C’est pour cela qu’il faut prendre une décision, c’est soit l’ordre soit le désordre, soit l’AP, soit le Hamas, mais pas les deux à la fois, en se servant de nous comme de chair à canon !
Dehors, dans la cour du bâtiment, les autres policiers continuaient de scander le même slogan. Durant 25 minutes, lofficier a exposé aux députés les deux réclamations principales de ses camarades. La 1ère a trait à lincapacité et à la corruption des chefs des services de sécurité qui, selon les policiers, ne font strictement rien pour exécuter les décisions du gouvernement palestinien, notamment celles concernant le désarmement des terroristes islamistes.
La seconde récrimination concerne le manque de moyens qui sont attribués aux forces de police, linfériorité de leur armement face à celui du Hamas et de ses alliés, et partant, l'impuissance des policiers à mettre un terme à lanarchie séditieuse des intégristes, à protéger la population et à se protéger eux-mêmes.
Ce sérieux coup de ras-le-bol survient à la suite des combats de dimanche, lorsque les forces de lordre ont été contraintes de subir sans pouvoir se défendre les lance-roquettes du Hamas. Des officiers présents mont rapporté quils avaient assisté impuissants au meurtre de leur commandant par les miliciens islamistes, parce quils avaient consommé toutes leurs munitions qui leur sont distribuées en quantités insuffisantes.
Lun des manifestants ma confié que le commandement de la police limitait le nombre de balles qui étaient livrées aux policiers "parce quil doutaient de lusage que les hommes en feraient. Ils craignent que nous les vendions aux agents des intégristes pour arrondir nos soldes misérables". "Ou, au contraire", surenchérit son voisin, "que lors de la prochaine agression du Hamas, nous leur réglions leur compte une fois pour toutes !". "(A Gaza, NdA.) nous sommes 20'000 et eux 4 à 5000", ajoute un troisième, mais ils disposent de mitrailleuses lourdes, de missiles (de roquettes antichars, NdA.) et de munitions en nombre illimité. Si les politiciens décidaient de lâcher Dahlan (les 1'500 hommes délite de la Sécurité Préventive qui ont été formés par le colonel Mohammed Dahlan, NdA) sur les terroristes, nous nen ferions quune bouchée. Cest pour cela quil faut prendre une décision, cest soit lordre soit le désordre, soit lAP, soit le Hamas, mais pas les deux à la fois, en se servant de nous comme de chair à canon !".
Et ses camarades de reprendre de plus belle : "Soit lAutorité, soit le Hamas !".
Dans la salle plénière, les parlementaires nétaient pas loin de partager lopinion de notre police, puisquils ont contraint le président Abbas, par ladoption dune motion, à démettre lactuel gouvernement du 1er ministre Ahmed Qreï et à le remplacer par un gouvernement transitoire appelé à fonctionner jusquaux législatives de fin janvier.
Les députés, écoeurés par lincompétence des forces de sécurité, ont toutefois rejeté la recommandation de la commission ad hoc formée pour enquêter sur les raisons de la poursuite de lanarchie, et qui préconisait le vote dune motion de censure et le limogeage des cadres des services de sécurité.
La différence majeure entre les deux procédures réside dans le fait que M. Abbas, qui dispose de 15 jours pour proposer à la chambre un nouveau gouvernement, peut à nouveau faire appel à Qreï pour en assumer la direction. La décision du président sera fort intéressante, lui qui comptait sur un large succès populaire cet hiver pour se débarrasser de son 1er ministre. Ladoption de la dernière motion pourrait avoir pour but de forcer la main dAbou Mazen et décarter Qreï sans attendre. Le sentiment largement partagé par une majorité de députés tient en effet lactuel chef de cabinet volontairement responsable du désastre sécuritaire. Il existe certes une palette de responsables qui sont soit incompétents, soit corrompus, soit, encore, corrompus et incompétents mais Qreï est soupçonné de torpiller intentionnellement les efforts dAbbas. Ce "sabotage" sest signalé par une série de contre-ordres et de déclarations de lintéressé allant tous dans le sens du maintien de la capacité armée des groupes intégristes. Qreï est resté très arafatien, qui considère que le maintien du potentiel terroriste du Hamas et du Jihad constitue une carte stratégique des Palestiniens lors du marchandage du statut final avec les Israéliens. Pour lactuel 1er ministre et pour un noyau darafatiens irréductibles, dont Nabil Chaath et Saëb Erekat, les Israéliens ne comprennent que la menace, et sils sont libérés de celle-ci, ils resteront insensibles aux requêtes palestiniennes.