien si l’on arrivait au pardon des offenses sans exiger qu’en situation de belligérance l’une des parties soit sommée d’assurer la subsistance de l’autre ! Certes, pour un homme de foi, une telle générosité serait théologiquement correcte et honorerait le judaïsme. Mais est-ce aujourd’hui réaliste ?

Je veux émettre un souhait : que Le Monde ne se transforme pas en instrument de propagande et conserve un minimum d’objectivité. Les Palestiniens méritent notre compassion, je l’ai souvent écrit. Mais n’existe-t-il pas d’autres populations souffrantes - au Darfour, en Tchétchénie - et des violences bien plus sanglantes qu’au Moyen-Orient, et auxquelles on consacre vraiment bien moins d’attention ? Il est vrai que hurler contre Israël, c’est hurler avec les loups, et qu’il est plus aisé de diaboliser Sharon que Poutine.



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