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Al-Jazeera, un média démocratique doublé d’une arme redoutable
Nathalie Szerman (c) Israël Magawine
Article mis en ligne le 10 février 2008

La chaîne télévisée Al-Jazeera, c’est près de 40 millions de téléspectateurs quotidiens dans le monde, avec l’impact qu’on devine sur l’opinion. Qualifiée aussi bien de « CNN arabe » que de « chaîne de Ben Laden », elle sait être à la fois démocratique et pro-islamiste. Une pétition a dernièrement été lancée pour en faire cesser la diffusion.

Une chaîne démocratique

Al-Jazeera (« La péninsule »), basée au Qatar, a donné à ce petit émirat un statut inespéré dans le monde des médias. C’est au 11 septembre qu’elle doit le début de la gloire : elle diffuse, le 7 octobre 2001, un enregistrement vidéo du terroriste le plus recherché de la planète, Oussama Ben Laden, présenté comme un direct. Depuis, elle ne manque pas de donner régulièrement des nouvelles de Ben Laden et de ses acolytes, notamment Al-Zawahiri, n°2 d’Al-Qaïda.

On ne peut toutefois accuser Al-Jazeera de ne faire entendre qu’un « son de cloche » : s’il est vrai qu’elle donne la parole à des islamistes de tout poil, dont Ben Laden n’est pas le moindre, elle a aussi fait connaître au monde des réformistes arabes, dont la célèbre Wafa Sultan qui, sur ses ondes un mémorable 21 février 2006, se lance dans une diatribe d’une force spectaculaire qui lui vaut d’être immédiatement traduite et mise en ligne par le Middle East Media Research Institute (MEMRI), puis relayée par les plus grands journaux de la presse occidentale, dont le New York Times, Libération, Le Figaro et le Nouvel Observateur, et citée dans Le Monde.

C’est sur Al-Jazeera que Wafa Sultan a dit : « L’affrontement auquel nous assistons dans le monde n’est pas un affrontment de religions ou de civilizations, mais (...) un affrontement de la barbarie et de la raison. » Et c’est grâce à ce passage sur Al-Jazeera que cette psychiatre américano-syrienne peut aujourd’hui faire entendre sa voix. En novembre 2007, elle a encore été invitée à donner une conférence à Paris par Ni Putes Bi Soumises.

C’est aussi grâce à Al-Jazeera que les voix courageuses de Saadeddine Ibrahim, intellectuel égyptien militant pour les Droits de l’Homme ou Shaker Nabulsi, américano-Jordanien au discours proche de celui de Wafa Sultan, ont résonné de part et d’autre du monde arabe et occidental.

Al-Jazeera va plus loin, invitant des personnalités et des journalistes pro-israéliens non arabes ni musulmans à s’exprimer sur ses ondes, telle Elisabeth Schemla, directrice du journal en ligne Proche-Orient.info (aujourd’hui fermé), en 2003, dans un débat l’opposant à Ginette Skandrani.

Une chaîne militante

Cette politique d’ouverture n’a toutefois pas empêché la chaîne de prendre position contre les Etats-Unis pendant les guerres en Afghanistan et en Irak, ce qui lui a valu d’être considérée comme une menace redoutable par les Etats-Unis. Ses locaux ont ainsi été bombardés deux fois : une fois en Afghanistan et une fois en Irak, où la couverture des événements montait les populations locales contre les Etats-Unis et faisait de la chaîne une arme dangereuse.

Comment expliquer ces apparentes contradictions ? Dans un ouvrage intitulé (Un)Civil War of Words, Media and Politics in the Arab World, (Praeger Security International, 2007) Mamoun Fandy apporte des éléments de réponse.

Pour Mamoun Fandy, c’est avant tout les opinions de ses journalistes qui déterminent les prises de positions de la chaîne. Selon lui, il serait « erroné de croire que les journalistes arabes sont les simples instruments des propriétaires des médias » et « ignorer le rôle joué par les journalistes reviendrait à manquer l’un des éléments fondamentaux de l’énigme des médias arabes. » Or il estime que les journalistes palestiniens sont surreprésentés dans Al-Jazeera, du fait notamment de leur niveau d’instruction globalement supérieur à celui des autres populations arabes. Les journalistes d’Al-Jazeera envoyés dans les territoires palestiniens sont Palestiniens pour plus de 40 %, ce qui explique un parti pris anti-israélien et anti-américain marqué. Mamoun Fandy va jusqu’à parler de « siège palestinien d’Al-Jazeera ».

Quant au discours de ces journalistes, Mamoun Fandy le décrit comme effectivement ouvert aux différentes tendances politiques du monde arabe, mais foncièrement nationaliste face à l’extérieur. Selon Fandy, les journalistes d’Al-Jazeera se considèrent avant tout « comme des Arabes travaillant pour une chaîne arabe », ce qui rehausse le nationalisme arabe de la chaîne. Ainsi, « une analyse du contenu d’Al-Jazeera révèle que c’est une chaîne qui représente le point de vue de la nouvelle alliance du Moyen-Orient, celle des baasistes, des nationalistes arabes et des islamistes. » Il note ainsi que la chaîne a refusé de prendre une position anti-syrienne dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre syrien Rafik Hariri. Et de rappeler que « l’une des figures marquantes d’Al-Jazeera est Youssef Al-Qaradhawi, membre des Frères musulmans égyptiens. »

Une pétition pour cesser la diffusion d’Al-Jazeera en Europe

Mamoun Fandy n’est pas la seule personnalité du monde arabe à se montrer critique des positions de la chaîne. Début novembre 2007, une pétition appelant à empêcher l’émission d’Al-Jazeera en Europe a été affichée sur plusieurs sites irakiens (dont Sotaliraq, les sites d’information Irak de demain et Al-Najaf, le site libéral Al-Fayhaa TV), ce qui laisse penser que ses initiateurs sont peut-être des Irakiens proches du gouvernement irakien et des Etats-Unis.

Le MEMRI en traduit des extraits sur son site. Le texte rappelle notamment que activités de la chaîne « ont déjà été interdites dans plusieurs pays, certains de ses présentateurs et techniciens ayant été arrêtés pour avoir assisté des forces terroristes obscurantistes comme Al-Qaïda et d’autres. » Et de fait, Sami Al-Haj, journaliste soudanais d’Al-Jazeera, a été incarcéré à Guantanamo. La pétition appelle en outre à interdire la chaîne car elle « empoisonne l’esprit des jeunes (...) »

Occultant délibérément leur identité, les initiateurs de la campagne présentent cette pétition comme « la campagne de tous les Arabes et Européens qui entendent exercer des pressions pacifiques sur les gouvernements européens et l’Union européenne pour mettre fin à la diffusion de la chaîne satellite extrémiste Al-Jazeera sur les réseaux câblés européens, premier pas visant à empêcher la chaîne de diffuser par le [service] satellite européen Hotbird. » Notons que si Al-Jazeera diffuse gratuitement sur les satellites Hotbird et Astra, elle est aussi diffusée en France par TPS et Canalsat.

Plus récemment, la moutarde est aussi montée au nez de journalistes algériens : au lendemain du double attentat suicide commis à Alger et revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (12 décembre 2007), le site de la chaîne (aljazeera.net ) mettait en ligne le sondage suivant : « Soutenez-vous les attentats d’Al-Qaïda en Algérie ? » Ce sondage a jeté l’opprobe sur la chaîne.



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