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Une initiative malheureuse
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 25 août 2010

On ne rendra jamais assez hommage au remarquable travail de mémoire accompli par les dirigeants et les animateurs du Mémorial de la Shoah (ex-Mémorial du martyr juif inconnu) et du Centre de documentation juive contemporaine. Mais , ce n’est pas une raison pour faire preuve de complaisance face à une erreur de « casting », en l’espèce l’exposition sur Irène Némirovsky, programmée pour le mois d’octobre.

Dans la présentation de cette « importante » exposition, le directeur du Mémorial indique qu’il s’agit de rappeler « ce que fut cette femme à la personnalité complexe et discutée, qui jamais ne voulut renoncer à son droit d’écrire et d’être publiée ».

Or, il y a près de 6 ans, au lendemain de l’attribution, à titre posthume, du prix Renaudot pour « La suite française », nous avions, ici même, déploré l’honneur ainsi fait à une femme qui avait à de nombreuses reprises, tant avant la guerre que pendant l’occupation (avant sa déportation ) fait preuve d’une « haine de soi » (v. notre chronique du 23 novembre 2004 : « Irène Némirovsky : des mots qui blessent »).

Les organisateurs de l’exposition à Paris se targuent d’un partenariat avec le Museum of Jewish Heritage de New York, qui avait accueilli, une première exposition consacrée à cet auteur, en 2008.

Mais l’erreur des uns n’excuse pas pour autant une bévue des autres……

Dans notre chronique, nous nous étions référé à l’excellente préface de Myriam Anissimov à « La suite française » (qui notons le, au passage, n’évoque à aucun moment, ni lors de l’exode, ni ensuite sous l’occupation le sort des Juifs…) pour mettre en évidence cette « haine de soi », dont fit preuve Irène Némirovsky (qui, d’ailleurs, avait décidé, en février 1939, de se convertir au catholicisme, avec ses deux filles).

Myriam Anissimov rappela qu’ Irène Némirovsky avait, dans ses écrits, fait « siens toutes sortes de préjugés antisémites » et, de fait, on est atterré à la lecture des « traits spécifiques prêtés aux Juifs » par l’auteur et énumérés par la préfacière.

De plus, on ne peut qu’être atterré par le fait qu’Irène Némirovsky publia, entre 1940 et 1942, des nouvelles dans le journal antisémite Gringoire.

Même si on peut penser que son mari Michel Epstein, qui comme elle, devait être déporté, essayait par tous les moyens de la tirer des griffes de la Gestapo, on ne peut être que choqué par certains arguments employés dans le courrier, publié en annexe à « La suite française ».

Ainsi, dans une lettre à Otto Abetz, ambassadeur allemand à Paris, Michel Epstein écrit que « bien que ma femme soit de race juive, elle y parle des juifs sans aucune tendresse » (souligné par nous).

Non content de se vanter de la collaboration de sa femme à Gringoire, « dont le directeur…..n’a certainement jamais été favorable ni aux juifs, ni aux communistes », Michel Epstein terminait sa lettre en écrivant : « il me paraît injuste et illogique que les Allemands fassent emprisonner une femme qui, bien que d’origine juive n’a – tous ses livres le prouvent – aucune sympathie ni pour le judaïsme, ni pour le régime bolchevique » (souligné par nous).

De telle sorte que nous estimons – tout en pesant nos mots – que glorifier Irène Némirovsky, du fait qu’elle fut considérée par les nazis comme juive – et massacrée à cause de cela – alors qu’elle avait toujours manifesté la plus grande répugnance pour ses origines, constitue, en quelque sorte, un acte de provocation.

En effet, cela peut conduire l’opinion publique à considérer Irène Némirovsky comme une victime, parmi les autres, de la barbarie nazie à l’égard des Juifs.

Or, elle s’est toujours défendue d’une quelconque appartenance au peuple juif, comme son mari – il est vrai en cherchant à la sauver - a tenu à le souligner.

On ne peut que regretter qu’une institution aussi respectable que le Mémorial de la Shoah ait fait un tel choix.



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