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Ca vient bien d’en haut… et c’est grave
Par Ilan Tsadik © Metula News Agency - Avec le concours actif lors de l’enquête d’Etienne Duranier et de Stéphane Juffa
Article mis en ligne le 2 juin 2004

Il y a le feu, mes sœurs, allons donc tout de suite à l’essentiel : Depuis le 12 mai dernier, dans l’exercice du plan tolérance zéro pour les actes antisémites - appliqué principalement par les forces de l’ordre et par les tribunaux, qu’ils disaient - une décision de la justice française fait jurisprudence :

Il est désormais absolument légal d’affirmer publiquement que le peuple d’Israël ou la nation d’Israël (c’est laissé au choix des racistes) est un peuple ou une nation de sadiques !

Ce n’est pas tout - tolérance zéro ou pas tolérance zéro, Germaine ! - celui qui lève le doigt et qui s’adresserait à un tribunal pour se plaindre de ce que des zintellos de la première platebande et des zéludupeuple puissent publier des théories assurément nazies dans le quotidien de référence de la république fraaaanssaize se verra condamner à verser à chacun des maîtres racistes et au directeur de le Monde la somme de 2’000 Euros. Et na ! Non mais ils vont quand même pas se croire permis de faire la loi chez nous, ces métèques, ces juifs errants, ces pâtres grecs…

Sadiques, va ! Oui, tous ! Vous vous « êtes transformés en deux générations non seulement en »peuple dominateur et sûr de lui« mais, à l’exception d’une admirable minorité » - thon nous afons nous mhême hétapli la lizt natürellement - « en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier ».

C’est du sociologue Edgar Nahoum dit Morin, du député européen Sami Naïr, et de l’écrivaine Danièle Sallenave et c’était dans le Monde du 4 juin 2002, sous le titre « Israël-Palestine : Le Cancer ». Morin, c’est pas lui qui a choisi, c’est le nom qu’il avait dans la résistance, pendant que beaucoup de Françaises n’opposaient à l’envahisseur teuton qu’une résistance symbolique, et donnaient aux Nazis 200’000 « fils de Boches », dont l’existence allait se révéler comme autant d’authentiques calvaires. Ilan a essayé de calculer le nombre de coïts hitlériens qui ont rompu le silence des nuits de la campagne française durant l’occupation - il y avait aussi des surhommes qui connaissaient l’usage de la capote anglaise, il est vrai, certes, mieux que l’exercice du retrait volontaire - et Ilan arrive à un nombre hallucinant de salopes. Lui a gardé Morin, ça fait cow-boy et ça me donne des idées ; moi, à l’armée des sadiques génocidaires de la ville d’Oradour-sur-Jénine (50 morts dont 27 sadiques), on m’appelle Cochise. Et si je signais désormais mes articles du nom de Cochise Tsadik ou Cochise Lévi, d’après le nom de jeune fille de ma mère. Hé hé.

Trêve de digressions légères, l’affaire est épouvantablement tragique. Elle marque en passant la victoire brillante d’Edwy Plenel et de ses efforts incessants pour obtenir le droit de haïr les Juifs en public. Grand moment pour la liberté d’opinion s’il en fut que cet immense journaliste a plaidée avec éclat dans les salles du tribunal de Nanterre : On n’a plus seulement le droit de critiquer la politique du gouvernement israélien sans savoir de quoi on parle, et les Juifs, Edwy a même obtenu le droit, qu’en France, soit légalement protégé celui de prêter publiquement des comportements démoniaques à un peuple tout entier (le mépris et la satisfaction à humilier), que ce soit par prédisposition atavique ou par l’aboutissement d’un hypothétique processus d’acquisition évolutive de tels comportements (vous, le peuple juif, la nation d’Israël, vous vous êtes transformés ).

Dire qu’une centaine d’intellectuels s’étaient mobilisés sur les pages du Monde du 30 mars afin de dénoncer - je cite, c’est trop incroyable pour risquer de le déformer - « L’accusation scandaleuse dont était victime Edgar Morin » ! Dire que cette accusation scandaleuse a vu le jour sur la Ména, au travers des articles de Salomon Pardess, « Sois sage, ô ma rumeur » et de celui de Denis Elkoubi, « Ce seraient les juifs qui ont shooté le ballon dans les rosiers ! ». Ces papiers que je cite ont exactement deux ans et c’est leur lecture qui a probablement inspiré France-Israël et l’association Avocats sans frontières à poursuivre Edgar Morin et ses associés.

Je mesure en années-lumière la distance éthique qui nous sépare désormais de ces intellectuels. Maître Aude Weill-Raynal, représentant Avocats sans frontières, qu’un journaliste de la Ména a interviewée hier, lui a raconté qu’au cours du procès elle a questionné un témoin des défendeurs, Jean-Jacques Salomon. Au cours de l’interrogatoire, l’avocate et le témoin se sont mis d’accord sur le fait que « des » Palestiniens commettaient des meurtres sur la personne de civils israéliens. Et maintenant, si je vous disais que « les Palestiniens, tous les Palestiniens » sont des assassins, tenta de questionner la femme de droit, avant d’être vertement interrompue par le témoin trépignant d’indignation, qui lui jeta un : « Mais non, Maître, ce que vous dites est du racisme, du pur racisme ! »

Et comme il avait raison, Salomon, lui qui sans s’en rendre compte, avait illustré le propos d’Avocats sans frontières. Sauf que de prétendre l’inanité que tous les Arabes seraient des assassins dénote d’un racisme infiniment moins virulent que celui dont Morin accuse la nation d’Israël. Dans l’exemple choisi par Maître Weill-Raynal et soumis au jugement de Salomon (j’ai pas pu m’empêcher, chef !), la diffamation raciste porte sur une activité, celle d’assassiner, alors que dans son dol, Cochise Morin nous affuble, nous les Juifs, de deux caractères déviants, le mépris et le sadisme.

La différence est immense : La première diffamation est par essence réversible. Il suffirait que « les » Arabes cessent de tuer, que la guerre s’arrête, pour que le raciste n’ait plus de raison de les prendre pour des assassins (ceci dit, même si l’extrapolation des crimes d’une minorité à un peuple demeure un acte délirant, reste que les crimes existent, donc qu’ils peuvent cesser).

Dans le cas de l’accusation de détenir des caractères nuisibles, innés ou acquis, c’est beaucoup plus compliqué. Parce que les caractères partagés par tout un peuple ça n’existe heureusement pas - c’est l’expression brut de l’idéologie raciste - ils ne peuvent donc disparaître qu’avec la disparition des racistes qui les ont inventés. Cela crée un environnement dans lequel aucun changement conjoncturel et surtout, aucun acte de la part de l’individu ne peuvent plus laver le stigmate apposé par les racistes sur son peuple ou sa nation. Je suis israélien, donc, quoique je fasse, M. Morin, M. Plenel, cent intellectuels et les juges du tribunal de Nanterre admettent l’idée que je serais, de toutes façons, un méprisant et un sadique. Pour qu’ils se rendent compte de l’étendue du délire qu’ils viennent de légitimer, ces gens feraient bien de repenser à l’individu, mené dans un wagon à bestiaux à l’abattoir d’Auschwitz, ayant justement perdu toute identité, toute masse propre, avant même que d’être mort, parce que ses bourreaux attribuaient à son peuple entier des crimes de caractère.

J’ai décidé dans cet article de ne discuter qu’une seule phrase, celle que j’ai reproduite. Le reste de l’article de Morin n’étant qu’un amalgame de billevesées sur le conflit israélo-palestinien, comme on peut en lire sur nombre de publications françaises. Au demandeurs, France-Israël et Avocats sans frontières, qui estiment que cette phrase « vise toute une nation ou un groupe religieux dans sa quasi globalité pour les qualifier de » peuple méprisant ayant satisfaction à humilier « , impute un fait précis attentatoire à la dignité d’un groupe (…) », le tribunal de Nanterre à répondu de façon extraordinaire. Les juges ont recouru au général de Gaulle pour conclure « que dans le premier de ces paragraphes [la phrase. Les demandeurs ont cité une phrase, qu’ils qualifient d’ailleurs d’assertion. Ca n’est en aucune façon un paragraphe ! Ndlr.] articulé autour d’une citation de Charles de Gaulle » peuple dominateur et sûr de lui « , les auteurs, qui exceptent » une admirable minorité « , visent la politique d’Israël, sans stigmatiser pour autant la communauté juive dans son ensemble à raison de son appartenance à une nation ou à une religion, ni lui imputer un fait diffamatoire précis » (sic).

Cet attendu du jugement engage quelques remarques spécifiques de la part d’Ilan :

A. Les mots de De Gaulle, pour désobligeants qu’ils étaient et maladroits dans l’attribution de caractères communs à l’ensemble d’un peuple, ne participaient pas d’une démonisation. Ni le fait d’être « sûr de soi », ni celui d’être « dominateur » ne constituent en effet des caractères monstrueux (vous êtes juste désagréables pour votre entourage domestique).

B. Les juges font encore erreur lorsqu’ils prétendent que le paragraphe de Morin s’articule autour de la citation du général. A bien lire la phrase, on se rend compte que les racistes ont seulement coordonné leur opinion à celle de De Gaulle : « (…) non seulement » en peuple dominateur et sûr de lui « , mais (…) en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier ». Il n’y a donc, pas plus sur la forme que sur le fond, aucune relation entre les propos de l’ancien président français et ceux de Geronimo Nahoum.

C. Pire de la part des juges : Dans l’assertion des demandeurs, - et c’est dans elle seule qu’ils voient « un fait précis attentatoire à la dignité d’un groupe » - et le tribunal est tenu à considérer spécifiquement l’objet de la plainte, il n’existe aucune mention, référence ou même suggestion éloignée, relative à « la politique d’Israël »…

Dans l’un de ses autres attendus, le tribunal de Nanterre affirme, se basant sur la loi sur la diffamation raciste de 1881, que toutes les formes de diffamations n’enferment pas l’obligation de les réprimer. Ainsi la loi ne réprime-t-elle pas tout message à caractère raciste ou assimilé, aussi détestable soit-il. Cette remarque du tribunal est intéressante, se rapportant à l’article diffusé par le Monde et n’excluant, ni qu’il soit détestable, ni qu’il soit raciste, seulement qu’il ne serait pas répréhensible. De manière étonnante, ce point du jugement ne fait pas partie du compte rendu du verdict publié par le Monde, le 13 mai dernier. [lire]

Pour le tribunal, l’accusation de mépris et de sadisme formulée globalement contre le peuple et la nation d’Israël ne constitue pas un fait diffamatoire précis… Mais l’argument qui nous étonne le plus et qui est largement documenté dans le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, c’est qu’« un texte porteur d’un message politique, livrant les analyses et réactions propres devant une situation qui suscite légitimement de vifs débats (…) » ne peut être tenu pour diffamatoire, quand bien même il insérerait de « brefs passages » porteurs de théories racistes dignes, sans l’ombre d’un doute sensé, de la réunion du Wannsee.

Suffit de cette diarrhée judiciaire indigne du XXIème siècle ! Le général Darmon, Président de France-Israël et Maître Weill-Raynal nous ont assuré téléphoniquement qu’ils allaient faire appel. C’est mieux que bien, c’est absolument nécessaire. La situation créée en France par cette jurisprudence est irrespirable : Pour peu qu’on enrobe cela d’un peu de politique et que l’on ânonne quelque théorie haineuse, on peut y écrire impunément, dans un quotidien de large diffusion, que le peuple arabe est un peuple de détraqués sexuels, que la nation chinoise se voue au masochisme, les Allemands sont génocidaires, que les Américains ont le crime dans le sang et que les Juifs sont un peuple méprisant ayant satisfaction à humilier.

Oui mais jusqu’à maintenant, on a osé que la dernière proposition, les autres appartiennent à la fiction. Et ça n’est pas tout ce que j’ai à dire. L’épisode historique constitué par l’écriture de l’article par Morin, sa publication par le Monde, le rejet par un tribunal de la procédure entamée par les associations et leur mise à l’amende concerne, hé comment !, tout démocrate conscient des dangers du racisme et de l’antisémitisme ainsi que, bien évidemment, tous les Juifs qui sont à nouveau accusés publiquement de posséder des caractères communs maléfiques. Cette cascade d’horreurs, malheureusement représentative d’un état d’esprit, fait mieux comprendre le cri de Millière : La France, sous la présidence de Jacques Chirac, est en train de partir en couilles !

Sans les enquêtes de la Ména - 50 sont consacrées à l’affaire Morin-Le Monde ou y font référence, c’est dire laprédominance que nous avons toujours vue dans la discussion de ces arguments. [Accéder aux 50 articles] - et surtout sans le courage des membres de France-Israël et d’Avocats sans frontières, la dignité des Juifs en France serait perdue. Et toute communauté à la dignité qu’elle mérite. Si elle se laisse diffamer, qu’elle devient apathique ou insensible, elle ne mérite pas que d’autres se battent pour elle et d’ailleurs, elle ne l’obtiendrait pas. Hier et avant-hier nous avons été scandalisés, à Métula, d’apprendre de la bouche des représentants (c’est nous qui les avons questionnés, ils ne se sont plaint de rien Ndlr.) des associations qui mènent ce combat juridique qu’elles connaissaient de gros problèmes de trésorerie, que leurs avocats n’étaient pas rémunérés et qu’elles étaient seules au front pour sauvegarder la dignité des Juifs en France.

Nous connaissons ce problème à la Ména et souvent cela me chauffe, pendant que je bouche les tunnels à Rafah, que je vous informe de la situation en grillant mes pauses repas, qu’à peine un demi pourcent de nos lecteurs s’acquittent de leur abonnement à l’agence. Souvent ai-je envie d’emmener Germaine sur mon scooter, et de vous laisser à la lecture du Monde. Que vous ne manquez pas de payer. Geindre ne suffit pas. Les Juifs ont maintenant clairement le choix de se mobiliser afin de stopper la dégénérescence accélérée de la société française ou d’acheter un billet d’avions pour ailleurs. Les Juifs ? Les autres aussi d’ailleurs.



Note :

Stéphane Juffa a consacré la troisième partie de sa série « De l’assassinat ciblé du droit d’une nation à la légitime défense » au procès intenté contre Edgar Nahoum dit Morin, Sami Naïr, Danièle Sallenave et Jean-Marie Colombani, le directeur de la publication du Monde. Je suggère vivement la relecture de cet article afin d’obtenir une vision globale du différend en cours.



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