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« Je souhaite que cet hommage constitue un rempart contre l’oubli, un signe de gratitude et un exemple pour tous »
Simone Veil - Propos recueillis par Yaël Scemama - Actualité Juive
Article mis en ligne le 14 janvier 2007

La Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah explique les raisons pour lesquelles elle a proposé au Président de la République d’inscrire l’histoire des Justes au Panthéon, une histoire qu’elle désigne comme la « partie lumineuse de l’histoire de la Shoah ».

Actualité juive : Qu’est- ce qui vous a incitée à proposer à Jacques Chirac de rendre hommage aux Justes de France au Panthéon ?

Simone Veil : Il y a un peu plus d’un an, à la fin de l’année 2005, j’ai proposé au Président Jacques Chirac d’inscrire définitivement une page de l’Histoire de France du XXe siècle au Panthéon, ce lieu emblématique qui conserve la trace de ceux qui ont marqué notre histoire, qui méritent notre admiration et notre reconnaissance. Il importait en effet de rappeler l’action de ces nombreux Français, qu’ils aient été ou non reconnus officiellement comme Justes, qui ont désobéi aux lois et au gouvernement de Vichy et auxquels tant de Juifs de France doivent la vie. Je dois dire que le Président a tout de suite accueilli favorablement cette idée qui s’inscrit dans le droit-fil de l’ensemble des actions qu’il a menées depuis 1995 pour la reconnaissance de l’histoire de la Shoah.

A. J. : Pourquoi avez-vous proposé cet hommage aujourd’hui ?

S.V. : L’écriture de l’histoire de France de cette période a connu plusieurs phases, il importait donc pour moi d’être aussi près que possible de la réalité. Or, comme je l’ai toujours pensé, la France n’a été une nation ni de Résistants ni de « collabos » comme le film « Le Chagrin et la Pitié » semblait le laisser accroire et à l’époque, je me suis d’ailleurs opposée à cette version des événements. De plus, le sort des enfants cachés en particulier, depuis plusieurs années déjà, m’apparaît comme particulièrement douloureux. Et s’ils ont survécu sans jamais toutefois faire le deuil de leurs parents déportés, c’est parce qu’ils ont trouvé en France des hommes et des femmes qui leur sont venus en aide. Le moment était donc venu de rappeler, notamment aux jeunes générations, l’action de tous les Français qui ont eu un comportement exemplaire face aux persécutions dont les Juifs ont été l’objet.

A. J. : Cet hommage est-il destiné aux seuls Justes ?

S. V. : Il est destiné aux Justes reconnus par Yad Vashem mais pas seulement car le nombre de Français qui ont secouru les Juifs est bien supérieur à 2.740. Je vous rappelle aussi que la France est avec le Danemark, le pays où il y a proportionnellement le plus de Justes, et que les trois quarts des Juifs ont échappé à la déportation. Je tiens aussi à souligner que les Justes n’ont jamais attendu de récompense et que, souvent, ces sauveteurs sont même réfractaires à l’idée de se voir décerner ce titre, à la demande des personnes qu’ils ont sauvées.

A. J. : Imaginiez-vous que cette reconnaissance prendrait la forme d’un hommage solennel de la Nation ?

S. V. : En proposant de faire entrer cette histoire dans ce lieu, c’est bien l’importance de ces valeurs humaines de courage et de fraternité que j’espérais voir reconnue. Mais je ne m’attendais pas à trouver chez tous ceux qui ont participé à la préparation de cet événement un tel engagement, une telle adhésion et j’en ai été très émue. Face à ces pages terribles de l’histoire de l’Europe et de l’histoire de la France du XXe siècle, je souhaite que l’hommage ainsi rendu puisse constituer un rempart contre l’oubli, un signe de gratitude et un exemple pour tous.

A. J. : De quelle manière cet hommage s’inscrit-il dans le cadre du travail de mémoire réalisé par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ?

S. V. : La Fondation, grâce à la restitution des fonds dont les Juifs de France avaient été spoliés et à travers les projets qu’elle soutient en France et à l’étranger, contribue à approfondir et transmettre l’histoire de la Shoah, à aider les survivants à surmonter les traumatismes du passé et à adoucir leur vieillesse, à lutter contre l’antisémitisme et la xénophobie, à préserver aussi la culture juive et à s’en enrichir, enfin, à promouvoir un dialogue fécond entre les histoires respectives des Français afin de mieux nous comprendre et de tisser ensemble l’Histoire de France. C’est d’ailleurs à ce titre qu’un très grand nombre de projets émanant notamment des institutions juives, mais pas seulement, sont aujourd’hui soutenus par la Fondation. Mais notre exigence en matière d’histoire implique que nous fassions connaître tous les pans de cette histoire, de la plus sombre à la plus lumineuse. Et l’histoire des Justes est précisément cette partie lumineuse de l’histoire de la Shoah. Par cette proposition, nous avons donc répondu à un double impératif : rappeler le Mal absolu que fut la Shoah mais dire aussi qu’il y eut des hommes et des femmes qui refusèrent de se plier à la loi officielle de la haine pour n’obéir qu’à celle de leur conscience. Comme Zola, Schoelcher, Jaurès, Jean Moulin, Cassin, Malraux, ces grandes figures du Panthéon, les Justes incarnent la grandeur de la France.

A. J. : Comment pensez-vous que cet hommage sera compris ?

S. V. : J’espère que les Français d’aujourd’hui mais aussi de demain - car cette inscription et les explications historiques sur la Shoah qui l’accompagnent ont vocation à demeurer éternellement dans ce lieu - apprendront d’abord et surtout l’histoire, qu’ils seront ainsi vigilants devant les apôtres du négationnisme, de l’antisémitisme et du racisme. Dans le contexte contemporain, il m’a semblé important, tout en veillant à rester lucide en matière de lutte contre les actes et les propos antisémites, de rappeler qu’une majorité de Français n’ont pas collaboré avec l’occupant nazi et ses séides et que les trois-quarts des Juifs de France ont pu ainsi être sauvés. Ce sont les principes et la conduite exemplaire de ceux dont on ne connaîtra jamais tous les noms ni tous les visages qui seront désormais gravés dans la mémoire collective nationale et avec eux, la liberté d’avoir fait le choix de dire non à l’antisémitisme et au racisme.



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