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Est-il productif de qualifier le Hezbollah de « terroriste » ?
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 16 juillet 2007

Telle est la question saugrenue à laquelle un jeune contributeur au Figaro entendait répondre, dans la page « Débats » du numéro daté des 14-15 juillet dernier. Cet étudiant en master d’études arabes dans une université américaine, ancien élève de l’Institut d’études politiques de Lyon, a pu se présenter au journal français comme spécialiste du Hezbollah, pour avoir écrit un mémoire sur « Les relations France-Hezbollah »

Ce qui lui permet, dès le début de son article, de considérer que la déclaration de Nicolas Sarkozy, recevant en début de semaine, les parents des soldats israéliens enlevés, et souhaitant que « le Hezbollah renonce à l’action terroriste » « menace la position française au Liban ».....

Pas moins.....

Car selon ce politologue en herbe, l’emploi du mot « terroriste » pose, en effet, de « sérieux problèmes ».

Le jeune collaborateur du Figaro admet, certes, que « des membres du parti aient été impliqués dans plusieurs attaques contre les intérêts occidentaux durant les années 1980 » (ce qu’un encart publicitaire du CRIF, publié quelques pages précédentes rappelait opportunément en citant l’attentat contre l’immeuble du Drakkar à Beyrouth qui provoqua la mort de 58 parachutistes français, et on aurait pu également évoquer le massacre de plus de 200 marines américains peu de temps auparavant...).

Mais de relever que, depuis le milieu des années 1990, « le mouvement a pris soin....de ne s’attaquer qu’à des cibles militaires », tout en étant obligé de reconnaître « l’exception à cette stratégie » que constitua la guerre de juillet 2006, « durant laquelle le Hezbollah a bombardé les zones civiles du nord d’Israël, en réponse
au bombardement des zones libanaises chiites de l’Etat hébreu » (souligné par nous).

Notre étudiant en master, sans doute très pris par ses études, n’a pas pu suivre le déroulement des événements et constater qu’Israël réagissait, à la fois, à l’enlèvement de deux soldats, mais également à des tirs de roquettes.

Mais, il est tellement plus simple d’inverser l’ordre des facteurs et de considérer que c’est Israël qui tire, toujours, le premier.

Là où notre politologue a raison, c’est lorsqu’il considère que « qualifier aujourd’hui le Hezbollah de mouvement terroriste est un choix de nature politique ».

Seulement, nous ne pouvons le suivre, lorsqu’il estime ce choix « peu opérant », qui « menace le rôle de médiateur que la France souhaite jouer dans la crise libanaise ».

Et surtout lorsqu’il considère que l’« enjeu du mot terroriste c’est l’alignement de la France à la politique américaine de soutien inconditionnel à Israël ».

Et voilà l’accusation perfide lancée, reflet de l’antiaméricanisme primaire qui a largement cours dans certains milieux intellectuels français.

Et grâce à cet article, nous apprenons que le mot « terroriste » « renvoie à des acteurs marginaux, exempts de légitimité », car, bien évidemment, au même titre, sans doute que le Hamas, le fait d’avoir obtenu des voix aux élections libanaises est un gage de légitimité.

C’est oublier un peu vite que la légitimité est une notion qui renvoie, en réalité, au respect de certaines valeurs fondamentales (telles que la vie humaine) alors que la légalité se contente de caractériser le respect de la règle de droit.

Nous avons déjà souligné à différentes reprises qu’un succès électoral n’est pas un gage de respectabilité.

Et on ne peut manquer d’être choqué de voir ce jeune chercheur venir donner une leçon au Président de la République, au motif que l’emploi du terme « terroriste » « place la France sur la pente glissante d’un manichéisme qui s’accommode peu de la complexité inhérente à la pratique des relations internationales » (à laquelle notre critique est évidemment très au fait).

Le novice en la matière c’est, évidemment, le Président de la République française, qui aurait intérêt à suivre les sages conseils de ce diplômé des universités françaises, qui ne manque pas d’insister sur la « nécessité d’une politique française autonome des Etats-Unis », comme si le seul fait d’avoir, sur certains problèmes des vues identiques à celle des Etats-Unis serait la preuve d’un alignement de la politique française sur celle de la puissance américaine.

Comme chacun sait, le fait de manger du pain fait courir le risque de passer pour un dangereux malfaiteur, au motif que les malfaiteurs mangent du pain.....

Au moins, l’auteur de cette contribution aux « Débats » du Figaro a raison sur un point : si - comme nous le pensons et comme l’aurait d’ailleurs dit Nicolas Sarkozy - le Hezbollah est un mouvement terroriste « comment justifier que l’on autorise ses représentants à se rendre en France pour la rencontre », qui a eu lieu ce dernier week-end ?

C’est d’ailleurs pour cela que plusieurs organisations avaient invité à manifester, dimanche, contre cette invitation.

Mais, on ne peut, sans doute, pas, toujours, échapper à la Realpolitik même si on est un président de la République fraîchement élu, avec beaucoup d’idées personnelles,



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