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Par Stéphane Juffa © Metula News Agency
dimanche 6 novembre 2005
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Plus que quelques pierres...
Ne soyons pas dupes, les media français, sonnant à nouveau à lunisson, tentent grossièrement de charger Sarkozy sur ce dossier ô combien préoccupant. On retrouve ici, de lHuma à France 2, le même parti pris, unanimiste autant que ridicule, qui prévaut dans le traitement aveugle de la Controverse de Nétzarim, lanti-américanisme primaire et la distorsion systématique du récit des épisodes de lIntifada.
Que le Washington Post constate que "La violence est contagieuse dans des communautés d'immigrants (...) où le taux de chômage est au moins le double de la moyenne nationale", quy peut donc Sarko ? En quoi est-il responsable de lincurie irresponsable des dirigeants français à légard de leur minorité musulmane qui dure depuis plus de quarante ans ?
Mais cette instrumentalisation des fautes imaginaires du ministre de lIntérieur aux fins de servir les intérêts électoralistes de la Maison-Chirac, se fait sur un problème beaucoup trop grave pour ce genre de distraction politicienne. Il y a plus bien plus pressant que lincendie qui menace le système chiraquien, il y a la banlieue qui se consume de vraies flammes, les zones de non droit qui sétendent, les armes à feu qui sortent des commodes pour servir contre les gendarmes et les pompiers. Et ces derniers jours, en plus dune occasion, les forces de lordre ont été contraintes par leurs adversaires à évacuer des régions disputées et à en laisser le contrôle aux bandes démeutiers.
Le plus inquiétant pour la France, cest que personne ne peut dire si on assiste à une flambée de violence isolée ou sil sagit des premiers symptômes de lIntifada des banlieues quon redoute depuis longtemps.
De plus, cette éruption prend lestablishment tricolore par surprise, au moment politique où le régime a commencé sa chute et où, à force de compromissions répétées, de corruption institutionnalisée et de mise en scène médiatique de linformation, on sent bien que le pays France est au plus mal.
Alors, à lObs, en plus de participer au lynchage organisé de Sarkozy dans une interview sordide et totalement hors de propos dun directeur de recherche sur la communication au CNRS [lire], on choisit de montrer les photos et les vidéos presque sans texte daccompagnement [voir]. Les photos de quoi ? de qui ? Des "violences urbaines", lâche-t-on avec infiniment de pudeur et de prudence.
Cest que les media français ont repris pour parler de ces évènements les directives conçues par Marius Schattner et lAFP pour relater lIntifada palestinienne. Les similitudes sont édifiantes, à commencer par le fait que les mêmes termes et les mêmes règles de reportage gouvernent tous les media, quils soient de gauche ou de droite. Vu de lextérieur, la France na plus quun seul media, qui, de plus, balbutie son texte. Comme le laissent entendre les confrères étrangers, dont nous faisons partie, la France de linformation et de la politique parle une langue qui lui est propre et que personne, elle exceptée, ne comprend.
"Des poubelles qui brûlent et des voitures qui flambent", cest la fête au passif, à limpersonnel, comme dans la directive interne qui régit les dépêche de lAFP au Proche-Orient : "La tournure « un kamikaze sest donné la mort tuant 18 personnes dans un bus bondé » est à proscrire. Il faut lui préférer « un attentat suicide a tué 18 personnes ( ) dans un bus bondé »". A Paris, où, faute de bons journalistes il y a de bons élèves, les attentats tueurs deviennent de nouvelles violences se sont produites et 400 voitures ont été incendiées...
Les émeutiers, comme chez nous, se transforment en jeunes, ce qui excuse déjà à moitié les dégâts quils causent.
Est-ce la peur panique de lislam qui dicte lusage du passif, qui fait quon ne nomme pas les responsables de ces pogromes, quon ne montre pas leurs visages, quon ne fait entendre ni leurs revendications, ni leurs menaces, ni leurs "Allah Houakbar !" qui se veulent triomphants ? Ou serait-ce que lon espère encore quen ne leur renvoyant pas la pierre quils vous lancent, on parviendra à empêcher que le pire ne se produise ? Ce serait en tous cas très mal connaître les dynamiques qui motivent ces activistes-militants : lorsquils perçoivent un ventre mou, ils sy enfoncent jusquà lavoir transpercé. Cest ce quici aussi nous avons mis quinze ans et quelques milliers de morts évitables à réaliser.
Pointant comme une île au-dessus de locéan du correctement débile, le bloc-notes dIvan Rioufol se détache nettement, en cette fin de semaine, des concerts de frissons des journalistes-autruches. Jai choisi den partager deux extraits avec vous ; en dautres temps, ils auraient constitué un exemple de lucidité. Au moment du media unique et des voitures qui se carbonisent, ils sonnent comme le tocsin qui menace de naufrage ceux qui refusent de lentendre [lire larticle de Rioufol en entier] :
"Cela ne vous rappelle rien ? Oui, les émeutes en région parisienne ont des airs de guérillas palestiniennes. A Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), d'où est partie la rébellion jeudi dernier, un camion de CRS a été visé par balles. A La Courneuve, des policiers ont essuyé des tirs. Nombre d'entre eux ont été blessés par des jets de marteaux et de cocktails Molotov. Des postes de police, des écoles, des commerces ont été pris d'assaut. Des voitures ont été incendiées. Pourquoi feindre d'ignorer ces débuts d'intifada ? Quand le ministre de la Promotion de l'égalité, Azouz Begag, déplore « des discriminations dont sont victimes les jeunes de banlieues », il évoque une réalité partielle. Certes, ces insurrections révèlent des frustrations, que trente ans de subventions publiques n'ont su tempérer. Mais les manifestations dévoilent aussi, plus gravement, le refus de certains de s'intégrer. Or, la « non-stigmatisation des quartiers » rend le sujet inabordable. ( )
Qu'a-t-on vu, ces jours-ci ? Une police obligée de se défendre d'avoir voulu pourchasser deux « jeunes » qui, fuyant un contrôle d'identité, se sont tués en pénétrant dans un transformateur EDF ; Nicolas Sarkozy mis en cause pour avoir dénoncé les « voyous » et la « racaille » ; une République accusée d'avoir profané une mosquée parce qu'un jet de gaz lacrymogène est tombé, dimanche, près d'un lieu de culte. La dialectique victimaire est à l'oeuvre." ( )
Dans un pays surpris dans une phase dasthénie, les défenses immunitaires amoindries, la révolte des musulmans français des banlieues risque réellement de sétendre et de devenir incirconscriptible. Elle réunit en effet les quatre éléments qui sont de nature à faire vaciller un régime :
- le nombre
- le sentiment justifié dinjustice, de misère et dexclusion durables
- la haine, résultante des deux critères précédents, et
- le dogme fédérateur. Et peu importe, dans ces situations, quil soit entièrement compris ou partagé ; il peut se limiter à un cri dans lequel les révoltés se reconnaissent, un cri comme "Allah Houakbar !"
Les gens riches, heureux, disposant dun emploi satisfaisant, dun logement correct, ne brûlent pas les cars de touristes russes, pas plus quils ne précipitent de boules de pétanque sur la tête des policiers qui avancent dans la rue.
Cétait "avant", quil aurait fallu se soucier de leur devenir, être moins égoïstes et surtout moins stupides, de croire que lon peut parquer des êtres humains dans des cités éloignées des regards, sans se mêler de leur bien-être, et que les choses, par on ne sait quel prodige naturel, évolueraient delles-mêmes vers lharmonie sociale et ethnique. Mais maintenant, il est trop tard pour enrayer lamertume avec un nouveau lot de promesses intenables. Ce qui nempêche quau-delà des mesures durgence quil faut prendre, il serait plus que bénéfique délaborer au plus vite un plan dintégration à moyen terme qui supportât la critique.
Ce qui rend la situation délicate pour la suite, cest que cette révolte embrasse parfaitement lidée de lislam hégémoniste et que cette idée, on la vu, décuple les forces au point de faire quon ignore le danger et la mort. Et puis, les beurs des banlieues ne sont pas sourds ni malvoyants et ils regardent la TV ; et comme on leur y a raconté tous les jours que le désespoir des Palestiniens rendait légitime le recours au terrorisme et quon leur y a dit que les égorgeurs dotages occidentaux en Irak étaient des "résistants" exerçant leur bon droit contre les envahisseurs américains, ils se demandent sûrement pourquoi leur bon droit serait différent des leurs.
Quelquun connaît-il la réponse à cette interrogation ? Si ce héros existe, quil aille la leur proposer directement et quil parvienne à les convaincre eux. Parce que nous, nous sommes déjà convaincus