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Israël-Palestine : la clarification
Luc Rosenzweig
Article mis en ligne le 1er février 2006

En dépit des apparences, et de la tonalité alarmiste de la plupart des commentaires s’inquiétant de la victoire du Hamas lors des élections palestiniennes du 26 janvier, le résultat de ce scrutin clarifie, donc stabilise l’interminable conflit israélo-palestinien.

Il met fin au paradigme d’Oslo, fondé sur le postulat de la reconnaissance mutuelle de la légitimité de l’un et l’autre peuple à occuper une partie du territoire entre la Méditerrannée et le Jourdain, et de la primauté d’une négociation sous supervision internationale pour parvenir à un réglement final du conflit.

La mise en oeuvre de ces principes a provoqué le résultat que l’on connaît : en dix ans, le nombre de victimes civiles, palestiniennes et israéliennes, du conflit a été notablement supérieur à celui enregistré durant la période s’étendant de la guerre de 1967 à la signature des accords par Itzhak Rabin et Yasser Arafat. Sans entrer dans les querelles relatives aux responsabilités de ce fiasco, constatons simplement que ces accords contrevenaient à ce qui, selon Talleyrand, constitue l’essence d’un bon traité : harmoniser non seulement les pensées, mais également les arrière-pensées.

D’un côté comme de l’autre, les arrière-pensées, ancrées dans l’opinion publique comme dans le for intérieur des plus cyniques des dirigeants, motivaient des actions allant dans une direction inverse à celle fixée par le processus d’Oslo : la persistance de l’objectif du « Grand Israël » dans une forte minorité de l’opinion israélienne et le rejet viscéral de l’existence d’un Etat juif en Palestine par la quasi-totalité de la rue palestinienne et arabe ne pouvaient être négligés par les dirigeants de ces peuples, quel que soit le discours qu’ils étaient contraints de tenir pour satisfaire la communauté internationale.

L’un des grands mérites d’Ariel Sharon est d’avoir, lors d’un affrontement direct avec ceux-là mêmes qu’il avait encouragés à s’implanter sur les terres de Gaza et de Cisjordanie, mis un terme définitif au rêve du Grand Israël, renvoyant ses partisans trente ans en arrière, au statut d’une minorité politique sans influence sur les grandes orientations de l’Etat. Si, comme tout le laisse supposer, le prochain gouvernement israélien s’appuie sur une coalition du nouveau parti Kadima avec les travaillistes, le « Moyen Israël », séparé hermétiquement du « Hamastan » de Cisjordanie et de Gaza, sera l’objectif à atteindre. Le défi du prochain Premier ministre sera de faire admettre à la communauté internationale qu’il est impossible, étant donné le radicalisme des gens d’en face, de poursuivre le processus de paix instauré par la « feuille de route ». En conséquence, la communauté internationale sera invitée à valider les gestes unilatéraux qu’Israël serait amené à faire pour assurer sa sécurité et garantir sa prospérité : achever la construction d’une barrière de sécurité englobant les grands blocs d’implantations au-delà de la ligne verte et à Jérusalem, et se retirer de la plus grande partie des territoires occupés. Il appartiendra alors à cette même communauté internationale de s’occuper de la situation dans les territoires palestiniens après le désengagement des implantations isolées et le départ de Tsahal.

Ce serait faire injure aux électeurs palestiniens de ne voir dans leur approbation massive des listes du Hamas qu’une réaction de rejet d’un Fatah incompétent et corrompu. Les fondements de l’attitude du Hamas vis-à-vis du projet sioniste sont connus de tous en Palestine, et répondent au sentiment profond d’une opinion palestinienne et arabe viscéralement hostile à l’existence d’Israël. Les discours du souverain saoudien, les communiqués de la Ligue arabe, toutes les proclamations de dirigeants du monde arabo-musulman prônant une normalisation avec l’Etat juif à certaines conditions ne recueillent aucun écho dans la « rue arabe », qui, à l’inverse, applaudit aux imprécations antijuives du président iranien.

Contrairement à un Ariel Sharon dont le lien à la religion juive était plus sentimental et utilitaire que dogmatique, le Hamas sera dans l’incapacité d’effectuer une révolution idéologique en raison de son approche littéraliste de l’islam. Ce qui ne l’empêchera pas, bien sûr, d’effectuer des replis tactiques, de proclamer des trêves plus ou moins longues en fonction des rapports de force sur le terrain. Il n’est pas impossible qu’il fasse, en anglais, quelques concessions de pure forme vite rectifiées par le durcissement de son discours à l’usage de la rue arabe.

Le Hamas, comme le Hezbollah libanais, se placent dans une temporalité « longue » au regard des visions occidentales de gestion des conflits. Ces mouvements sont persuadés que la persistance de leur lutte et des dommages qu’ils peuvent causer à l’ennemi finira à la longue par démoraliser une société hédoniste comme la société israélienne. Leur objectif n’est donc pas de construire, pour leurs ouailles, un monde meilleur, mais de détruire une entité diabolique, dont la force militaire recouvre une supposée faiblesse morale. Au regard de l’éternité, qu’importe que cela prenne le temps de vie de plusieurs générations ?

Ariel Sharon, à la veille de son accident cérébral, avait pris conscience que la force ne pouvait pas tout résoudre. Bon connaisseur de l’âme de son peuple, il s’inquiétait, en privé, du peu d’attachement à la terre que montrait cette nouvelle génération d’Israéliens qui se sent plus membre du « village global » que gardien de la « terre retrouvée » de Theodor Herzl. La clarification qui vient d’intervenir à un quart d’heure de Tel-Aviv est aussi un défi lancé à tous les Israéliens : que faire face au refus ontologique de l’Autre ?.



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