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Démocratie à la palestinienne
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 10 février 2011

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, a donc dû se résoudre, après injonction d’un tribunal, à se décider d’organiser des élections municipales, le 9 juillet prochain.

Ces élections auraient, déjà, dû avoir lieu en 2010, les précédentes ayant eu lieu en 2005, qui avaient vu le Hamas, présent, pour la première fois, dans l’arène électorale, y obtenir de bons résultats – environ 30% des voix, première étape avant sa victoire aux élections législatives, l’année suivante, où il obtint la majorité absolue (67 voix) avec 74 sièges (pour environ 43% des suffrages exprimés) contre seulement 45 sièges au Fatah de Mahmoud Abbas (avec à peine près de 40% des suffrages).

C’est d‘ailleurs, sans doute, la crainte de voir le Hamas s’implanter également en Cisjordanie, après avoir fait « main basse » sur la Bande de Gaza, en juin 2007, qui conduisit Mahmoud Abbas, chef de file du Fatah, à repousser sine die ces élections municipales.

Officiellement, ce sont des dissensions au sein du Fatah, sur les candidatures, qui justifièrent cet ajournement.

Obligé d’admettre des candidats « indépendants », le Fatah avait peur de voir, sous cette appellation, des « sous-marins » du Hamas.

Car – et c’est là une donnée courante dans les pays qui ont une conception restrictive de la démocratie – si le suffrage est, officiellement, ouvert à tous – mais souvent biaisé par une manipulation des résultats – l’idée que la démocratie signifie « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » est, souvent difficile à admettre.

Et c’est plutôt la dictature d’une simple majorité (voire d’une minorité puissante), par des candidats bien encadrés et pour « le bien » de cette seule majorité (ou minorité) qui s’établit.

Une fois arrivée au pouvoir, la manipulation des résultats permettra à cette majorité relative (ou même à une simple minorité active) d’obtenir des scores massifs, lors des consultations ultérieures.

C’est la méthode utilisée après la seconde guerre mondiale par les partis communistes dans les pays de l’Est et, par la suite, dans le sillage de la décolonisation, dans bon nombre de pays nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie.

D’ores et déjà, le Hamas refuse au président de l’Autorité palestinienne le droit d’organiser des élections dans la Bande de Gaza, dans la mesure où ce mouvement lui refuse toute légitimité, voire toute légalité, puisque le mandat de Mahmoud Abbas, élu en janvier 2005 (après la mort d’Arafat), a, officiellement pris fin en janvier 2009.

Et précisément, la situation dans la Bande de Gaza n’a pas permis d’organiser une nouvelle élection présidentielle.

Il faut d’ailleurs replacer cette opposition Hamas/Fatah dans le contexte de la situation actuelle en Egypte.

Mahmoud Abbas a exprimé son soutien à Moubarak et a interdit des manifestations de solidarité avec les manifestants du Caire cependant, qu’au contraire, le Hamas, très proche des Frères musulmans autorise des manifestations anti-Moubarak.

Et c’est là qu’apparaît la difficile cohabitation de la notion de démocratie dans les sociétés marquées par le Coran, comme en témoigne la situation chaotique actuelle tant en Irak qu’en Afghanistan, indépendamment du fait que bon nombre de régimes autocratiques d’Afrique, du Moyen Orient ou d’Asie se placent sous l’autorité de la Charia.

Si l’on a pu reprocher au président français une vue par trop pessimiste du monde africain, lors de son discours de Dakar, en juillet 2007, dans lequel il a considéré que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. » il faut, à l’opposé, nous semble-t-il, considérer que le président Obama, dans son discours du Caire, en juin 2009, a fait preuve de beaucoup d’angélisme dans sa description des potentialités de l’islam dans ses rapports avec le monde occidental.

Nous sommes encore loin d’avoir les uns et les autres une même conception de la démocratie, au même titre qu’il n’y a pas très longtemps, encore, il y avait, d’un côté, le modèle démocratique occidental et de l’autre, le modèle « démocratique » (sic) « populaire » (qui ne l’était d’ailleurs que dans l’esprit des dirigeants de ces pays).

La décision de Mahmoud Abbas peut également se rattacher à la situation actuelle en Egypte où les masses veulent que l’on fasse plus de place à la voix populaire et, il pense, sans doute, qu’en organisant des élections il donnera, au moins, en apparence, une teinture plus démocratique à son régime, qui n’a pas connu d’élections depuis 2006.

Cela lui permettra, également, de se décerner, ainsi, un brevet de vertu démocratique, au moins à l’échelon local, sans pour autant risquer, effectivement, sa propre autorité sur l’ensemble des territoires ayant vocation à constituer l’Etat palestinien, en affrontant l’ensemble du collège électoral palestinien.

Pour terminer, nous voudrions insister sur une valeur, qui nous paraît essentielle, dans un régime démocratique – et qu’exprime d’ailleurs fort bien la convention européenne des droits de l’homme de 1950 – à savoir qu’un tel régime se doit – au risque d’établir quelques limitations à certaines libertés (d’opinion, d’expression, de réunion…) – de prévoir des interventions de l’autorité publique en vue d’assurer la protection des droits et libertés d’autrui.

Les droits et libertés de chacun ont nécessairement pour limites les droits et libertés d’autrui.

De même, l’onction donnée par le suffrage populaire ne peut pas servir de justification à n’importe quelle conception des rapports entre les individus que ce soit sur le plan interne que sur le plan international.

Ainsi, pas plus que l’arrivée de Hitler au pouvoir, dans le cadre du régime démocratique de la République de Weimar, n’a pu servir de caution durable aux tentatives d’hégémonie de l’Allemagne hitlérienne, pas plus l’accession au pouvoir, grâce au succès électoral, d’Ahmadinedjad en Iran ou du Hamas dans les Territoires palestiniens ne donne, de nos jours, une quelconque légitimité à leur prétention quant à la remise en question du droit à l’existence de l’Etat d’Israël.

Le nombre ne fait pas la loi, car, au dessus des urnes, il y a des valeurs fondamentales, de caractère universel, qui doivent être respectées.



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