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L’art des guillemets dans Le Figaro
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 4 juillet 2007

Profitant de la discussion, au sein du cabinet israélien, au sujet de la libération d’un certain nombre de prisonniers palestiniens, l’envoyé spécial du Figaro, dont nous avons, déjà, ici même, déploré les méthodes d’investigation, publie, dans le numéro du 2 juillet, photos à l’appui, sur une pleine page, une enquête sur « Saïd al-Atabeh, doyen des prisonniers palestiniens ».

Nous apprenons seulement qu’il entame sa trentième année de réclusion alors qu’en tant que chef d’une cellule du FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine), al-Atabeh a, en 1977, à l’âge de 26 ans, été condamné - excusez du peu - à trois peines de prison à vie.

Le journaliste se garde bien de préciser la raison de cette triple condamnation, tout en indiquant qu’un membre de son réseau avait fait exploser plusieurs bombes en Israël, tuant une personne et faisant 33 blessés et que le poseur de bombes, lui aussi condamné à perpétuité, a été libéré en 1985 dans le cadre d’un échange de prisonniers.

Par ailleurs si l’on veut connaître le passé glorieux d’un des pères du « plan de paix de Genève », on apprend, grâce à Patrick Saint-Paul, que Yasser Abed Rabo, co-signataire avec l’ancien ministre israélien Yossi Beilin, avait été le chef politique d’al-Atabeh, qui d’ailleurs - la grande âme - « soutient lui aussi la paix, mais depuis sa prison d’Ashkelon ».

Il nous faut venir maintenant à la pratique des guillemets, qui permet au journaliste de faire dire n’importe quoi à n’importe qui.

C’est tout d’abord la mère de ce terroriste qui dénonce, sans répit « l’injustice » et « l’acharnement » contre son fils. « Quel que soit son crime contre les Israéliens » (de fait le singulier n’est certainement pas approprié, eu égard à la lourdeur des condamnations prononcées) « Saïd a payé depuis longtemps », estime t’elle. « A ce stade ce n’est plus de la punition, mais de la vengeance » (formule utilisée d’ailleurs comme intertitre de l’enquête). Sans bien évidemment évoquer le sort des victimes israéliennes et de leurs familles, Patrick Saint-Paul s’attache à faire ressortir que, selon sa mère, « Ils ont tout tué en Saïd ».

C’est ainsi un comble : ce sont les protecteurs des victimes qui deviennent des assassins.

Pensez donc, « Il n’a pas pu se marier, ni avoir d’enfants. Il n’a pu assister à aucun des enterrements de la famille : ni celui de son père, ni celui de ses oncles et tantes ».

De là à accuser Israël de traitements inhumains et dégradants, il n’y a pas loin, comme d’ailleurs nous le relèverons, un peu plus loin dans l’enquête, à propos du sort des prisonniers palestiniens en général.

Mais, pour en revenir à al-Atabeh, selon sa mère, « Pourtant Saïd s’est repenti. Et il a été le premier à soutenir toutes les initiatives de paix ». Si c’est sa mère qui nous le dit, il faut, bien évidemment, la croire, grâce à l’entremise du journaliste français

Passons maintenant à la suite de l’enquête consacrée, d’une manière générale, au sort des prisonniers palestiniens, avec des intertitres, qui éclairent l’optique du reportage (« mauvais traitements », « chiches mesures de clémence »).

Nous n’avons pas la prétention de pouvoir témoigner des conditions de vie dans les prisons israéliennes, mais on ne peut admettre la méthode suivie par Patrick Saint-Paul, qui se contente de reprendre, à son compte, mais entre guillemets, des informations diffusées par « l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem », dont on connaît - mais pas nécessairement les lecteurs du Figaro - le manque d’objectivité.

Donc inutile de nous attarder sur les détails que diffuse le journaliste français, allant jusqu’à dire que « les prisonniers n’ont pas accès aux soins médicaux » (les guillemets sont de nous, même pas de Patrick Saint-Paul).

Mais, pour notre part, nous pensons que le journaliste français s’est surpassé en donnant la parole au « responsable de l’office des prisonniers de Naplouse », Samir Samaro.

Faisant en effet, en quelque sorte coup double (il ne faut jamais oublier que les Israéliens sont des alliés des Américains », Amir Samaro affirme que « la prison d’Abou Ghraïb (la prison irakienne de sinistre mémoire) est un hôtel cinq étoiles, par rapport aux geôles israéliennes et aux humiliations qu’y subissent les prisonniers palestiniens ».

Plus c’est gros et plus Patrick Saint-Paul doit se régaler.....

Mais, il y a mieux - ou plutôt pire -, le « responsable » palestinien allant jusqu’à dire : « je suis contre les visites », car selon lui, « les familles subissent les pires humiliations pour voir leurs proches en prison. Lorsque les enfants traversent cette épreuve, tout ce qui reste en eux, c’est la soif de vengeance. La plupart d’entre eux n’ont plus qu’une obsession : se faire exploser ».

Une fois encore, les autorités israéliennes qui s’efforcent d’éviter la récidive, par des libérations hâtives, comme l’a montré le passé, sont les vrais coupables.

Et imaginons les réactions , si les Israéliens interdisaient systématiquement les visites des familles.

Reconnaissons, toutefois, que le journaliste indique que « jugeant le prix trop élevé et refusant de libérer des prisonniers ayant du sang sur les mains  » Israël a, jusqu’à présent, refusé de faire figurer Saïd al-Atabeh sur la liste des prisonniers qui seraient échangés contre la libération du soldat israélien Gilad Shalit.

Mais rien sur le caractère insolite d’un échange envisagé entre un soldat, capturé par traîtrise, et des assassins (car rappelons que la fin ne justifiant pas les moyens, l’assassinat de civils ne peut valoir à leurs auteurs le statut de combattant).

Et Patrick Saint-Paul ne peut, bien sûr, s’empêcher de se faire l’écho des critiques adressées par les milieux palestiniens à l’offre faite par Ehoud Olmert de libérer 250 prisonniers.

Considérée comme une « humiliation » cette offre « contribue à ternir davantage l’image d’Abbas, jugé incapable, dans la rue palestinienne, de décrocher la moindre concession israélienne, en dépit de ses sacrifices . ».

Quels « sacrifices » et en quoi la libération anticipée de condamnés ne constituerait-elle pas une concession ?

Et bien évidemment, le journaliste français relaie le reproche fait aux Israéliens de ne libérer que des « détenus issus du Fatah, ce qui creuse les divisions entre Palestiniens et accentue l’image du président Abbas, qui est aussi le chef du Fatah ».

Une fois encore, le coupable c’est Israël, qui ne contribue pas, à restaurer l’unité des Palestiniens, qui ne manqueraient pas de lui en être reconnaissants, en reprenant le combat, comme on l’a vu dans le passé, où entre les terroristes du Hamas et ceux du Fatah, il n’y avait pas de différences.



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