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Le retour de l’état bi-national
Jean-Philippe Katz
Article mis en ligne le 4 mai 2008

Au fil des mois, l’idée de transformer Israël en un état bi-national refait surface, avec des relais de plus en plus nombreux. Dernier en date, l’éditorial du Monde du 04 mai de Michel Bôle-Richard. Le journaliste déplore, comme tant d’autres depuis tant d’années, que le processus de paix n’avance pas. Il évoque le voyage de Condie Rice, qui « n’a réussi à grappiller que de maigres concessions ». Tout lecteur régulier d’un média français comprend qu’il s’agit de concessions israéliennes.

La suite du texte revient en effet sur les colonies à démanteler, les barrages, la clôture, et cette antienne qui veut que la Cisjordanie soit transformée en prison à l’instar de Gaza. Le premier ministre, Salam Fayyad, déplore que les fonds promis tardent à parvenir à l’autorité palestinienne pour relancer l’économie (à dire vrai payer les fonctionnaires).

Mis à part le fait que pour appuyer son propos, le journaliste ne cite quasiment que des responsables palestiniens, il termine avec cette menace qu’il nomme défi à relever pour Israël : « Le second [défi], au cas où l’Etat palestinien ne serait pas créé, est de voir monter les revendications pour un Etat binational ».

La conclusion que tire le lecteur est : qu’Israël « donne » un état à Abou Mazen, qu’Israël lève les barrages, démantèle les colonies, voire même détruise sa clôture.

Il comprend aussi, à force d’additionner les propos des responsables palestiniens, qu’Israël est « le » responsable de cette « paralysie », et que les palestiniens sont à genoux, mains levées, et suppliants. Un sondage cité par M. Bôle-Richard nous apprend tout de même que « 84 % (des palestiniens interrogés) ont approuvé l’attentat contre l’école talmudique à Jérusalem ».
Un chiffre qui fait l’effet d’une fausse note. Un chiffre en négatif des sondages réalisés auprès des israéliens, bien plus partagés quant à la conduite du processus, mais favorables à la paix sous réserve de sécurité. Comment concilier cette attitude de certains responsables de l’AP, parlant d’économie et de négociation, et l’approbation de la mort donnée à de jeunes étudiants religieux ?

Rien dans l’article non plus n’évoque ce fait, têtu, mais que la plupart des « hommes de paix » ignorent totalement : la population palestinienne a majoritairement voté pour le Hamas qui a pris le pouvoir à Gaza, et qui n’est pas concerné par l’ensemble des exigences évoquées plus haut.

Que signifie ce silence ? Tout simplement que le lecteur partage un espoir non avouable avec le rédacteur de l’article : que l’AP renversera un jour le Hamas. Tout comme les commentateurs répètent en permanence que avec l’établissement d’un état palestinien, tout ira bien au Porche Orient, ils disent entre les lignes que tout ira bien pour les palestiniens si un accord est trouvé avec l’AP, que le Hamas se rangera aux côté de ses frères de Ramallah, conscient des enjeux. Oublié le fondamentalisme religieux qui goûte peu le nationalisme du Fatah, oubliés les adolescents hachés menus devant une discothèque ou dans un café, tous signeront un morceau de papier devant les caméras.

Le plus incroyable dans cet oubli « freudien », c’est l’idée d’état bi-national. Non seulement il suppose que l’état israélien se saborderait lui-même pour obtenir la « paix » avec ses voisins palestiniens, ce qui est une vue de l’esprit, mais il évacue le moteur idéologique du Hamas : la prédominance de l’islam radical.
En effet, comment imaginer que des radicaux qui chassent les arabes chrétiens, favorisent l’islam le plus doctrinaire, notamment envers les femmes, puisse du jour au lendemain cohabiter avec les bikinis et les gays de Tel Aviv ?
C’est tellement absurde qu’il faut des années d’aveuglement permanent pour évoquer cette hypothèse sans rire.

L’état bi-national est tout simplement le nouveau « porte avion » idéologique du Fatah, menacé par le Hamas, sauvé par les pays occidentaux et Israël, un concept de survie.
Car le Hamas, sous-estimé par Israël à la fin des années 80, de même que tous les mouvements islamistes radicaux dans le monde l’ont été par nos démocraties, a fait reculer les négociations de plusieurs années. On peut le déplorer, mais pas l’ignorer, tout comme Al Qaïda a fait reculer le rapprochement du monde arabe et de l’occident initié après la chute du mur de Berlin. Les affligés comme M. Bôle-Richard ou Stéphane Hessel récemment, pensent que la clé est dans la rapidité des « signatures », pour prendre de vitesse le fondamentalisme. Les faits nous apprennent l’inverse : ce sont les radicaux qui sont en pôle position, et qui gagneraient les élections en Egypte aujourd’hui comme en Algérie hier, et au Pakistan demain. Ils le font à la manière nazie des années trente, en alternant action idéologique et menace physique.

Les palestiniens sont tombés dans un combat qui les dépassent, le fondamentalisme ayant succédé au panarabisme d’hier, avec une violence inédite. Inviter Israël à ignorer ce fait, en agitant l’état bi-national, est une façon de donner de l’oxygène à ceux qui souhaitent imposer un fondamentalisme triomphant. Aujourd’hui déjà les homosexuels gazaouites par exemple, pourchassés, tentent de se réfugier en Israël. Ils préfigurent l’avenir. Celui d’un périmètre de liberté qui se réduit au profit d’un sursis de paix. Avec un afflux de plus en plus massif de populations opprimées par le fondamentalisme dans les pays occidentaux, car quelle issue reste-t-il à un démocrate iranien, pakistanais ou palestinien, à part l’exil dans les pays occidentaux ?



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