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Déchéance de nationalité : mauvaise solution face à un vrai problème
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 31 mars 2011

Les médias n’ont – heureusement – pas fait grand cas d’une loi adoptée, il y a quelques jours par la Knesset. Désormais, les personnes reconnues coupables d’actes de terrorisme, d’atteinte à la souveraineté d’Israël, de conspiration avec l’ennemi en temps de guerre ou d’espionnage pourront se voir retirer la « citoyenneté » (c’est à dire ce qu’on appelle généralement la nationalité) israélienne.

Ce texte initié par Israël Baitetenou le parti du ministre des affaires étrangères a été voté en troisième et dernière lecture par….. 37 voix contre 11 (rappelons que la Knesset compte 120 membres).

Même le Shin Bet (service du contre-espionnage israélien) était contre l’adoption de ce texte, auquel s’opposait, évidemment, les parlementaires arabes israéliens, qui se sentaient visés par cette loi, au moment où plusieurs autres textes ressentis comme « vexatoires » par les Palestiniens étaient également adoptés (notamment un texte privant de subventions publiques les associations et communautés locales, qui commémoreraient la Nakba – « catastrophe » - au lieu de célébrer le jour de l’indépendance).

Nous avouons ne pas connaître suffisamment la législation israélienne pour apprécier l’argumentation du juriste du Shin Bet, qui expliqua, vainement, aux parlementaires qu’il existe déjà dans le système juridique israélien des dispositions qui permettent de retirer la citoyenneté, en pareil cas.

Mais nous voudrions répondre à ceux qui ont soutenu que de telles mesures existent dans de nombreux pays.

Ce qui n’est pas exact.

En effet, si nous prenons le cas de la France, le Code de la nationalité prévoit, certes, la possibilité de déchoir de la nationalité des personnes, notamment en cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, actes de terrorisme, complot ou participation à des mouvements insurrectionnels.

(Au passage, notons qu’un projet de loi visant à étendre cette possibilité aux personnes condamnées pour meurtres de policiers ou de gendarmes a été, récemment, repoussé par le Parlement)

Mais, pour en revenir à l’état du droit français, cette possibilité est soumise à plusieurs conditions restrictives, qui ne sont nullement prévues par la nouvelle loi israélienne.

Tout d’abord, cette déchéance de la nationalité ne peut viser que les personnes ayant acquis la nationalité française (et non les personnes de nationalité française de naissance) et ce dans un délai de dix ans seulement.

D’autre part, et surtout, on ne peut pas déchoir de la nationalité une personne, qui de ce fait n’aurait plus de nationalité, c’est à dire si elle devenait apatride.

Car, il existe, à l’heure actuelle, une tendance à vouloir éliminer les cas d’apatridie, cette situation présentant de nombreux inconvénients, non seulement pour les personnes concernées, qui ne peuvent, à moins d’obtenir le statut de réfugié s’ils remplissent les conditions posées par une convention internationale de 1950, se prévaloir de la protection d’aucun Etat, mais même pour les Etats de séjour, qui pratiquement sont, en pareil cas, dépourvus de tout moyen d’expulsion.

Et c’est là que la loi adoptée par à peine un quart des membres de la Knesset trouve ses limites.

En effet, un Etat peut toujours, dans certains cas et selon une procédure prévoyant un recours en justice, décider d’expulser un non-national, dès lors que celui-ci refuserait de quitter le territoire de son plein gré.

En pareille hypothèse, s’agissant d’un étranger il sera toujours possible de l’expulser vers son Etat d’origine.

Mais s’agissant d’un apatride, il n’y a pas de moyen d’obliger un Etat à accepter sur son territoire une personne qu’un autre Etat considérerait comme indésirable, voire nuisible à ses intérêts, même si cette appréciation est fondée.

Autrement dit, seules peuvent être concernées, en France notamment, les personnes qui ont acquis la nationalité française, alors qu’elles possédaient la nationalité d’un autre pays, qu’elles recouvreraient donc en cas de déchéance de la nationalité française..

Pour en revenir au cas israélien, que pourront faire, pratiquement, les autorités israéliennes si, effectivement, la Cour suprême juge qu’il est normal de priver de sa citoyenneté une personne accusée – et condamnée – pour des infractions – dont nous ne contestons nullement la gravité d’ailleurs – au nom du slogan, qui a animé, les initiateurs de la loi : « « Pas de citoyenneté sans loyauté » ?

A notre avis, rien dès lors que les intéressés refuseraient de quitter le sol israélien.

On voit mal Israël imposer à n’importe quel Etat la présence d’un terroriste, qui n’aurait pas la nationalité de cet Etat.

En admettant – hélas – qu’il se trouve qu’un Etat, par « sympathie » pour la « cause terroriste », accepte cependant un tel étranger (qu’il soit, d’ailleurs, apatride ou non), quel serait l’avantage d’Israël ?

Il aurait, vraisemblablement, réussi à donner à des personnes dangereuses la possibilité de préparer de nouvelles actions terroristes.

Certes, nous considérons que la nationalité implique non seulement des droits mais aussi des devoirs et celui de loyauté nous paraît tout à fait légitime.

Mais la sanction d’un manquement aux obligations auxquelles est soumis tout national, voire toute personne, donc également les étrangers et apatrides, se trouvant sur le territoire, nous paraît devoir être une sanction pénale et non une sanction politique.

Seule une sanction pénale nous paraît adaptée.

Guysen.Israel.News nous apprend que les familles des victimes de l’attentat du bus 37 en 2003 à Haïfa appellent le ministre de l’Intérieur à retirer la nationalité à Mounir Rajabi, un Arabe israélien de Haïfa, qui avait prêté main forte au terroriste responsable de l’attaque, en vertu de la loi adoptée avant-hier à la Knesset. Selon ces familles, cette mesure, ajoutée à la peine de prison à vie à laquelle Rajabi a été condamné, « enverra un message plus dissuasif aux terroristes ».

Voire…..

S’il est vrai que la citoyenneté israélienne garantit le droit de séjourner sur le territoire israélien, on ne voit pas en quoi la déchéance de cette qualité pour des personnes indésirables constitue pour autant une garantie pour Israël.

Israël se doit de mettre hors d’état de nuire des personnes dangereuses, mais ce n’est pas en leur retirant leur citoyenneté qu’il y arrivera.

La prison est une meilleure garantie…..

Les sanctions pénales nous semblent beaucoup plus dissuasives qu’une déchéance de nationalité, qui ou bien ne pourrait être suivie d’une expulsion ou qui, dans cette hypothèse, constituerait même une « aide » à la reprise d’activités hostiles à l’égard d’Israël.



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