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A propos de la non-extradition de ses nationaux par la France
par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 1er février 2012

Un accident mortel de la circulation, survenu à Tel Aviv il y a quelques semaines a, à l’initiative de la famille de la malheureuse victime, provoqué quelques remous, non seulement en Israël, mais même en France

L’agence de presse Guysen.Israel.News vient d’ailleurs de publier l’information suivante : « Le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a estimé, mardi, qu’Israël saura persuader les autorités françaises d’extrader les deux chauffards de Lee Zeitouni…… Les ministères des Affaires étrangères et de la Justice mènent actuellement une bataille compliquée pour exiger l’extradition et estiment, qu’au bout du compte, nous verrons les deux individus en Israël, a déclaré Lieberman ».

Et cette même agence a cru devoir rappeler qu’il n’y a pas de traité d’extradition entre la France et Israël.

Or, en tout état de cause, comme nous allons le voir, l’absence d’un tel traité est sans incidence sur l’affaire.

Aussi triste qu’apparaisse, effectivement, la mort tragique de cette jeune israélienne, fauchée par un véhicule conduit par deux ressortissants français, qui, immédiatement, après l’accident ont pris la fuite et se sont réfugiés en France, il n’en demeure pas moins que sur le plan du droit, les choses sont claires.

Il est absolument impossible d’espérer l’extradition, c’est à dire la remise à Israël des deux personnes, de nationalité française, présumées responsables de cet accident, pour qu’elles puissent être jugées dans le pays où l’accident, dont a été victime une Israélienne, est intervenu.

Il faut savoir, en effet, que la France, comme de nombreux autres pays, n’extrade pas ses nationaux.

La loi du 10 mars 1927 est formelle sur ce point : article 5 : « l’extradition n’est pas accordée lorsque l’individu objet de la demande est un citoyen ou un protégé français ».

Certes, il y a eu, il y a quelques années, une exception notable apportée, à ce principe du fait de l’adoption, dans le cadre de l’Union européenne, du « mandat d’arrêt européen ».

Désormais, un national français, objet d’un tel mandat d’arrêt, peut effectivement, pour ne pas dire, doit être livré à un Etat membre de l’Union européenne, qui le réclame, dès lors que l’infraction dont il est accusé est également punissable en France.

Et, à la différence du régime ordinaire de l’extradition, les juridictions françaises ne se livrent qu’à un examen purement formel de la régularité de la demande d’extradition et ce dans des délais réduits (v. loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 introduisant les articles 695-22 et s. dans le code de procédure pénale).

Et surtout, dans le cas d’un mandat d’arrêt européen, le premier ministre, qui, est compétent pour signer un décret d’extradition, ne dispose pas du pouvoir de ne pas suivre l’avis favorable à l’extradition, émis par la juridiction chargée de connaître d’une telle demande.

Contrairement à ce qui a été dit – et écrit parfois – il n’y a aucune discrimination introduite entre les Etats, suivant qu’ils sont membres ou non de l’Union européenne.

Une différenciation de traitement est tout à fait légale.

Une discrimination suppose une différenciation de traitement défavorable, alors que les circonstances de fait et de droit sont identiques.

Mais il serait absurde de prétendre que l’on doit traiter de la même façon tous les Etats, alors que l’existence de l’Union européenne justifie une coopération renforcée en matière de justice.

Israël n’est pas lié par la décision-cadre du 13 juin 2002 ayant créé le mandat d’arrêt européen, que la France a introduit dans son droit pas la loi précitée, après qu’une révision constitutionnelle eut d’ailleurs été rendue nécessaire (Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen).

Par conséquent, non seulement le président de la République française ne dispose d’aucun pouvoir en matière d’extradition, même si, parfois, par le passé, il a pu « inspirer » certaines décisions « laxistes » prises en la matière, mais, de plus, on imagine mal, à l’heure actuelle, en période pré-électorale, une quelconque mesure, qui serait manifestement contraire au droit.

Il est regrettable que selon l’information publiée par Guysen.Israël.News, les autorités israéliennes cherchent à faire pression sur les autorités françaises.

Il y a, certes, des hypothèses dans lesquelles un Etat a parfaitement le droit d’intervenir auprès d’un Etat étranger, dans le domaine de l’exercice de sa compétence juridicaire, soit pour veiller au strict respect de la loi de ce pays, en faveur d’un ressortissant étranger, soit même pour faire profiter celui-ci d’une mesure favorable, en application d’un pouvoir discrétionnaire, reconnu par la loi de ce pays.

Mais, en aucun cas un Etat ne peut demander aux autorités d’un Etat étranger d’exercer un pouvoir que ne reconnaît pas le droit de ce pays.

En matière de justice on ne fait pas n’importe quoi et, en l’occurrence, on ne peut pas faire de comparaison avec certaines initiatives que l’on peut – et doit – juger malencontreuses prises, par le passé, par les autorités politiques françaises (s’agissant de présumés terroristes, voire de personnes condamnées dans leur pays), qui, nous l’avons, dit disposent, effectivement, d’une pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’accorder ou non l’extradition d’un ressortissant étranger.

Mais rien de tel dans le dramatique accident survenu à Tel Aviv . Les personnes en cause sont de nationalité française et rien ne peut autoriser, sauf à ce que les personnes concernénes l’acceptent elles-mêmes, de voir les poursuites engagées en Israël.

Comme l’a rappelé, récemment, l’ambassadeur de France en Israël, rien n’empêche la famille de la victime de porter plainte, en France, contre ces personnes présumées coupables d’homicide et il y a tout lieu de penser que cette plainte aboutirait à des poursuites et à une condamnation devant une juridiction française.

Le fait que le maximum de la peine encourue soit plus élevé en Israël qu’en France ne permet pas de préjuger de la gravité de la sanction qui serait prononcée en Israël.

En tout état de cause, il est malséant de la part de certains avocats des personnes concernées d’avoir laissé entendre que leurs clients se méfiaient des tribunaux israéliens, qui se montreraient certainement plus sévères avec eux, en raisons de leur nationalité, du fait de certaines tensions politiques entre les deux pays.

De la même façon, il serait désobligeant à l’égard de la justice française de laisser entendre que celle-ci se montrerait plus indulgente du fait que l’accident se serait produit à l’étranger. En tout état de cause, le délit de fuite ne jouera pas en faveur des accusés.

En conclusion, il y a des règles que la France doit respecter et il est regrettable que les autorités israéliennes donnent à penser qu’elles espèrent pouvoir faire pression sur la France, afin qu’un principe juridique formel soit violé.



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