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Réactions positives dans les médias arabes à l’Initiative pour le Grand Moyen-Orient
MEMRI
Article mis en ligne le 14 mai 2004

L’Initiative américaine pour le Grand Moyen-Orient, qui implique des réformes économiques, sociales, culturelles et politiques, a placé le sujet de la réforme au premier plan du programme du monde arabe et musulman. Alors que l’Initiative doit être officiellement annoncée au sommet du G8, prévu pour les 8-10 juin 2004 à Sea Island, en Georgie (Etats-Unis), des fuites dans la presse ont déjà entraîné des objections de dirigeants et intellectuels arabes.

Le principal point de désaccord est que la réforme ne peut être imposée de l’extérieur, que la situation propre à chaque pays doit être prise en compte. Un autre argument pivot est que l’Initiative ne mentionne pas le conflit israélo-arabe. La position des Etats-Unis selon laquelle la mise en oeuvre de réformes ne devrait pas attendre l’avènement de la paix entre Israël et les Palestiniens a été rejetée par les dirigeants et les intellectuels arabes - et en premier lieu par le président égyptien Hosni Moubarak, selon qui l’un des obstacles majeurs à la réforme est le conflit israélo-arabe.

Dans un effort pour contrer les initiatives de réforme provenant de pays étrangers, et en particulier l’Initiative pour le Grand Moyen-Orient, plusieurs pays arabes ont proposé des plans de réforme. En mars 2004, l’Egypte, la Jordanie, le Qatar, le Yémen et la Tunisie ont soumis leurs propositions à la Ligue arabe et au Sommet arabe, qui devait avoir lieu en Tunisie fin mars, et où ces propositions devaient composer un seul et même plan représentant une position arabe unifiée.

La Tunisie a toutefois décidé de repousser le sommet deux jours avant la date fixée, et après la réunion préparatoire des ministres arabes des Affaires étranges, en raison, a-t-on rapporté, de profonds désaccords entre les ministres arabes des affaires étrangères sur les questions de la réforme, des droits de l’Homme et de la démocratie. Suite à d’intensives discussions inter-arabes, la date du sommet a été rapportée à la fin du mois de mai 2004 ; son objectif sera de présenter une proposition susceptible de contrebalancer l’Initiative américaine avant que celle-ci ne soit officiellement annoncée.

En dépit du rejet quasi-unanime de l’Initiative américaine par les dirigeants et les intellectuels arabes, d’autres réactions dans les médias arabes révèlent des approches plus positives. En voici quelques exemples :

Le plus grand des mensonges consiste à dire que toutes les nations arabes rejettent l’Initiative

Salleh Al-Qallab, ancien ministre jordanien de l’Information, écrit dans un article du quotidien Al-Sharq Al-Awsat , édité en arabe à Londres : " C’est bien beau de répéter que la réforme politique, culturelle, sociale et économique, qui forme le contenu de l’Initiative pour le Grand Moyen-Orient (…) devrait [prendre en compte la situation] spécifique [à chaque pays] et [provenir de] l’intérieur, se basant sur nos valeurs et notre culture, conformément à l’idée selon laquelle tout ce qui est imposé doit être rejeté, et que le corps lutte de toutes ses forces contre tout ce qui provient de l’extérieur, même contre le traitement d’une maladie incurable (…) Le plus grand mensonge que les adversaires de la réforme essaient de propager au sujet de l’Initiative du Grand Moyen-Orient est que toutes les nations arabes la rejettent, ce qui est inexact.

La vérité est que la plupart des gens dans la région souhaitent le changement et désirent améliorer leur situation actuelle ; ils sont favorables au changement, et certains ne voient pas d’inconvénient à ce qu’il leur soit imposé [de l’extérieur] s’il s’avère impossible [de l’appliquer] de l’intérieur par des moyens pacifiques et la persuasion mutuelle.

Certains éléments dans le monde arabe (…) évitent ces changements tant attendus, affirmant que c’est le peuple qui doit décider quelle réforme il veut, que la décision doit être sienne. Dans certains cas, une telle affirmation suscite dérision et mépris, parce qu’au cours des récentes élections ’libres et démocratiques’ en Irak, auxquelles les Irakiens ont participé en toute liberté (…), 100% des voix sont allées à Saddam Hussein, y compris [celles] des prisonniers et des occupants des charniers (…)

Depuis la Première guerre mondiale (et bien sûr avant) les Arabes n’ont pas eu la possibilité de s’exprimer librement et de manifester leurs préférences politiques autrement que de façon très limitée. Les coups d’Etat militaires, qualifiés de soulèvements populaires par leurs auteurs, ont accentué la répression asiatique dans la région, réduisant au silence tous ceux dont la devise était ’nulle voix ne doit s’élever au-dessus de la voix de la bataille’. Et au nom de la liberté, de l’unité arabe et de la lutte contre l’arrogant impérialisme mondial, ils ont ouvert en grand les portes des prisons et des cimetières. « La réforme venant de l’extérieur, montée sur un tank, sera repoussée (…) Mais le statu-quo ne peut plus durer. » Nous ne devons pas paniquer en entendant parler de réforme et de démocratie dans le cadre de l’Initiative pour le Grand Moyen-Orient ou dans tout autre cadre (…) Il est vrai que la réforme tant attendue, voulue par la nation arabe, n’est pas acceptable si elle arrive de l’étranger sur un tank, et [dans ce cas] la nation luttera contre elle. Mais il est également juste de penser que le statu-quo ne peut plus durer, qu’il ne pourra résister aux vents orageux du changement qui ont commencé à souffler dans le monde entier, à l’Est comme à l’Ouest (…)

Il n’y a rien de mal à tirer des leçons de l’Occident, y compris des Etats-Unis, de ses succès et de son expérience dans les domaines de la réforme, de l’économie, de la philosophie, du développement social, des droits de l’Homme, des droits de la femme et de la lutte contre la corruption et l’extrémisme. Il ne s’agit pas là du monopole d’une nation, mais de réussites humaines auxquelles le monde entier a contribué (…) " (1)

L’Initiative ne devrait pas être rejetée uniquement parce qu’elle vient des Etats-Unis

Jihad Al-Khazen, ancien rédacteur en chef du quotidien Al-Hayat , édité en arabe à Londres, a déclaré : « Les propositions américaines de réforme ne sont pas mauvaises, à moins de prendre en considération les intentions de l’Administration Bush. Elles ne devraient pas être rejetées uniquement parce qu’elles viennent des Etats-Unis. La Déclaration d’Alexandrie vaut toutefois mieux, et si le Sommet arabe l’adopte, ou en adopte une partie, nous serons lancés sur le chemin de la réforme. » (2)

Les initiatives arabes parlent de réformer la Ligue arabe alors que les initiatives étrangères envisagent de réformer le système arabe lui-même

Le Dr Abd El-Hamid A-Ansari, ancien doyen de la faculté de droit islamique à l’université du Qatar, évoque ainsi la différence qui existe entre initiatives de réforme arabes et initiatives de réforme étrangères : " Les initiatives de réforme arabes se concentrent sur la réforme et le développement de la Ligue arabe, comme le montrent [les propositions] pour supprimer l’obligation d’un consensus général concernant les résolutions décisives, la création d’une cour de justice arabe, la création d’un Parlement arabe et les préparatifs pour la création d’un marché commun arabe.

En revanche, les plans de réformes étrangers se focalisent sur la réforme du système arabe et du corps politique arabe (…) en introduisant une réforme essentielle des dispositifs politiques, culturels, sociaux et économiques (…) « Parallèlement, Al-Ansari soutient que les programmes de réforme, qu’ils viennent des pays arabes ou occidentaux, ne vont pas assez loin avec » la pierre angulaire qui sous-tend la structure politique arabe « , et qui consiste en » la notion de conflit avec autrui « . Il affirme que » la notion de conflit et la nécessité du conflit se manifestent dans la priorité donnée aux notions de libération, d’unité nationale, d’identité et d’éveil arabes, aux dépens des notions de démocratie, de développement, de citoyenneté, des droits de l’Homme et de dignité arabe (…) Les insuffisances de la Ligue correspondent aux déficiences de notre culture, qui tend à accuser autrui de la situation (…) " (3)

Faire dépendre la réforme de la résolution du problème palestinien est « assurément une tragédie politique et morale ».

Le Dr Abd El-Mounim Saïd, directeur du Centre Al-Ahram pour les études stratégiques et politiques, répond à l’opinion qui veut que les propositions de réforme ignorant le problème palestinien soient inacceptables. Dans un article de l’hebdomadaire égyptien Al-Ahram Al-Arabi , il écrit : " Je n’ai pas été tellement surpris par la déclaration d’un haut responsable arabe émise au cours d’une réunion politique, selon laquelle il n’est pas logique que les Etats-Unis exigent que nous respections les droits humains quand Israël bafoue chaque jour les [droits humains] du peuple palestinien (…) Cette logique s’est imposée de façon inquiétante dans la région arabe (…) Nous nous trouvons assurément en face d’une tragédie idéologique, politique et morale.

Premièrement, [cette opinion] implique que nous avons fait des droits civils des Arabes et du processus de réforme [dans les pays] arabes l’otage du problème palestinien. Depuis 1948, c’est-à-dire depuis 56 ans, ce problème est au programme de tous les pays arabes, et nul ne sait pour encore combien de temps (…) Et pendant tout ce temps (…), les droits du citoyen arabe demeurent suspendus au mur palestinien ; nul ne se soucie de son sort ni de sa vie (…)

Deuxièmement, faire dépendre la réforme et les droits de l’Homme de la résolution du problème palestinien - accordant ainsi la priorité aux droits du citoyen palestinien - confirme les affirmations des personnes selon qui les régimes politiques bafouant les droits de l’Homme prétextent le problème palestinien pour éloigner les regards de leurs propres comportements et actions. [Poser de telles conditions] revient à user de deux poids, deux mesures, en défendant les droits de l’Homme et le bon déroulement des élections aux quatre coins du monde, sans vouloir en faire autant au sein des pays [arabes], car cela serait considéré comme une ingérence étrangère et un affront à la souveraineté arabe (…)

Troisièmement, en faisant dépendre les droits de l’Homme et le processus de réforme politique et économique dans les pays arabes de l’obtention par les Palestiniens de leurs droits, signifie d’une part que nous ne sommes pas sérieux quant au processus de réforme, et d’autre part que l’Arabe n’a pas de valeur indépendamment de la collectivité arabe dans sa globalité (…) Or chaque Arabe et chaque pays arabe a une existence à part digne de respect, et des droits [qu’il convient de] défendre de toutes les façons possibles. Les droits de l’Homme (…) se fondent sur des conventions et des accords internationaux. En outre, ils font intrinsèquement partie des droits naturels de l’individu, lesquels ne peuvent être révoqués du fait qu’un autre pays arabe subit le feu de l’occupation (…)

Les droits de l’Homme sont la source première du pouvoir dans tous les pays du monde. Si nous consultons les archives de tous les pays, nous nous apercevons que les pays les plus modernes, les plus riches, les plus cultivés et les plus puissants sont ceux qui valorisent les droits de l’Homme, multiplient les libertés publiques et assurent une participation [publique] au processus politique de décision. Ce n’est pas un hasard si les pays arabes n’en font pas partie (…) " (4)

(1) Al-Sharq Al-Awast (Londres), le 10 mars 2004

(2) Al-Hayat (Londres), le 7 avril 2004. A la mi-mars, la bibliothèque d’Alexandrie en Egypte a organisé une réunion d’intellectuels pour discuter des réformes nécessaires dans le monde musulman. Les participants ont signé une déclaration appelant à des réformes politiques, économiques, sociales et culturelles, proposant des moyens de les mettre en œuvre. Voir http://www.arabreformforum.com/Engl...

(3) Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 17 mars 2004

(4) Al-Ahram Al-Arabi (Egypte), le 2è mars 2004

L’Institut de Recherche Médiatique du Moyen-Orient (MEMRI) est une organisation indépendante à but non lucratif qui traduit et analyse les médias du Moyen-Orient. Des copies des articles et autres documents cités, ainsi que toute information d’ordre général, sont disponibles sur simple demande.

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