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Proche-orient - La guerre des frères ennemis

Michel Gurfinkiel - Valeurs Actuelles

vendredi 28 juillet 2006
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Une partie du monde musulman se réjouit tout bas des opérations israéliennes contre le Hezbollah. Un reflet des tensions profondes qui dressent les sunnites contre les chiites de Bagdad à Beyrouth.

Cette guerre menée par Israël révèle un phénomène nouveau et intéressant : pour la première fois depuis 1948, la plupart des pays arabes ont pris parti pour l’État hébreu ou, du moins, contre ses principaux adversaires, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais. Le 18 juillet, le président égyptien Hosni Moubarak déclare dans une interview au quotidien Al-Watan al-Yom : « Personne ne met en cause le droit du peuple à résister aux puissances occupantes, mais il faut tenir compte au préalable des gains et des pertes ? Les combattants des organisations de résistance palestinienne et libanaise n’ont obtenu que des gains limités, et c’est le peuple qui paie le prix ? En attisant les tensions, elles ont ignoré le but fondamental des Palestiniens, qui est la mise en place d’un État indépendant. »

Même analyse de la part du roi Abdallah II de Jordanie, qui rencontrait Moubarak la semaine dernière : « De l’aventurisme. » Saad al-Hariri, fils du premier ministre libanais assassiné Rafic Hariri et chef de la coalition antisyrienne à Beyrouth, confirme, dans une interview au journal saoudien Okaz : « Des aventuriers nous ont plongés dans une situation inextricable. »

Le prince Saudi al-Fayçal, ministre saoudien des Affaires étrangères, va plus loin encore : « Le gouvernement libanais doit exercer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire », déclare-t-il le 18 juillet dans une conférence de presse. Ce qui implique l’élimination d’un Hezbollah plus puissant, en termes militaires, que l’armée nationale libanaise : une tâche qu’Israël seul peut mener à bien. Le prince souligne : les opérations israéliennes actuelles ont été provoquées « par certains éléments au Liban et par ceux qui sont derrière eux ». Une allusion à la Syrie et au Liban.

Derrière ces prises de position, il y a avant toute chose un choix stratégique. L’Égypte, la Jordanie, les Libanais non-chiites et l’Arabie saoudite misent sur la paix et le développe-ment économique. Le Hamas, le Hezbollah, la Syrie et l’Iran misent sur la confrontation avec l’Occident et un nouveau cycle révolutionnaire au Proche-Orient.

Mais il y a aussi des tensions plus profondes. Religieuses et communautaires. Les conserva-teurs arabes sont pour la plupart sunnites, avec l’appoint des communautés chrétiennes résiduelles et de sectes marginales, comme les ibadites d’Oman, qui se rattachent au kharéjisme.

Les révolutionnaires sont pour la plupart chiites ou proches du chiisme. En Iran, en Irak, au Liban du Sud, il s’agit de chiites duodécimains, qui croient au retour du douzième imam issu de la famille d’Ali : le messie de l’islam. En Syrie, la communauté alaouite qui contrôle le pays depuis le décès d’Hafez el-Assad appartient à un courant dissident du chiisme. Mais elle s’est alliée aux duodécimains pour des raisons tactiques.

Le cas du Hamas palestinien est plus complexe : c’est une organisation sunnite, rattachée aux Frères musulmans. Mais elle est alliée, là encore pour des raisons tactiques, au Hezbollah, à la Syrie et à l’Iran. C’est à Damas que s’est réfugié Khaled al-Meshal, le chef de la tendance « dure » du Hamas, considéré comme l’inspirateur des tirs de roquettes Kassam contre Israël et de l’enlèvement du caporal israélien Guilad Shalit. C’est de Syrie et d’Iran que les Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du Hamas, ont reçu leurs matériels les plus perfectionnés.

Pendant la majeure partie de l’histoire musulmane, le sunnisme et le chiisme se sont livré une lutte à mort : chaque parti considérait l’autre comme renégat ou païen, ce qui lui ôtait le bénéfice des règles coraniques de la guerre. Les vaincus ˆ y compris les non-combattants, les femmes ou les enfants ˆ étaient massacrés ou vendus en esclavage. Leurs lieux de culte étaient abattus, leurs tombes profanées. Le sunnisme ayant prévalu dans la plus grande partie du monde musulman à partir du XIVe siècle, de nombreux chiites en ont été réduits, pour survivre, à pratiquer la fameuse taqiya ou « dissimulation » (feindre un ralliement au sunnisme). Au Liban du Sud, jusqu’au début du XXe siècle, ce comportement pouvait aller jusqu’à une prétendue appartenance au christianisme : les chrétiens et les juifs étant considérés comme des « croyants », donc pourvus de certains droits.

Un combat contre les « croisés » et les « sionistes ».

La révolution islamique iranienne de 1979 a été avant tout une révolution chiite. Si elle s’est attaquée en priorité aux « Satans » américain, britannique et israélien, elle n’a pas négligé pour autant l’adversaire sunnite : de la tentative de « coup d’État religieux » à la Grande Mosquée de La Mecque, en novembre 1979, dont l’objet était le renversement de la monarchie saoudienne[*], à la guerre contre l’Irak de Saddam Hussein (1980-1988), alors contrôlé par les sunnites, en passant par la mise en place d’un mouvement politique et militaire chiite au Liban ˆ connu d’abord sous le nom de Amal ˆ, le Hezbollah.

En Iran même, les sunnites (15 à 20 % de la population) ont perdu l’égalité civile et religieuse dont ils bénéficiaient sous le chah : ils n’ont droit ni à des mosquées séparées, ni à des écoles religieuses, ni même à la reconnaissance de leurs rites matrimoniaux.
Des sunnites mariés selon la loi sunnite sont considérés dans la République islamique d’Iran comme des « fornicateurs », crime entraînant des peines de flagellation, parfois la mort. Enfin, l’idée que le chiisme a droit à sa propre bombe atomique joue un rôle non négligeable dans l’effort nucléaire actuel : surtout depuis l’acquisition par le Pakistan, en 1998, d’une « bombe sunnite ».

Par réaction, les intégristes sunnites ont eu tendance, depuis vingt-sept ans, à rétablir des mesures extrêmes contre les chiites : massacres et exactions en Afghanistan sous les talibans, discriminations et pogroms à répétition au Pakistan.

Sans aller jusque-là, l’Arabie saoudite et certains pays du Golfe surveillent de très près leurs propres minorités chiites. La province saoudienne du Hassa, où sont concentrés presque tous les champs de pétrole du royaume, serait chiite à 60 %. À Bahrein, l’émir et la classe dirigeante sont sunnites, mais la population est chiite à 80 %. Pour l’instant, elle n’a pas bougé.

Les chiites, à Bagdad, ont pris le pouvoir.

Le rapport des forces entre sunnites et chiites s’est modifié en faveur des seconds en 2003, avec la chute de Saddam Hussein en avril 2003 : du jour au lendemain, les chiites irakiens ˆ 60 % de la population ˆ ont pris le contrôle de la moitié du pays et acquis une position dominante au Parlement, au gouvernement et dans les structures de sécurité du nouveau régime. Une situation que les sunnites irakiens, hier maîtres du pays, ne peuvent accepter et qui préoccupe les autres sunnites, du Caire à Islamabad.

L’élimination du Hezbollah constitue au contraire un coup d’arrêt. Même si c’est à Israël qu’on la doit. Une seule exception dans cette unanimité : Al-Qaïda. L’organisation d’Oussama ben Laden estime que le meilleur moyen de combattre le chiisme est d’aller plus loin encore que lui dans le combat contre les « croisés » (l’Occident chrétien) et les « sionistes » (Israël)[[*] - NDCID - c’est le même raisonnement qui est à la source de l’effort de financement de mosquées wahabites partout dans le monde par l’Arabie Saoudite depuis 1980]. Elle n’a cessé de le répéter dans ses différents communiqués de victoire. La surenchère sanglante s’observe en Irak où les attentats font une centaine de morts par semaine.


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