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Une embuscade planifiée / Amos Harel et Avi Issacharof – Haaretz
Revue de la presse israélienne du service de Presse de l’ambassade de France en Israël
Article mis en ligne le 4 août 2010

Le fait que ce soient des soldats libanais, et non des hommes du Hezbollah, qui aient tué hier après-midi un commandant de bataillon de Tsahal à la frontière nord, est la principale raison pour laquelle Israël a réagi avec mesure à la provocation. On peut supposer que si l’organisation chiite avait revendiqué le meurtre du lieutenant-colonel Dov Harari, Tsahal aurait riposté en attaquant le long de tout le front sud-libanais.

Mais puisque c’est l’armée libanaise qui est responsable de cet acte, de nombreux efforts sont faits actuellement pour calmer les esprits. L’intervention d’acteurs de la communauté internationale, et notamment du gouvernement américain et des Nations-Unies, devrait permettre de rétablir le calme dans le nord, après l’incident le plus grave qu’ait connu la frontière depuis la fin de la deuxième guerre du Liban, il y a quatre ans.

L’incident a eu lieu aux environs de 12 h 10, face au kibboutz Misgav Am, alors que des soldats du génie et de l’infanterie de Tsahal opéraient à la limite de l’enclave entre la clôture frontalière et la frontière internationale (la « ligne bleue ») dessinée par l’ONU après le retrait israélien de 2000. Ces soldats étaient en train d’élaguer des arbres qui bloquaient la vue depuis la clôture. Le lieutenant-colonel Harari, qui commandait l’opération, se trouvait du côté israélien de la clôture, à une certaine distance de la grue utilisée par les soldats. Selon le commandant militaire de la région nord, le général Gadi Eizencot, seul le bras de la grue dépassait la clôture, pénétrant un demi-mètre à l’intérieur l’enclave. Des tireurs d’élite positionnés du côté libanais ont alors ouvert le feu, tuant le lieutenant-colonel Harari et blessant grièvement un commandant de compagnie, le capitaine Ezra L akia. Harari est la première personne à être tuée le long de la frontière nord depuis la fin du mois d’août 2006.

Tsahal a réagi en ouvrant le feu et les soldats libanais se sont enfuis de lieu de l’incident. Une demi-heure plus tard, des roquettes RPG ont été tirées vers un char israélien. Tsahal a alors pris pour cible les tireurs pendant que l’artillerie et des hélicoptères bombardaient un poste de commandement régional et des positions de l’armée libanaise. Selon des sources libanaises, trois personnes ont été tuées dans ces attaques, deux soldats et un journaliste.

Hier il a été décidé que le cabinet restreint de sécurité se réunirait dès ce matin pour débattre des derniers événements dans le nord ainsi que du tir de roquettes vers Eilat avant-hier.

L’armée libanaise et le Hezbollah se sont eux bien gardés de tirer des roquettes ou des obus de mortier vers Israël. Au Liban on a accusé Israël de provocation, mais le commandement de Tsahal a insisté hier sur le fait que l’armée israélienne n’avait pas violé, ne serait-ce que d’un millimètre, la souveraineté libanaise. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui prononçait hier soir un discours à l’occasion du quatrième anniversaire de la deuxième guerre du Liban, a déclaré que son organisation était prête à se joindre aux opérations contre Israël mais ne l’a pas fait, n’ayant pas obtenu l’autorisation de l’armée libanaise.

Le long de la clôture frontalière on trouve plusieurs dizaines d’enclaves semblables, dont la largeur varie de quelques dizaines de mètres à plus d’un kilomètre. Tirant les leçons de la dernière guerre (l’enlèvement des réservistes israéliens, qui avait déclenché la guerre, avait été commis grâce aux cellules implantées par le Hezbollah dans une de ces enclaves), Tsahal s’efforce depuis 2006 d’y manifester sa présence.

Toute opération à l’intérieur ou en marge d’une enclave est annoncée préalablement à la FINUL, qui en fait part à l’armée libanaise. C’était aussi le cas hier. Mais depuis plusieurs mois, les Libanais ont adopté une ligne agressive à l’égard de forces israéliennes postées le long de la frontière, surtout autour des enclaves. A plusieurs reprises on a vu des soldats libanais pointer leurs fusils ou leurs lance-roquettes en direction des soldats israéliens. Dans le même temps, la coopération entre l’armée libanaise et la FINUL s’est nettement réduite. Selon des responsables israéliens, le Hezbollah échauffe les esprits au plus haut niveau de l’armée libanaise dont les commandants ont fait à plusieurs reprises l’éloge de la « résistance » contre Israël.

Hier, pour la première fois depuis trois ans, cela s’est terminé par un affrontement direct avec l’armée libanaise. Au sein du commandement militaire de la région nord on attribue aussi la multiplication des incidents à des changements de personnes et notamment par la nomination à la tête du 9ème régiment de l’armée libanaise, qui était impliqué dans l’incident d’hier, d’un officier chiite proche du Hezbollah.

Tsahal estime que l’incident est le résultat d’une initiative locale d’officiers de l’armée libanaise, des commandants de compagnies, de bataillons ou de régiments, sans qu’il y ait eu une intervention directe du Hezbollah. Les forces libanaises s’étaient déployées sur les lieux de l’incident pour, semble-t-il, « bomber le torse » face à Tsahal. Il est possible que le commandant du régiment ait donné directement l’ordre de tirer, mais il est également possible qu’un officier subalterne sur le terrain ait compris que c’était ce que souhaitait son supérieur. Quoi qu’il en soit, cela ressemble plus à une embuscade tendue aux soldats israéliens qu’à un incident spontané, ce qui pose la question : Comment se fait-il que Tsahal n’ait pas su qu’une telle embuscade était prévue, alors que des médias libanais avaient été prévenus et se trouvaient sur place ?

Le fait que l’armée libanaise soit responsable de l’incident pourrait contribuer à calmer les esprits, car le gouvernement libanais n’a pas intérêt à déclencher un conflit militaire avec Israël. Israël semble souhaiter lui aussi un retour au calme. Une guerre en pleine période de grandes vacances, alors que le nord du pays est submergé de touristes, est le cauchemar des habitants de Galilée. La manière mesurée dont Tsahal a réagi, sur l’ordre de l’échelon politique, soulève cependant une controverse au sein de l’armée où des officiers supérieurs estiment qu’il aurait fallu riposter avec plus de force.

Aujourd’hui se réunira à Naqoura, du côté libanais de la frontière, la commission commune à la FINUL, Tsahal et l’armée libanaise, pour débattre des plaintes réciproques des deux camps suite à l’incident.

Le principal problème est que dans cette crise intervient un acteur supplémentaire, le Hezbollah, qui se trouve ces dernières semaines dans une situation inconfortable, certains de ses hauts responsables devant prochainement être inculpés pour leur implication dans l’assassinat de Rafiq Hariri. Il est probable que le Hezbollah se contente des affrontements d’hier, qui ne lui ont causé aucun dommage, seule l’armée libanaise en ayant payé le prix. On ne peut s’empêcher de penser que Nasrallah a de bonnes raisons d’être satisfait.

Jusqu’à cette semaine, et malgré la flottille vers Gaza, Israël connaissait l’été le plus calme depuis des années. A ce stade, on ne peut établir de lien entre les tirs de roquettes vers Eilat et Aqaba avant-hier et l’incident à la frontière nord. Mais l’accumulation de tels incidents (qui s’ajoutent aux tirs des roquettes vers Ashkelon et Sdérot le week-end dernier) augmente la tension dans la région. Comme si cela ne suffisait pas, au Liban on s’attend en fin de semaine à l’annonce du départ de la flottille à destination de Gaza. Il faudra semble-t-il un effort de toutes les parties impliquées, et notamment du gouvernement américain, pour empêcher une nouvelle hausse de la tension.



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