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Le trip de Luc Rosenzweig dans les méandres de la Propalestine française
Par Viviane Miles © Metula News Agency
Article mis en ligne le 10 juin 2005
dernière modification le 11 juin 2005

Nous avons tous constaté que la situation du conflit israélo-palestinien, figée depuis longtemps - et surtout depuis près de cinq ans, lorsque la deuxième Intifada a éclaté -, a progressé depuis l’entrée en fonctions du nouveau dirigeant de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, qui a succédé au raïs défunt.

Si la donne a changé sur le terrain, si le principal obstacle est tombé et qu’on commence, malgré les difficultés, à entrevoir des possibilités nouvelles au Proche-Orient, en France par contre, les mentalités ont encore beaucoup de mal à évoluer. Que ce soit dans les médias, le système scolaire ou la sphère politique, la sympathie pour le peuple palestinien se manifeste à tel point que certaines attitudes antisémites qu’elle génère sont désormais perçues comme tout à fait normales et anodines.

Dans une lettre ouverte adressée à ses amis propalestiniens et parue récemment [1], Luc Rosenzweig, ancien journaliste à Libération, puis rédac-chef au Monde, qui partage aujourd’hui son temps entre sa chronique sur RCJ, ses papiers pour la Ména, l’enseignement du journalisme et ses activités littéraires, a côtoyé les mouvements révolutionnaires dans sa jeunesse. Ainsi commence-t-il naturellement par aborder quelques considérations historiques, avant de se lancer sur un track au plus profond d’un pays imaginaire qu’il nomme la Propalestine, une contrée peuplée de Propalestiniens de tous bords.


Le voyage de Rosenzweig débute par la dénonciation d’une contre-vérité, d’un travestissement de l’histoire. Il s’agit de l’acte de décès de Yasser Arafat, qu’un officier d’état-civil consciencieux de la commune de Clamart a rédigé avec la mention de Jérusalem comme lieu de naissance, alors que chacun sait pertinemment qu’il est né au Caire. S’il arrive, comme l’explique Rosenzweig, que des souverains - généralement des despotes - arrangent eux-mêmes certains détails de leur biographie à leur avantage pour la postérité, c’est la première fois qu’un Etat démocratique moderne, en l’occurrence la France, détourne sciemment la vérité au profit de la propagande de l’un des protagonistes d’un conflit. Cette « erreur » de transcription n’est pas exempte de sens symbolique et pourrait contribuer à donner aux Palestiniens le feu vert moral pour revendiquer la souveraineté absolue sur Jérusalem, ce qui délégitimerait encore un peu plus, aux yeux des sympathisants de la cause palestinienne, les droits de la partie israélienne.

Cette Propalestine que Luc Rosenzweig présente, n’est pas une entité concrète, loin s’en faut : c’est une utopie, un « non-lieu », que pourtant beaucoup associent à un espace géographique localisé entre la Méditerranée et le Jourdain, un territoire aux frontières floues appelé Palestine, idéalisé par tous ceux qui, naïvement, rêvent d’un monde meilleur, à l’instar de la Prosoviétie, de la Prochine ou de la Procastrie d’avant. La Propalestine est née à point nommé pour canaliser la polarité du bien contre le mal, du faible contre le fort, des pierres contre les tanks. Dans ces circonstances, il ne reste plus de place pour l’impartialité ni même pour une approche nuancée du conflit israélo-palestinien. Les Propalestinens de Propalestine ont présupposé qu’il y a un bourreau et une victime, et ceux-ci ne sont pas interchangeables. Cette vision tronquée n’a que faire de l’histoire, la vraie, ni des victimes israéliennes.

A tant défendre ce pays imaginaire, dont les fondations reposent sur la propagande et le poker-menteur, c’est la naissance de la Palestine réelle et nécessaire que les Propalestiniens gênent dans sa réalisation. Dans son chapitre sur « Les belles histoires de l’oncle Yasser », Rosenzweig nous dresse un tableau des talents de manipulateur d’Arafat, qui, s’il n’était pas si lourd de conséquences pour Israël, prêterait franchement à rire, tant les ficelles sont énormes. Et effectivement, plus le mensonge est gros, plus il a des chances de passer. Lorsqu’Arafat niait la perpétuation d’une nation juive, traitant les Juifs d’Europe centrale d’ « usurpateurs » et de « faux juifs », et qu’il prétendait que « les Palestiniens d’aujourd’hui sont, eux, les authentiques héritiers des tribus juives de l’antiquité », il convainquait les foules, non pas seulement parmi sa population, mais aussi parmi les « intellectuels » de France, pardon, de Propalestine.

Sur le thème de l’engouement des Propalestiniens pour Arafat, champion toutes catégories du double langage, qui a réussi à inoculer dans leurs esprits un « fétichisme du keffieh, une mythologie de l’olivier et un romantisme de la kalachnikov défiant toutes les descriptions objectives », Rosenzweig pointe du doigt « cette vision ‘poétique’ du combat palestinien qui s’est imposée dans l’imaginaire français, au point de faire présenter comme de preux mousquetaires les bombes humaines qui vont semer la mort dans les discothèques de Tel-Aviv. » (p. 46-47). A partir d’une telle conception des choses, Israël est forcément le coupable idéal de tous les maux sociaux, économiques et même psychologiques de la société palestinienne (et pas, aussi, insidieusement, de la société française ? Ndlr.). Il ne vient à l’esprit de personne, en Propalestine, de remettre en cause ces accusations ineptes, véhiculées par les médias, ni de considérer que le sous-développement chronique dans lequel macère le peuple palestinien est la résultante de la politique corrompue et biaisée de Yasser Arafat, qui a détourné les millions d’Euros d’aide de l’Union Européenne à son profit, tout en laissant sa population dans le marasme et le désespoir. Bien plus, la « culpabilité » de facto d’Israël tend à légitimer le terrorisme comme seule réponse possible des Palestiniens acculés à cette extrémité ! De là à délégitimer l’existence d’Israël, sous prétexte que sans Israël le monde entier se porterait mieux, il n’y a qu’un pas, que beaucoup ici franchissent sans état d’âme.

Mais le danger ne s’arrête pas là. Comme le dit très justement mon voisin de Haute-Savoie, la « Propalestine sert aux régimes arabes corrompus à détourner la colère de leurs populations frustrées. La Propalestine est, dans nos cités, le vecteur de radicalisation d’une jeunesse issue de l’immigration, qui a vite fait d’assimiler le Juif à l’Israélien. » (p. 40).

Ce parcours sur les chemins de la Propalestine française amène Luc Rosenzweig à passer en revue toute une série de portraits type parmi ses amis - ou plutôt ses ex-amis - qui, faisant cause commune avec le peuple palestinien, ont définitivement mis de côté sens critique, objectivité et justice. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ces anciens amis se répartissent de la gauche à la droite, sans exclusive : la tentation propalestinienne faisant fi des clivages politiques, les sympathisants de la cause se comptent aussi bien chez les trotskistes que chez les gaullistes, les socialistes ou les verts.

La première catégorie à passer au tamis rosenzweigien est la frange extrême de ces Propalestiniens, qu’il ne considère même pas comme ses ex-amis et « dont la détestation d’Israël a depuis longtemps franchi la ligne mouvante qui sépare l’antisionisme radical de l’antisémitisme new look. » (p.97). Autour de ceux-là, à l’image d’un Ménargues ou d’un Dieudonné, mêlés aux négationnistes de la Shoah ou aux amoureux du Hezbollah libanais, commence - heureusement - à se tisser un « cordon sanitaire » qui les isolera peu à peu.

Puis il passe à ses amis trotskistes, ceux qui considèrent l’Etat juif comme détestable, simplement parce que c’est un Etat-nation, inacceptable dans leur conception internationaliste du monde. Quand la Palestine sera un Etat - car je suis convaincue que cela arrivera un jour - se mettront-ils à la détester de la même façon ? Des trotskistes, mon camarade de la Ména glisse vers les écologistes et les altermondialistes, qui manifestent leur militantisme propalestinien plutôt émotionnellement que théoriquement. Lipietz et Bové en tête, ils condamnent irrévocablement Israël et reprennent à leur compte les accusations infondées, lancées par la propagande de leur idole au keffieh à damier. Dans la représentation des communistes, Israël symbolise le sempiternel cliché impérialiste ; et pour le combattre, ils sont prêts à s’allier avec l’islam radical, au risque d’y perdre leur âme laïque. Chez les socialistes, la position est plus nuancée, tiraillés qu’ils sont entre l’héritage d’une vieille amitié avec nombre de politiques israéliens de gauche, comme Shimon Pérès, et la nouvelle tendance antisioniste, qui a poussé, entre autres, à exclure de leur parti l’irréprochable député européen François Zimeray, parce qu’il réclamait une commission d’enquête pour informer l’Europe sur les détournements des subventions de l’UE par l’Autorité Palestinienne.

De l’autre côté de la ligne médiane, quoique moins nombreux qu’à gauche, les Propalestiniens sont pourtant aussi représentés chez les gaullistes, dont le « courant pro arabe s’est développé depuis la fin du conflit algérien. Jacques Chirac est la parfaite incarnation de ce tropisme arabophile des héritiers du Général, qui trouvent dans le soutien appuyé à la direction palestinienne et dans une critique sans concessions des positions israéliennes quelques avantages matériels et surtout le sentiment d’incarner une continuité. » (p. 112). La politique proche orientale du Quai d’Orsay, quant à elle, est bien connue des lecteurs de notre agence, et c’est un fait que beaucoup d’Israéliens n’hésitent pas à considérer « le palais des bords de Seine comme le repaire antisémite le plus actif depuis la destruction du bunker d’Adolf Hitler. » (p. 114). Passant à ceux des catholiques qui voient dans les Palestiniens des opprimés, il en découle consécutivement que ceux-ci condamnent l’oppresseur au nom de leur foi. Quant au courant principal du protestantisme, qui pendant longtemps partageait des valeurs communes avec les juifs, il a effectué un très net virage qui l’amène à des positions violemment antisionistes.

Last but not least, les supporters propalestiniens se comptent aussi dans les rangs de la communauté juive française, au sein desquels on trouve des intellectuels comme Michel Warschawski, Dominique Vidal ou Sylvain Cypel. Pour diverses raisons, liées sans doute à leur difficulté à assumer leur judéité, ces défenseurs de la cause palestinienne - par peur ou par honte de paraître trop pro israélien ? - croient devoir en faire plus que les autres pour être crédibles. Ils sont bien sûr les meilleurs alibis des tenants purs et durs du propalestinisme, qui les citent pour se couvrir dans leurs déclarations antisémites.

L’opuscule de Luc Rosenzweig propose un éclairage nouveau sur tous ceux qui, de droite à gauche, se sont laissés influencer et berner depuis des années par l’ancien leader palestinien, et permet de comprendre pourquoi tant de gens ont penché aveuglément pour la cause palestinienne sans chercher à connaître la cause israélienne. Encore faut-il que les destinataires de cette lettre la lisent vraiment pour faire évoluer les mentalités. Tous ceux qui prônent une paix juste et durable - et les Propalestiniens prétendent que c’est leur but -, ne peuvent faire l’économie du dialogue. Luc Rosenzweig lance donc un appel à une écoute d’Israël, et à une analyse plus équilibrée qui la respecte au lieu de la dénier.

Et sur le terrain, il restera à Mahmoud Abbas, l’actuel dirigeant de l’Autorité Palestinienne, avec l’aide des autres Etats démocratiques, de prouver que, loin de la Propalestine nauséabonde, peut exister un nouvel Etat appelé Palestine, vivant à côté de son voisin israélien et non à sa place.



Notes :

[1] Luc Rosenzweig : Lettre à mes amis propalestiniens, Ed. de la Martinière, 2005 (10,00 €).



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