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Le droit international a « bon dos »….
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 2 juillet 2012

Il ne se passe pas de jours que, de divers côtés, on conteste la légalité des implantations israéliennes au-delà de la Ligne verte de 1967 et des activités économiques, qui y sont entreprises..

Nous voudrions, aujourd’hui, revenir sur cette question, sans pour autant légitimer les velléités permanentes du gouvernement israélien à vouloir développer les constructions, notamment, en Cisjordanie

Il y a lieu, tout d’abord, de relever que les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies n’ont aucune valeur contraignante. De telle sorte que les nombreuses résolutions ayant considéré que les implantations israéliennes en Cisjordanie (et autrefois dans la Bande de Gaza) étaient illégales n’ont pas de force juridique.

Il en est de même des résolutions du Conseil de sécurité, lorsqu’elle ne sont pas prises dans le cadre du Chapitre VII de la Charte, ce qui a été le cas des résolutions effectivement adoptées sur la question des implantations israéliennes (v. par exemple résolution 446-1979).

De même, on ne peut se fonder sur l’avis consultatif émis par la Cour internationale de justice (CIJ) le 9 juillet 2004, dans l’affaire dite du « Mur », qui a considéré qu’Israël n’avait pas le droit d’ériger cette « barrière de sécurité » dans un Territoire occupé. Car les avis consultatifs émis pas la CIJ n’ont pas davantage d’autorité juridique.

D’ailleurs, on est en droit de considérer que les frontières d’Israël n’étant toujours pas délimitées, en dehors de celles résultant du traite de paix avec l’Egypte de 1979 et de celles résultant de celui conclu avec la Jordanie en 1994, on ne peut reprocher à Israël d’avoir, effectivement, à la suite d’opérations de légitime défense, établi des implantations au delà des lignes de cessez-le-feu de 1949.

L’absence, plus de 64 ans après la création de l’Etat d’Israël, de « frontières sûres et reconnues » (en dehors des deux cas ci-dessus évoqués) apparaît nettement dans la rédaction même de la résolution 242 de novembre 1967 du Conseil de sécurité (rappelée par la résolution 338 d’octobre 1973), qui, précisément, recommande la reconnaissance de « frontières sûres et reconnues ».

De fait, au lendemain de la guerre de Six Jours, entreprise sur le fondement du droit de légitime défense, Israël a, effectivement, été amené à placer certains territoires, sous son administration, alors que les terrains concernés ne relevaient d’aucune souveraineté étatique, légalement établie.

Aussi, sur le plan des principes, on peut contester, en l’espèce, la nature même de « territoires occupés ».

En effet, si l’on se réfère à un ouvrage, certes relativement ancien, mais qui fait encore autorité en la matière, le Dictionnaire de la terminologie du droit international , qui fut publié en 1960 sous la direction de l’ancien président de la Cour internationale de justice, le Professeur Jules Basdevant, l’occupation est un « terme employé pour désigner la présence de forces militaires d’un État sur le territoire d’un autre État, sans que ce territoire cesse de faire partie de celui ci ».

Or, la Cisjordanie et la bande de Gaza (qui faisaient initialement partie de l’empire ottoman avant la Première Guerre mondiale) ne relevaient pas régulièrement de la souveraineté d’un autre État, lorsque les troupes israéliennes s’y sont installées après la guerre de Six jours. Certes, en 1949, après la Guerre d’Indépendance d’Israël, la Transjordanie de l’époque avait prétendu annexer la Cisjordanie, pour se transformer en Jordanie. Mais, seules la Grande Bretagne et le Pakistan avaient reconnu cette « annexion » manifestement contraire aux dispositions de la convention d’armistice israélo-jordanienne de 1949. Celle ci, conformément aux règles régissant la portée d’un armistice, mesure provisoire de caractère militaire, ne pouvait porter « préjudice quel qu’il soit aux droits, revendications et prétentions de l’une des parties » (art. II-2). La Ligue arabe n’accepta, d’ailleurs, de renoncer à exclure la Jordanie de ses rangs qu’après que cet État eut fait savoir que « la partie arabe de la Palestine annexée par la Jordanie était en dépôt entre ses mains, jusqu’à ce que la question de Palestine soit résolue complètement dans l’intérêt de ses habitants ». L’Égypte, respectueuse sur ce point du droit international, n’entendit jamais annexer la bande de Gaza et se borna à la placer sous son autorité.

Comme indiqué précédemment, Israël a, donc, placé, à son tour, en 1967, sous son autorité d’une part, la Judée et la Samarie que la Jordanie avait illégalement annexées et d’autre part, la bande de Gaza administrée par l’Égypte, ces deux pays ayant agressé l’État d’Israël (rappelons qu’Israël a intégralement évacué, en 2005, la Bande de Gaza, confirmant ainsi le caractère, en principe, provisoire de la présence israélienne).
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C’est ainsi qu’Israël se trouva contraint de franchir la « Ligne verte »(appellation de la ligne de cessez-le-feu établie par les accords d’armistice de Rhodes, conclus en 1949, avec les principaux États arabes engagés dans une tentative d’étouffement dans l’oeuf du nouvel État, à savoir l’Égypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie).

Cette action était d’ailleurs tout à fait conforme à la Charte des Nations unies, qui reconnaît le « droit naturel de légitime défense »(article 51) et qui ne condamne le recours à la force que « de manière incompatible avec les buts des Nations unies » (art. 2-4).

Certes, une action de légitime défense n’autorise pas, par elle-même, à fonder la souveraineté d’un État sur un territoire, mais aucun gouvernement israélien n’a jamais prétendu annexer la totalité des territoires ainsi placés sous son autorité. C’est précisément sur le sort définitif de ces territoires, jusqu’à présent placés sous un régime relativement complexe d’autonomie, négocié avec l’O.L.P, en 1993, que devraient porter les futures négociations avec les Palestiniens.

En l’espèce, on ne peut donc pas parler de territoires « occupés », mais plutôt de territoires « controversés » ou « disputés ».

Une preuve déterminante d’absence de frontière avec la Cisjordanie, sur laquelle la Jordanie a renoncé, en 1988, à exercer toute autorité, c’est le fait que l’accord d’armistice isarélo-jordanien conclu, à Rhodes, le 3 avril 1949, stipule, comme indiqué ci-dessus, dans son article II-2 qu « aucune disposition du présent Accord ne porte atteinte aux droits, revendications et positions de chacune des deux parties dans le règlement pacifique et final de la question palestinienne, les dispositions du présent Accord étant dictées exclusivement par des considérations militaires » (souligné par nous).

La Ligne verte n’est donc qu’une ligne de cessez-le-feu et non une ligne délimitant la frontière d’Israël.

Les déclarations diverses faisant étant des « frontières d’avant 1967 » sont donc dénuées de tout fondement juridique.

De telle sorte que, sur le plan des principes, on est en droit de contester l’applicabilité même de la IVème convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, dont une partie est consacrée à la situation des populations civiles dans les « territoires occupés ». Car, d’un strict point de vue juridique, cette convention n’est pas applicable, actuellement, en Cisjordanie, puisqu’il ne s’agit pas de « territoires occupés », tels que les définit le droit international.

Mais, en tout état de cause, en admettant même l’applicabilité de ladite Convention, l’établissement d’implantations israéliennes dans ces Territoires n’en viole aucune disposition.

Certes, l’article 49 de cette convention dispose que « la puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle » (souligné par nous).

Cette disposition a été introduite dans le droit international sur la base de l’expérience acquise lors du second conflit mondial où, en l’absence d’interdictions, les autorités allemandes ont cru pouvoir, impunément, procéder à des transferts de populations pour des raisons politiques et raciales ou pour pouvoir coloniser des territoires appartenant à d’autres pays.

Mais cette disposition n’est nullement mise en cause par les implantations israéliennes, dont le caractère définitif n’est nullement assuré, comme en témoigne le précédent des implantations dans la Bande de Gaza, entièrement évacuées en 2005 (comme en 1979, celles précédemment établies dans le désert du Sinaï).

Israël n’a fait qu’autoriser certains de ses citoyens à s’établir au delà de la ligne de cessez le feu, dans des territoires placés sous son autorité.

Un accord intérimaire conclu, en 1995, dit Oslo II, entre Israël et l’Autorité palestinienne a institué un partage de compétences suivant plusieurs zones : une zone A, relevant de l’Autorité palestinienne, une zone B étant placée partiellement sous contrôle de l’Autorité palestinienne mais le gouvernement israélien continue d’y assumer la responsabilité de la sécurité et une zone C, sur laquelle le gouvernement israélien conserve l’entière maîtrise et dans laquelle se trouvent les implantations contestées.

Les activités agricoles, artisanales ou industrielles exercées par des citoyens israéliens ne portent atteinte à aucune disposition de droit international, Israël n’ayant, à aucun moment, décidé d’annexer les territoires concernés.

Israël n’a jamais déplacé la population locale pour des raisons politiques ou raciales ou pour modifier le caractère démographique de la région.

Le statut définitif de ces territoires doit faire l’objet des négociations futures à intervenir avec l’Autorité palestinienne, négociations dont le principe est acquis du côté israélien, mais dont la réalisation est retardée par les conditions préalables posées par la partie palestinienne.

Même le régime douanier spécial tel qu’il résulte tant de l’accord d’association conclu entre l’Union européenne et Israël en 1995 que de l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, signé à Bruxelles en 1997 est sans incidence sur la légalité internationale des implantations israéliennes et des produits, qui y sont manufacturés.

Ni le principe de l’effet relatif des traités, ni la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne telle qu’elle s’est exprimée dans l’affaire Brita (25 février 2010, aff. C-386/08) ne permettent de tirer de conclusion de nature à infirmer les affirmations ci-dessus énoncées.

Mais si un examen objectif du droit international nous a amené à constater, à l’heure actuelle, l’absence de violation du droit international du fait des implantations israéliennes situées en Cisjordanie et des activités économiques, qui y sont entreprises, cela ne justifie pas pour autant la propension des autorités israéliennes à vouloir, périodiquement, en développer la superficie.

En effet, il est évident qu’un développement permanent des implantations israéliennes est de nature à empiéter sur la superficie du futur Etat palestinien.

Aussi, il ne nous paraît pas inconcevable qu’à titre conservatoire, Israël s’abstienne, dans toute la mesure du possible, de développer tant la superficie au sol des implantations que l’installation d’Israéliens, venus de l ‘ « intérieur » du pays.

La prise en compte du « développement naturel » découlant de considérations démographiques, pourrait se faire « en hauteur », c’est à dire sans incidence sur la superficie du futur Etat palestinien.

Le sort final des implantations relève, donc, bien évidemment, des futures négociations que la partie palestinienne serait bien avisée de ne pas retarder par des conditions préalables non nécessaires, mais dont l’ouverture pourrait, également, être facilitée par un « gel » de la situation actuelle, par Israël.



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