Bandeau
DESINFOS.COM
Slogan du site

Depuis Septembre 2000, DESINFOS.com est libre d’accès et gratuit
pour vous donner une véritable information indépendante sur Israël

Que devient la paix au milieu de ce vent de fronde ?
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 17 février 2011

Plus que la chute de Ben Ali, en Tunisie et même celle de Moubarak, en Egypte, ce sont les dernières décisions intervenues dans le camp palestinien, qui nous paraissent de nature à affecter sinon le principe même de la paix au Moyen-Orient du moins la marche vers celle-ci.

En effet, tant les démissions du principal négociateur palestinien Saïeb Erakat que celle du gouvernement de Salam Fayyad vont retarder d’autant – faute d’interlocuteur et de consignes du côté palestinien - le reprise – inévitable à terme – des négociations - qu’elles soient directes ou indirectes – entre Israéliens et Palestiniens.

Certes, la démission d’Erakat ne résulte pas, officiellement, du moins, de la volonté de « bloquer » tout dialogue israélo-palestinien.

Le responsable palestinien a justifié sa décision par son désir d’assumer la « faute » résultant de la divulgation par Al Djazira d’un certain nombre de documents – par ailleurs contestés – relatifs au déroulement des négociations entre les deux parties.

Considérés par les uns comme la preuve d’une trahison de la cause palestinienne, ces documents témoignaient, en revanche, notamment pour les Israéliens, du souci de réalisme des responsables palestiniens, qui semblent admettre tant le maintien de certaines implantations (moyennant échange de territoires) que le caractère limité du retour de réfugiés palestiniens ou l’étendue de la présence d’Israël dans la partie Est de Jérusalem

Ce ne sont pas les récentes déclarations de Mahmoud Abbas - coutumier de déclarations fracassantes - , à propos de l’avenir du quartier arménien qui sont de nature à démentir la portée de ces documents.

Au passage, on ne peut s’empêcher de dénoncer – une fois de plus – la nuisance d’Al Djazira, qui ne « manque » aucune occasion de servir de « faire valoir » à des informations de nature à compromettre la paix, qu’il s’agisse de déclarations attribuées à Oussama Ben Laden ou, dans notre cas, d’informations sur la négociation israélo-palestinienne, afin de discréditer les négociateurs palestiniens.

A la défection du chef des négociateurs (la cellule de négociations au sein de l’Autorité palestinienne ayant, elle même, été supprimée) viennent s’ajouter les conséquences de la démission du gouvernement de Salam Fayyad, pourtant annoncée depuis quelque temps, car il va, donc, en résulter une absence d’instructions.

Il apparaissait, en effet, nécessaire de « resserrer les boulons » d’un gouvernement, dans lequel huit postes sont vacants (deux par suite de démissions et six étant « bloqués » à Gaza).

Le fait que Mahmoud Abbas ait décidé de charger Fayyad de constituer le nouveau gouvernement n’est pas, à lui seul, de nature à faciliter cette mission, dans la mesure où le premier ministre « renouvelé », économiste de formation, bien que non engagé politiquement dans l’une ou l’autre des factions palestiniennes – Hamas ou Fath – ait fait savoir, avant même de démissionner, qu’il entendait œuvrer en faveur du rétablissement de l’unité nationale.

Or, on voit mal, à l’heure actuelle, le Hamas faire un pas vers la paix , en renonçant à ses positions idéologiques anti-israéliennes (« oui pour une trêve, non pour une reconnaissance »).

Par ailleurs, la décision prise, presque concomitamment, de procéder à des élections législatives et présidentielles, en septembre prochain (venant après la décision d’organiser des élections municipales en juillet) ne peut que limiter, dans le temps, la portée des pouvoirs du futur gouvernement.

Il est vrai que cette décision était rendue inéluctable pour tenir compte du « vent de l’histoire » qu’illustrent la « révolution du jasmin », en Tunisie et la prise du pouvoir – théoriquement provisoire – par l’armée en Egypte.

Mais, indépendamment de la question des négociations avec Israël, cette « batterie » d’élections risque de se heurter à des difficultés pratiques de mise en œuvre, le Hamas ayant, d’ores et déjà, fait savoir qu’il était hostile à l’organisation d’élections dans la Bande de Gaza.

Celles-ci, très vraisemblablement, ne se dérouleront donc qu’en Cisjordanie, ce qui, certes, limiterait la représentativité de l’élu (à la présidence de l’Autorité palestinienne) et des élus locaux et au Parlement, mais pourraient, cependant, leur assurer une certaine légitimité.

En effet, il ne faut pas négliger la superficie de la future Cisjordanie palestinienne (plus de 5 000 Km2 contre seulement 360 km2 pour la Bande de Gaza) et sa population (2,3 millions d’habitants contre 1,4 million d’habitants dans la Bande de Gaza).

Une assise populaire (aucune élection n’ayant eu lieu depuis 2006) faciliterait les démarches en vue d’une généralisation de la reconnaissance d’un Etat de Palestine (après les huit récentes reconnaissances en Amérique latine), à l’occasion de la 66ème Assemblée générale des Nations Unies.

A défaut d’une reconnaissance par l’ONU elle-même, il serait question, dans certains milieux, de demander à l’Organisation mondiale de placer sous « administration internationale » les Territoires, sur le modèle de qui a été fait, en 1999, pour le Kosovo, dans un passé récent, avant la proclamation de son indépendance, en 2008.

Il est vrai qu’on ne doit pas oublier qu’il y a une différence essentielle entre les deux situations : le Kosovo faisait l’objet d’une délimitation administrative dans le cadre de l’ancienne Yougoslavie puis de la République de Serbie-et-Monténégro et, en droit international, il est admis qu’une délimitation peut se transformer en frontières internationales (principe de l’uti possidetis).

Or, s’agissant des Territoires, ceux-ci n’ont jamais fait l’objet d’une délimitation même administrative, dans le passé.

Même à l’époque ottomane, ces territoires ne constituaient pas une entité administrative unique, mais étaient divisés en sandjaks et villayets distincts.

De façon paradoxale, ce sont les limites de la Bande de Gaza, qui ne posent pas de problèmes, alors que ses « gouvernants » ne veulent pas la paix avec le voisin israélien.

Devant une telle situation, quasiment inextricable, une conclusion paraît difficile à tirer, si ce n’est – et c’est quand même une constatation encourageante – que l’Egypte, eu égard à la position de son armée, bien structurée, qui depuis trois décennies a su « jouer le jeu » de la paix - ne paraît pas devoir, à l’heure actuelle, constituer une menace pour Israël.



Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 4.5.87
Hébergeur : OVH