Abbas n’est que le chef symbolique d’une entité gouvernementale n’exerçant aucun contrôle sur les régions qu’il gère
Pour la première fois dans lhistoire du mouvement palestinien, les leaders de lAutorité ont décidé dorganiser une consultation primaire à lintérieur de lOLP en vue de choisir les candidats du parti pour les élections générales prévues cet hiver. Le processus denregistrement des candidats bat son plein. Il est accompagné de centaines dirrégularités, au point davoir déjà perdu toute espèce de représentativité sérieuse des vux des électeurs. Jécris bien que ce processus a perdu sa représentativité mais cela ne signifie pas quil a du même coup perdu son incidence sur notre avenir ; méfions nous des amalgames hâtifs, car cest effectivement ce processus brinquebalant qui établira la composition du mouvement majoritaire dans lAutorité et qui influencera sa conduite politique !
Ceux qui ne sy trompent pas, en tous cas, ce sont les candidats. Attirés par les tentations de la députation, ses effets économiques pour lintérêt des élus et ses conséquences en matière dacquisition dinfluence politique, ils sinscrivent par milliers sur les listes qui seront soumises au suffrage des membres du Fatah. Et cest là que le bât blesse : ils ne se contentent pas de se proposer au vote, ils enrôlent simultanément dans les rangs du parti tous leurs proches, toutes leurs connaissances, et jusquà tous ceux qui seraient hypothétiquement susceptibles de placer leur nom dans lurne.
Le phénomène a pris des proportions délirantes, au point que le Fatah compte déjà un million de membres, soit un peu moins dun Palestinien sur trois. Et les inscriptions ne sont pas terminées !
Du seul fait de laisser traîner mes oreilles à proximité des bureaux denregistrement, jai été sollicité pas moins de vingt-huit fois en lespace dune seule matinée. On ma tout promis, sans même savoir qui jétais, dun poste au sein de lexécutif jusquà faire de moi un homme riche. On ma parlé de tout, sauf de ce qui aurait pu réellement mintéresser, à savoir comment ramener lordre dans nos territoires, comment exclure les terroristes armés de notre société et comment négocier avec Israël la création de notre Etat. Cest la foire dempoigne, pour la plus grande déception du président Abbas, qui voulait que ces primaires servent de vitrine sur le monde à notre "démocratie naissante".
Je veux, pour comble de ce que je décris, que deux journalistes israéliens qui se trouvaient dans les parages ont également été sollicités, sous mes yeux, et à plusieurs reprises, de sinscrire dans les rangs de lOLP. Cest tragicomique mais la Palestine navait guère besoin de cet acte de vaudeville pour être tragicomique Le fonctionnaire responsable du bureau auquel je contais la péripétie des reporters israéliens sur le ton de lironie ma répondu avec gravité, que "dans la faoda (le chaos) régnante, il ne doutait pas un instant que si les confrères de lEtat hébreu avaient tenté le coup, ils seraient désormais inscrits comme membres-électeurs du Fatah. Vous imaginez aisément combien notre mouvement compte maintenant de membres affiliés au Hamas et au Djihad islamique" a ajouté, résigné, le militant du parti de notre président, "surtout queux sont disciplinés et quils ne manquent jamais une occasion daugmenter leur influence ; dautant plus si cest nous qui leur tendons la perche", a conclu le pauvre homme.
Parlant du Hamas, justement, lun de ses plus hauts dirigeants, hébergé à Damas, Khaled Mashal, a lancé ce matin une accusation cinglante contre le gouvernement de notre Autonomie. Mashal a ainsi affirmé que lAP collaborait avec les Israéliens dans les opérations quils mènent dans le but dappréhender les chefs de lorganisation islamiste radicale et terroriste. Mashal précise que le but commun dAbbas et de Sharon consiste à affaiblir le Hamas à lorée des élections générales. Moi je dis que cette hypothèse tient leau pour une fois, ce, notamment, parce que les deux chefs de gouvernements ont dû se résigner à autoriser lorganisation islamiste armée à participer à ces élections ; sinon, on naurait pas pu parler de consultation démocratique. Le Département dEtat U.S a même obtenu de Jérusalem une déclaration par laquelle elle sest engagée à ne pas entraver les activités du Hamas avant et lors de la consultation populaire.
Mahmoud Abbas va peut-être conserver son poste et obtenir la majorité des suffrages cet hiver mais pour ce qui est dimposer lautorité de lAutorité sur les territoires qui lui sont attribués, cest une toute autre paire de manches ! Abbas nest que le chef symbolique dune entité gouvernementale nexerçant aucun contrôle sur les régions quil gère. Et chaque fois quil tente détablir sa prépondérance sur une portion du territoire, cela se termine en catastrophe. Comme cette nuit, lorsque lAP a envoyé sa police à Naplouse pour semparer du contrôle de la ville
Ca se voulait une opération denvergure qui aurait dû prendre par surprise les factions factieuses de cette cité de Cisjordanie, mais ce sont les policiers qui ont été surpris. Et encore par les Brigades des Martyrs dAl-Aqsa, une organisation théoriquement affiliée au Fatah. Ils ont été reçus par un "feu de tous les diables" ma raconté au téléphone un capitaine de la police ayant pris part à lopération. Devant limpossibilité de remplir leur tâche, les forces de sécurité légales se sont retirées, laissant Naplouse sous le joug des bandes mafieuses. De plus, ces affrontements ont fait deux blessés, dont lun, aux dernières nouvelles, se trouve dans un état désespéré.
Les primaires ne vont pas se tenir simultanément dans toute la Palestine. La première consultation va avoir lieu incessamment dans le bourg de Tubas et dans la ville réputée calme de Jéricho. Aux irrégularités dont jai parlé dans cet article, il faut craindre que ne sen ajoutent dautres, et même des violences, le jour du scrutin. Cest le risque quon encourre lorsque quon veut pratiquer un acte démocratique dans une jungle infestée de cannibales. Au temps pour la construction de notre Etat, qui se pastellise un peu plus à loccasion de chaque mascarade ! Aujourdhui on nous le donnerait, que nous ne saurions quen faire. Et sil se trouve quelquun, quelque part, qui pense pouvoir affirmer que joeuvrerais par intérêt ou que létablissement dun tel Etat nest pas la chose que je souhaite le plus au monde, sil na pas le courage de venir ici observer par lui-même ce que je décris, quil commence par écrire hi-han sur trois pages. Quand les bourricots sauront écrire, bien entendu