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Premières primaires chaotiques au sein du Fatah
Par Sami El Soudi © Metula News Agency
Article mis en ligne le 19 novembre 2005

Abbas n’est que le chef symbolique d’une entité gouvernementale n’exerçant aucun contrôle sur les régions qu’il gère

Comment appeler cela ? Effervescence ? Gabegie ? Elections primaires ?

 

Pour la première fois dans l’histoire du mouvement palestinien, les leaders de l’Autorité ont décidé d’organiser une consultation primaire à l’intérieur de l’OLP en vue de choisir les candidats du parti pour les élections générales prévues cet hiver. Le processus d’enregistrement des candidats bat son plein. Il est accompagné de centaines d’irrégularités, au point d’avoir déjà perdu toute espèce de représentativité sérieuse des vœux des électeurs. J’écris bien que ce processus a perdu sa représentativité mais cela ne signifie pas qu’il a du même coup perdu son incidence sur notre avenir ; méfions nous des amalgames hâtifs, car c’est effectivement ce processus brinquebalant qui établira la composition du mouvement majoritaire dans l’Autorité et qui influencera sa conduite politique !

 

Ceux qui ne s’y trompent pas, en tous cas, ce sont les candidats. Attirés par les tentations de la députation, ses effets économiques pour l’intérêt des élus et ses conséquences en matière d’acquisition d’influence politique, ils s’inscrivent par milliers sur les listes qui seront soumises au suffrage des membres du Fatah. Et c’est là que le bât blesse : ils ne se contentent pas de se proposer au vote, ils enrôlent simultanément dans les rangs du parti tous leurs proches, toutes leurs connaissances, et jusqu’à tous ceux qui seraient hypothétiquement susceptibles de placer leur nom dans l’urne.

 

Le phénomène a pris des proportions délirantes, au point que le Fatah compte déjà un million de membres, soit un peu moins d’un Palestinien sur trois. Et les inscriptions ne sont pas terminées !

 

Du seul fait de laisser traîner mes oreilles à proximité des bureaux d’enregistrement, j’ai été sollicité pas moins de vingt-huit fois en l’espace d’une seule matinée. On m’a tout promis, sans même savoir qui j’étais, d’un poste au sein de l’exécutif jusqu’à faire de moi un homme riche. On m’a parlé de tout, sauf de ce qui aurait pu réellement m’intéresser, à savoir comment ramener l’ordre dans nos territoires, comment exclure les terroristes armés de notre société et comment négocier avec Israël la création de notre Etat. C’est la foire d’empoigne, pour la plus grande déception du président Abbas, qui voulait que ces primaires servent de vitrine sur le monde à notre "démocratie naissante".

 

Je veux, pour comble de ce que je décris, que deux journalistes israéliens qui se trouvaient dans les parages ont également été sollicités, sous mes yeux, et à plusieurs reprises, de s’inscrire dans les rangs de l’OLP. C’est tragicomique mais la Palestine n’avait guère besoin de cet acte de vaudeville pour être tragicomique… Le fonctionnaire responsable du bureau auquel je contais la péripétie des reporters israéliens sur le ton de l’ironie m’a répondu avec gravité, que "dans la faoda (le chaos) régnante, il ne doutait pas un instant que si les confrères de l’Etat hébreu avaient tenté le coup, ils seraient désormais inscrits comme membres-électeurs du Fatah. Vous imaginez aisément combien notre mouvement compte maintenant de membres affiliés au Hamas et au Djihad islamique" a ajouté, résigné, le militant du parti de notre président, "surtout qu’eux sont disciplinés et qu’ils ne manquent jamais une occasion d’augmenter leur influence ; d’autant plus si c’est nous qui leur tendons la perche", a conclu le pauvre homme.

 

Parlant du Hamas, justement, l’un de ses plus hauts dirigeants, hébergé à Damas, Khaled Mashal, a lancé ce matin une accusation cinglante contre le gouvernement de notre Autonomie. Mashal a ainsi affirmé que l’AP collaborait avec les Israéliens dans les opérations qu’ils mènent dans le but d’appréhender les chefs de l’organisation islamiste radicale et terroriste. Mashal précise que le but commun d’Abbas et de Sharon consiste à affaiblir le Hamas à l’orée des élections générales. Moi je dis que cette hypothèse tient l’eau pour une fois, ce, notamment, parce que les deux chefs de gouvernements ont dû se résigner à autoriser l’organisation islamiste armée à participer à ces élections ; sinon, on n’aurait pas pu parler de consultation démocratique. Le Département d’Etat U.S a même obtenu de Jérusalem une déclaration par laquelle elle s’est engagée à ne pas entraver les activités du Hamas avant et lors de la consultation populaire.

 

Mahmoud Abbas va peut-être conserver son poste et obtenir la majorité des suffrages cet hiver mais pour ce qui est d’imposer l’autorité de l’Autorité sur les territoires qui lui sont attribués, c’est une toute autre paire de manches ! Abbas n’est que le chef symbolique d’une entité gouvernementale n’exerçant aucun contrôle sur les régions qu’il gère. Et chaque fois qu’il tente d’établir sa prépondérance sur une portion du territoire, cela se termine en catastrophe. Comme cette nuit, lorsque l’AP a envoyé sa police à Naplouse pour s’emparer du contrôle de la ville…

 

Ca se voulait une opération d’envergure qui aurait dû prendre par surprise les factions factieuses de cette cité de Cisjordanie, mais ce sont les policiers qui ont été surpris. Et encore par les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, une organisation théoriquement affiliée au Fatah. Ils ont été reçus par un "feu de tous les diables" m’a raconté au téléphone un capitaine de la police ayant pris part à l’opération. Devant l’impossibilité de remplir leur tâche, les forces de sécurité légales se sont retirées, laissant Naplouse sous le joug des bandes mafieuses. De plus, ces affrontements ont fait deux blessés, dont l’un, aux dernières nouvelles, se trouve dans un état désespéré.

 

Les primaires ne vont pas se tenir simultanément dans toute la Palestine. La première consultation va avoir lieu incessamment dans le bourg de Tubas et dans la ville réputée calme de Jéricho. Aux irrégularités dont j’ai parlé dans cet article, il faut craindre que ne s’en ajoutent d’autres, et même des violences, le jour du scrutin. C’est le risque qu’on encourre lorsque qu’on veut pratiquer un acte démocratique dans une jungle infestée de cannibales. Au temps pour la construction de notre Etat, qui se pastellise un peu plus à l’occasion de chaque mascarade ! Aujourd’hui on nous le donnerait, que nous ne saurions qu’en faire. Et s’il se trouve quelqu’un, quelque part, qui pense pouvoir affirmer que j’oeuvrerais par intérêt ou que l’établissement d’un tel Etat n’est pas la chose que je souhaite le plus au monde, s’il n’a pas le courage de venir ici observer par lui-même ce que je décris, qu’il commence par écrire hi-han sur trois pages. Quand les bourricots sauront écrire, bien entendu…    

 



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