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Controverse politique consécutive aux élections en Iran
MEMRI
Article mis en ligne le 17 mai 2004

Quelque temps avant les élections législatives iraniennes de février 2004, le Conseil des gardiens a disqualifié des milliers de candidats réformateurs, dont d’influents députés souhaitant être réélus. (1) Suite à cette initiative, les conservateurs ont remporté une majorité absolue au deuxième tour des législatives. (2)

Cette invalidation des candidatures a été fortement critiquée par nombre de députés réformateurs : plus d’une centaine d’entre eux ont décidé de démissionner en signe de protestation. En outre, quelques 80 candidats disqualifiés ont exigé des explications au Conseil des gardiens.

Ces exclusions ont enflammé le conflit pré-existant entre Mehdi Karroubi, président du Majlis (Parlement), et l’ayatollah Ahmed Jannati, secrétaire du Conseil des gardiens . Voici un résumé d’articles iraniens portant sur cette invalidation de masse et ses suites :


L’ayatollah Jannati : Il est « illogique » d’exiger des explications

Dans son sermon du 23 avril 2004, l’ayatollah Ahmed Jannati, secrétaire du Conseil des gardiens, a qualifié d’ « illogique » l’exigence d’explications détaillées des candidats réformateurs, précisant que le Conseil ne répondrait pas à cette requête. Parallèlement, Jannati a déclaré que le Conseil ne s’expliquerait que si le Pouvoir judiciaire, lui aussi conservateur, l’invitait à le faire.

Jannati a affirmé qu’il était « illogique qu’un groupe de candidats disqualifiés remette en question les décisions prises par le principal organe décisionnaire - apte à débattre de décisions et à trancher sur les problèmes liés à l’invalidation des candidatures (…) Les élections législatives du 20 février représentent en fait une claque aux ennemis [de l’Iran], et une grande victoire pour l’islam (…) » (3)

Jannati a expliqué en termes vagues que le rejet de candidats était du à « la corruption morale et financière, l’espionnage et la sécurité, la contrebande et des problèmes de ce type. » (4)


Le président du Majlis réclame une enquête générale

Dans un discours au Parlement, le président du Majlis Medhi Karroubi a critiqué la déclaration de Jannati, l’appelant à éviter les « généralisations, les fausses accusations et la calomnie ». Karroubi a souligné que « M. Jannati n’a pas d’arguments logiques sur la question. Il aurait du se montrer courageux et avouer que l’exclusion massive de candidats aux élections du septième Majlis avait été planifiée à l’avance et était d’ordre politique (…) Avant même les élections, nous avions déclaré que les droits d’un certain nombre de candidats avaient été bafoués. »

Karroubi a demandé une enquête général, précisant que Jannati devrait en être chargé en tant que secrétaire du Conseil des gardiens. « Ce ne sont pas les dernières élections : il y aura d’autres élections dans les années à venir. En effet, l’architecte de la Révolution islamique [l’ayatollah Khomeyni] a institué la constitution qui appelle à la tenue d’élections nationales. Le dirigeant actif [Khamenei] lui-même a déclaré que les hauts responsables du pays étaient nommés via les élections (…), soulignant que celles-ci devaient avoir lieu au moment prévu et que tous les groupes politiques devaient avoir la possibilité d’y participer. »

« Si un tribunal condamne un homme à recevoir des coups de fouet, ne lui dit-il pas pourquoi ? »

Karroubi poursuit : " J’ai une plainte à adresser aux sources d’autorité. (5) Elles savent que je suis toujours prêt à les défendre, mais elles doivent penser à l’honneur des oulémas. Pourquoi un ouléma [Jannati] peut-il exclure plus de 2000 [candidats], les accuser, les juger et les qualifier de ’corrompus’ ? (…) Nous admettons que parmi ces 2000 candidats, certains soient en effet corrompus (…). Mais pourquoi rejeter les candidatures d’honnêtes gens qualifiés ? Vous devez répondre, même aux personnes incompétentes et corrompues (…)

A quoi cela ressemble-t-il ? Si par exemple un tribunal condamne un homme à recevoir des coups de fouet, ne lui dit-il pas pour quelle raison ? Est-ce qu’on l’attrape par le col pour le fouetter sans explications ? L’imam [Khomeyni] a dit que si un condamné est giflé sous le feu de la colère, il a le droit de punir [celui qui l’a giflé]. De telles accusations ne sont que mépris à l’encontre des oulémas.

Il ne nous reste plus qu’un mois ici [au Majlis]. Mais nous demeurerons toujours en Iran. Je suis né en Iran et, si Dieu le veut, c’est en Iran que je serai enterré. Ici se trouve notre terre, et je dis à la population que ni la religion, ni les oulémas ne sont responsables [des actions de l’ayatollah Jannati]. Par oulémas, j’entends [l’ayatollah] Motahhari, et [les ayatollahs] Beheshti, Bahonar et Khamenei. (6) Par oulémas, je [pense aussi] à l’imam Khomeyni.

Pourquoi autorise-t-on un ouléma [Jannati] à accuser un si grand nombre de personnes d’une telle façon ? Je demande en toute honnêteté : pourquoi M. Astana est-il disqualifié ? Il a été député du troisième au cinquième [Majlis], et candidat aux élections du sixième Majlis. Fait-il partie de ceux qui ont été fouettés et accusés de [corruption] financière ? Doit-il être jugé par le tribunal ?

M. Jannati, veuillez nous répondre : pourquoi avez-vous disqualifié M. Anayat Husseini Boroujerdi, qui est aussi le père d’un shahid [martyr] ? (…) Quel est son crime ? Il avait un enfant qui est devenu martyr (…) Dites-nous pourquoi vous l’avez exclu (…)

Pourquoi vous dressez-vous contre l’honneur des oulémas ? Si vous pensez que je vous accuse, faites appel au tribunal. Je viendrai vous répondre (…) " (7)

Une semaine plus tard, le président Karroubi a de nouveau attaqué le Conseil des gardiens : « Si les invalidations s’étaient basées sur des critères clairement définis, nous n’aurions rien eu à redire. Mais quand les droits d’une catégorie donnée sont bafoués dans le processus électoral, c’est comme si l’on arrêtait un rival à mi-chemin. » Karroubi a ajouté que tous les organes du régime devaient être dirigés par des personnes élues. (8)

Rafsandjani, président du Conseil de Discernement, plus haute instance d’arbitrage du pouvoir : justifiez ces invalidations

Il convient de noter que l’ancien président, et actuel président du Conseil de Discernement, M. Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, figure conservatrice centrale du régime iranien, a accepté la requête de Karroubi, déclarant que les documents réclamés devaient être fournis aux candidats disqualifiés qui souhaitaient une explication. (9)

Le Conseil des gardiens ignore les grandes orientations de l’imam Khomeyni

Dans une lettre de 47 pages adressée à la jeunesse iranienne, le président iranien Mohammed Khatami a aussi mentionné, même si ce n’est qu’indirectement, l’exclusion massive des candidats réformateurs, critiquant la direction du Conseil des gardiens. Khatami a déclaré que certains essayaient de mettre en avant une interprétation traditionaliste de l’islam en se réclamant de l’imam Khomeyni, et d’empêcher toute autre interprétation. « Ces gens veulent priver la société d’une libre pensée, au nom de l’islam. Certains se réclament de l’imam [Khomeyni] au Conseil des gardiens, tout en ignorant les avertissements émis par ce dernier lorsqu’il se trouvait au Conseil des gardiens (…) » (10)

Le ministre de l’Intérieur Musawi-Lari : « Le Conseil des gardiens ne peut agir comme bon lui semble »

Le ministre de l’Intérieur Abd El-Wahid Musawi-Lari, proche du président Khatami, a manifesté son étonnement face aux déclarations de l’ayatollah Jannati : « L’autorité de la loi est transparente. Le Conseil des gardiens ne peut pas agir comme bon lui semble ; il est tenu de donner officiellement les raisons de l’exclusion des candidats (…) » (11)


Réactions des médias : Jannati doit s’expliquer

Dans un éditorial, le quotidien centriste Entekhab demande selon quelle logique Jannati rejette le droit des candidats à connaître les raisons de leur exclusion. Le journal note qu’il est injuste de disqualifier des candidats sans leur donner d’explication officielle. Les raisons avancées par Jannati, estime le journal, sont absolument inacceptables. (12)

Le quotidien réformateur Nassim-e Saba qualifie les propos de Jannati de « très illogiques », ajoutant que « la société toute entière s’en méfie ». (13) Le quotidien réformateur Seday-e-Edalat se demande sur quels critères le Conseil des gardiens base son action, affirmant que Jannati doit rendre compte de ces critères à la population. (14)

Un chroniqueur conservateur : « Le Conseil des gardiens doit présenter les raisons logiques et constitutionnelles de l’invalidation des candidatures. »

Nasser Imani commente, sous sa rubrique du quotidien conservateur Ressalat que, Jannati ayant affirmé que certaines raisons de l’invalidation des candidatures étaient liées à la sécurité, on ne pouvait s’attendre à un rapport détaillé, pour des raisons de sécurité d’Etat. Au sujet des invalidations liées à la corruption morale et financière ou à la criminalité, il explique que les journaux ont déjà largement couvert les crimes de tous les candidats impliqués dans des délits et que la logique de Jannati consiste à dire qu’il n’était pas nécessaire de fournir des explications supplémentaires. « Apparemment », écrit Imani, « la raison pour laquelle le Conseil des gardiens n’a pas publié les raisons [de ces disqualifications] est la peur des conséquences [d’une telle publication]. »

Imani conclut toutefois qu’en raison de « la nécessité d’empêcher les non-croyants d’intégrer le régime, le Conseil des gardiens doit annoncer les raisons de l’invalidation des candidatures, même si la plupart d’entre elles seront ensuite publiées par la population. Le Conseil des gardiens doit présenter les raisons logiques et constitutionnelles de l’invalidation des candidatures. Les avantages dépassent le prix que coûte un tel acte, car ainsi le Conseil des gardiens évoluera du cercle fermé et restreint [qu’il est] vers une position responsable et réceptive - même si une partie de l’arène politique [iranienne] n’accepte pas cette logique. » (15)

(1) Le Conseil des gardiens est un organe conservateur nommé par le Guide spirituel Ali Khamenei. Le Conseil a le pouvoir de déterminer si les décrets du Majlis sont compatibles avec la charia ; il peut révoquer des lois approuvées par le Majlis et disqualifier les candidats aux élections. Les relations entre le Conseil et le sixième Majlis, à majorité réformatrice, étaient tendues.

(2) Le taux de participation électorale de ces élections était très bas, comparé aux années précédentes - s’élevant à près de 50%. Le compte des votes aux élections du Majlis et au sein des autorités locales l’année dernière révèle que les partisans réformateurs ont préféré s’abstenir. Le nombre de votants conservateurs est à près identique à celui des deux dernières élections - s’élevant à près de 20%. Voir la Dépêche Spéciale de MEMRI n° 689

(3) Mardmsalari (Iran), le 24 avril 2004

(4) Aftab-e-Yazd (Iran), le 26 avril 2004

(5) En référence à la jurisprudence religieuse en Iran.

(6) L’ayatollah Mortheza Motahhari est l’un des pères de la Révolution islamique ; il a été assassiné en 1979 au cours d’une attaque des Moudjahidine-e Khalq. L’ayatollah Mohammed Hosseini Beheshti, un autre de ses fondateurs, était le secrétaire-général du parti de la République islamique et a été exécuté, ainsi que 70 membres du parti de la République islamique, en 1981. L’ayatollah Mohammed Javad Bahonar était le second Premier ministre iranien ainsi que le secrétaire général du parti de la République islamique, et fut également assassiné dans un autre attentat de 1981.

(7) Aftab-e Yazd (Iran), le 26 avril 2004

(8) Aftab-e Yazd (Iran), le 3 mai 2004

(9) Jamhouri Eslami (Iran), le 5 mai 2004

(10) Aftab-e Yazd (Iran), le 4 mai 2004 http://khabarnameh.gooya.com/politi...

(11) Aftab-e Yazd (Iran), le 29 mai 2004

(12) Entakhab (Iran), le 25 avril 2004

(13) Nassim-e Saba (Iran), le 28 avril 2004

(14) Seday-e ’Edalat (Iran), April 29, 2004

(15) Resalat (Iran), April 26, 2004

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