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Toujours le même parallélisme : deux poids, deux mesures
David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 28 juin 2006

Une dépêche de l’AFP du 27 juin 2006 - reprise par Proche-Orient.infos - nous apprend que le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, s’adressant aux participants d’un forum économique arabo-américain à Houston, a accusé les Etats-Unis de « faire deux poids deux mesures au Moyen-Orient en dénonçant le programme nucléaire iranien tout en acceptant la possession par Israël d’armes nucléaires ».

Pour cet ancien chef de la diplomatie égyptienne, « l’Iran avait parfaitement le droit de s’engager dans des programmes nucléaires pacifiques, selon les termes du traité de non-prolifération nucléaire » (TNP).

Or, ce droit n’a jamais été contesté.

Ce qui pose problème c’est le non-respect par l’Iran de ses engagements au regard dudit traité TNP, conclu en 1968 et qui lie, actuellement, 190 Etats.

Car, si ce traité n’interdit nullement les recherches nucléaires en vue d’une utilisation à des fins pacifiques de cette source d’énergie il n’en est pas de même pour des fins militaires.

Or, comme nous l’avions déjà signalé (v. ici même le 28 avril dernier), à partir d’un certain degré de recherche, notamment à partir d’une production conséquente d’uranium enrichi, il est possible de fabriquer l’arme atomique, ce qu’interdit, précisément le traité TNP, du moins aux Etats qui n’étaient pas encore dotés de l’armée nucléaire, à la date de sa conclusion.

Autrement dit, le traité TNP reconnaît un avantage aux membres du « club atomique », constitué par les Etats-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni et la Chine.

Israël, comme le Pakistan, d’ailleurs, ont jusqu’à présent refusé, en toute légalité, à se voir liés par le traité TNP.

La Cour internationale de justice, consultée sur ce point par l’Assemblée générale des Nations Unies, a, en 1996, reconnu qu’en l’état actuel du droit international, elle ne pouvait conclure de façon définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une situation extrême de légitime défense, dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause.

Comme nous l’avons également indiqué, précédemment (v. ici même le 7 juillet 2004), Israël est libre - au regard du droit international - de se doter ou non de l’arme nucléaire, dans le cadre d’une « politique de dissuasion », évoquée par la CIJ, et à propos de laquelle les juges de La Haye ont expressément refusé de se prononcer.`

En tout état de cause, qu’Israël possède ou non, d’ores et déjà, l’arme atomique, aucun gouvernement israélien - ni même à notre connaissance aucun homme politique israélien - n’a jamais évoqué l’éventualité d’utiliser une telle arme à titre préventif.

L’Iran n’est absolument pas dans la même situation.

Car la Communauté internationale s’inquiète depuis quelques années des constatations faites par l’Agence internationale de l’énergie atomique (A.E.A.), chargée de veiller au respect du traité TNP.

Il existe, en effet, des soupçons sérieux sur la poursuite des recherches nucléaires iraniennes, qui pourraient servir à des fins militaires, le pays pouvant être doté de l’arme nucléaire d’ici 4 à 10 ans.

Depuis plusieurs mois, les pourparlers diplomatiques vont bon train, le Conseil de sécurité de l’ONU reste saisi de l’affaire de même que l’A.I.E.A.

Début juin, les 5 membres permanents du Conseil de sécurité, qui se trouvent constituer le club atomique, et l’Allemagne ont fait des propositions à l’Iran, censées l’inciter à suspendre son programme d’enrichissement d’uranium et qui vont au delà de ce qui lui avait été proposé précédemment.

Ces propositions reconnaissent le droit de l’Iran de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques en accord avec le traité TNP. l’Iran pourrait être - à terme - autorisé à enrichir l’uranium à condition que la confiance ait été rétablie et que le système de contrôle international soit plus efficace qu’il ne l’est actuellement, excluant un détournement à des fins militaires.

Les propositions des Six sont très détaillées, concernant la coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire civile : construction de réacteurs à eau légère via des projets internationaux conjoints, participation à un centre d’enrichissement de l’uranium en Russie.

De plus l’Iran bénéficierait des avantages d’une coopération économique très poussée : intégration dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), modernisation des infrastructures, voire levée possible des restrictions à l’exportation des Etats-Unis, dans certains domaines de pointe, autrement dit levée éventuelle des sanctions américaines frappant l’Iran depuis les années 1980 et la crise des otages américains.

Alors qu’une réponse était attendue pour le 29 juin, le président iranien faisait savoir, il y a quelques jours, que l’Iran ferait connaître sa réponse à l’ensemble de mesures d’incitation des grandes puissances d’ici le 22 août.

« Nous allons passer en revue les propositions, et, si Dieu le veut, d’ici la fin de Mordad (mois du calendrier perse), nous ferons connaître notre avis »,

En attendant, périodiquement, Ahmadinejad réitère ses diatribes contre l’Etat d’Israël.

D’où l’initiative prise, récemment, par une équipe de juristes israéliens de haut niveau, qui ont envisagé de demander la traduction du président iranien devant la Cour pénale internationale (et non devant la Cour internationale de justice comme l’indiquait, à tort, des journaux israéliens, car seuls les Etats - et encore, sous certaines conditions - peuvent être attraits devant celle-ci).

Ahmadinejad relèverait, selon ces juristes, de la Cour pénale internationale (CPI), qui siège, également, à La Haye, dans la mesure où ses diatribes constitueraient une incitation au génocide.

Malheureusement, il n’est pas sûr je ne suis pas sûr que l’argumentation développée puisse convaincre le procureur de la CPI d’ouvrir une enquête, démarche préalable à l’engagement de poursuites.

En effet, il y a lieu d’écarter du débat toute référence avec la situation au Darfour, à propos de laquelle une procédure est, effectivement, en cours à la CPI, car ainsi que nous l’avons signalé (v. ici même 3 mai 2006), à l’heure actuelle, l’incrimination de crime de génocide n’a pas été retenue, une enquête ayant conclu à la commission de crimes contre l’humanité.

D’autre part, et surtout, tout en considérant que les déclarations - indépendamment de ses vues négationnistes - du président Ahmadinejad sont scandaleuses et devraient être sanctionnées, on peut s’interroger sur la possibilité de qualifier d’incitation au crime de génocide les appels du président iranien à l’ « éradication » de l’Etat d’Israël.

Les adversaires de la thèse défendue par les juristes israéliens pourraient soutenir que la disparition de l« ’Etat » d’Israël n’implique pas, pour autant, le meurtre de ses habitants et que, par conséquent, il n’y a pas incitation à la destruction d’un « groupe national » (au sens où l’entend la convention de 1948 sur la prévention et la répression du génocide).

Il ne s’agirait - si nous osons dire, car nous sommes révolté par cette idée - que de supprimer une entité juridique - l’Etat étant une « nation juridiquement organisée » - mais sans incidence sur l’existence de la population, qui pourrait trouver place dans une autre construction juridique.

Ce raisonnement froidement juridique peut paraître choquant, mais il faut savoir qu’il y a lieu de distinguer « sentiments » et « raisonnement juridique ».



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