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Assassinat du dirigeant d’opposition Chokri Belaïd : la « révolution du jasmin » va-t-elle sombrer dans le sang ?
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 6 février 2013
dernière modification le 7 février 2013

Nombreux sont ceux qui déplorent que « la révolution du jasmin », première des révolutions dites du « printemps arabe », ait été confisquée par les islamistes. Avec l’arrivée au pouvoir au retour d’exil du parti Ennahda, proche des Frères musulmans, longtemps persécuté sous le régime précédent. Il est aujourd’hui aux commandes de la Tunisie avec deux paris alliés. Depuis lors les dérapages se multiplient : tirs à la chevrotine sur des manifestants, incendies de mausolées de marabouts. Sans compter les profanations de cimetières juifs. Une nouvelle ligne est franchie aujourd’hui avec l’assassinat d’un opposant laïque, Chokri Belaïd. L’opposition est dans la rue et l’avenir est incertain.

Une « révolution du jasmin » confisquée par les islamistes

Certains Tunisiens n’ont cru que quelques jours à la « révolution du jasmin ». Car le retour des islamistes n’augurait rien de bon. Ainsi Maître Souhail Ftouh n’y crut qu’une quinzaine de jours. Conscient que ses prises de position en faveur d’Israël, tolérées jusque là ne le seraient plus, opta pour l’exil D’autres Tunisiens, peu favorables à l’État hébreu, ce qui est courant en Tunisie, partageaient ses craintes quant aux capacités de gouverner et de le faire démocratiquement de ces islamistes, proches des Frères musulmans, longtemps pourchassés, qui venaient d’être autorisés par le gouvernement provisoire à revenir triomphalement d’exil

Scènes inimaginables

Depuis les faits ont confirmé toutes les inquiétudes. Il y a eu en Tunisie des scènes inimaginables, avec, par exemple, à Silana les forces de l’ordre tirant à la chevrotine sur des manifestants réclamant le départ du gouverneur jugé incapable. Tirs qui firent plus de deux cents-dix blessés, dont certains très graves Ce sont les mêmes armes qui sont utilisées aujourd’hui contre ceux qui manifestent à Sousse pour protester contre l’assassinat du leader d’opposition Chokri Belaïd le matin même. Les manifestants auraient tenté de prendre d’assaut le gouvernorat .

D’autres actes imputés aux salafistes ont mis récemment une partie de la population à cran. Ainsi le saccage de mausolées de marabout, des saints locaux vénérés par les habitants de quartiers ou petites villes. Comme, récemment à Sidi Boussaid. Car pour les islamistes vénérer quiconque d’autre que le Prophète serait sacrilège...

Affaires :corruption, wahhabisme

Et il y a eu quantité d’affaires. Comme la conduite du ministre des Affaires étrangères, gendre du chef spirituel d’Ennhda, accusé d’avoir loué aux frais de son ministère des chambres dans un hôtel de luxe de la capitale pour lui-même et une personne qu’il décrivit ensuite comme une cousine...Incartade passant mal dès lors que l’intéressé appartient à un parti revendiquant sa grande moralité...

Plus récemment un prédicateur wahhabite – tendance dure de l’islam - koweïtien faisait scandale en se rendant avec un cortège digne d’une rock star dans une partie pauvre de la Tunisie pour y faire voiler des dizaines de petites filles. Hors de la présence de leur parents, au nom d’une supposée bienséance ne s’appliquant ni à lui-même ni à son entourage masculin. Cela avait provoqué l’ire des laïques, d’autant que la réaction très molle de la ministre de la Femme avait choqué, celle-ci invoquant la liberté individuelle et la liberté des parents à faire ce que bon leur semble. L’emprise croissante de formes archaïques de la religion en révoltant plus d’un...

Antisémitisme et antisionisme

Le sort des Juifs ayant choisi de rester en Tunisie pose problème aussi car à un antisionisme généralisé fait écho un certain antisémitisme. Ennadha avait envisagé très tôt de criminaliser toute normalisation avec Israël et de l’inscrire dans la nouvelle constitution tunisienne, avant de devoir y renoncer...Sans doute y a-t-il eu des pressions au niveau international. Mais un parti allié, Wafa, antisioniste acharné obsessionnel, entend remettre l’idée au goût du jour... Son dirigeant avait été pressenti pour remplace le ministre de la Justice actuel, visiblement débordé par sa tâche...Mais le remaniement annoncé pour la mi-janvier, puis la fin du mois, ne s’est pas concrétisé pour l’heure.

René Trabelsi, fils de Perez Trabelsi, dirigeant de la communauté juive de Djerba, pressenti pour le poste de ministre du Tourisme pour lequel ce voyagiste a toutes les compétences, se vit disqualifié en raison d’un véto islamiste . Ce même Perez Trabelsi avait demandé la protection de l’armée lors de l’affaire des projets de kidnapping de membres de la communauté juive

Les cimetières juifs de Sousse, puis de Kef ont été profanés. Des ossements des morts ont même été retrouvés dans la rue... Sans que les autorités ne semblent faire grand chose pour retrouver les coupables. Toutefois, on déplorera que l’antisionisme soit très répandu en Tunisie aujourd’hui et ne soit pas uniquement l’apanage des islamistes. Nombre d’opposants partageant ce rejet d’Israël... A commencer par Chokri Belaïd, « actif dans le comité de lutte contre la normalisation avec Israël », selon plusieurs sources.

Un assassinat politique qui pourrait mettre le feu aux poudres...

C’est sur cette toile de fond que l’opposant Chokri Belaïd a été assassiné de trois balles tirées à bout portant en sortant de son domicile le 6 février au matin. Leader de gauche son parti faisait partie de la coalition Nida Tounes. L’opposition, Nida Tounes en tête, « appelle à l’organisation d’obsèques nationales pour « ce dirigeant, « à la démission du gouvernement Jebali et à une grève générale de protestation » .

Les accusations se précisent : « Selon le leader du parti Al-Majd et défenseur des droits de l’homme, qui intervenait sur la chaîne publique Watania 1, il y a des individus, se cachant derrière des pseudonymes, qui ont appelé, ces derniers temps, à la liquidation de tous ceux qui sont contre le gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahdha. « J’ai découvert sur l’une de ces pages la photo de feu Chokri Belaïd d’un côté et la mienne de l’autre et au centre un fusil. Ces gens non encadrés du CpR et d’Ennahdha appellent à la liquidation de tous ceux qui sont contre le pouvoir légitime », a déclaré M. El-Hani » rapporte le site Kapitalis.

Les condamnations abondent de toute part. Parmi les slogans scandés à Tunis on entendait « le peuple veut une nouvelle révolution ». A ce jour l’avenir de la Tunisie est incertain...



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