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A propos du projet d’Etat palestinien
Par David Ruzié, professeur émérite des universités,spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 27 août 2009

On ne répètera jamais assez que le droit international ne connaît pas en principe la méthode Coué et qu’il ne suffit donc pas de répéter, à l’envi, que l’on proclame ou que l’on va proclamer un Etat palestinien pour que cela suffise à en assurer l’existence. On est d’ailleurs surpris de constater que lorsque le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a présenté, le 25 août, à la presse un projet de création d’un Etat palestinien d’ici à 2011, quelle que soit l’issue des négociations avec Israël, il ait « oublié » que, déjà le 15 novembre 1988, lors de sa 19ème session extraordinaire tenue à Alger, le Conseil national de l’Organisation de libération de la Palestine (O.L.P.) avait proclamé l’établissement de l’Etat de Palestine.

Cette proclamation restée sans lendemain s’explique parfaitement, car pour qu’il y ait un Etat en droit international, il faut trois éléments et ceux-ci sont loin d’être réunis, en l’espèce :

Tout d’abord, il faut une population, qui veuille constituer une entité étatique. On doit admettre qu’actuellement, il existe bien une population qui aspire à un tel désir.

Mais on ne peut s’empêcher de rappeler que l’existence d’une population palestinienne désireuse de constituer un Etat ne date guère que des années 60. Car, en 1947, la population arabe du territoire sous mandat britannique de la Palestine avait rejeté le plan de partage recommandé par l’ONU et visant à créer un Etat arabe à côté d’un Etat juif sur ce territoire.

Il est vrai que le facteur temps joue un rôle de moins en moins important en droit international (v.par exemple la formation accélérée d’une règle coutumière), mais on ne peut s’empêcher d’évoquer la notion de « génération spontanée » lorsqu’on évoque la création de la notion de peuple palestinien, d’autant plus que l’idée d’une « nation » (ouma) arabe est souvent émise au Moyen Orient. Et, par ailleurs, une partie importante de la population « palestinienne » est venue des territoires limitrophes, durant l’entre-deux guerres, tandis qu’inversement, plus de la moitié de la population de la Jordanie est d’origine palestinienne.

Mais ce n’est pas le facteur humain qui soulève le plus de problèmes.

Car, en second lieu, il faut un gouvernement qui exerce son autorité sur un territoire.

Et c’est là que le bât blesse, en raison de la situation interpalestinienne.

En effet, le pouvoir de Mahmoud Abbas président de l’Autorité (sic) palestinienne, qui s’appuie sur le Fatah, est largement contestée par le Hamas, qui peut, lui, se prévaloir de sa victoire aux élections législatives de 2005, victoire qu’il a concrétisée, sur le terrain en établissant son autorité sur le territoire de la Bande de Gaza, qui a vocation à constituer l’une des deux composantes d’un Etat palestinien.

Ainsi, pratiquement, la bande de Gaza est sous l’autorité du Hamas et la Cisjordanie sous celle du Fatah….

De telle sorte, qu’avant même d’être créé l’Etat de la Palestine est en proie à une rivalité entre deux factions politiques qui, n’hésitent pas, le cas échéant, à recourir à la violence pour régler leur contentieux.

S’il est vrai qu’il y a parfois des difficultés au sein d’Etats déjà établis en cas de rivalité entre autorités politiques, cette situation est d’autant plus fâcheuse, lorsqu’il s’agit de proclamer un Etat, qui ne peut et ne doit parler que d’une seule voix.

On serait presque tenté de dire qu’il y a deux « Etats palestiniens en devenir », l’un à Gaza et l’autre en Cisjordanie.

Notons, également, au passage que le terme de « gouvernement » ne doit pas être pris seulement au sens restrictif d’autorité politique, mais qu’il s’agit également pour une entité, qui prétend à la qualité d’Etat, d’être en mesure de mettre des services publics à la disposition de la population pour répondre à leurs besoins.

Or, là encore la situation est loin d’être satisfaisante du côté palestinien.

A Gaza, sans l’aide humanitaire la population serait encore plus démunie qu’elle ne l’est actuellement, car, manifestement, le Hamas organise, à dessein, la pénurie, même s’il est vrai que le « blocus » israélien auquel l’Egypte refuse toujours de pallier, ne facilite pas les choses.

Et en Cisjordanie, la situation s’est certes améliorée, notamment au niveau de la sécurité et du maintien de l’ordre (également avec l’aide internationale), mais il y a encore beaucoup à faire, comme le reconnaît Salem Fayyed, puisqu’il ne lui a pas fallu moins d’une soixantaine de pages pour dresser le programme à mettre en œuvre dans les deux ans qui viennent.

Reste, alors, la troisième condition, dont la partie palestinienne (unifiée ou divisée) n’est pas seule maîtresse : il faut un territoire, pour délimiter, géographiquement l’étendue sur laquelle s’étendra l’autorité du gouvernement du nouvel Etat.

Et là, le Premier ministre palestinien s’engage quelque peu témérairement, en évoquant un Etat « sur les frontières de 1967, dont la capitale sera Jérusalem ».

Car, il faut tenir compte des droits légitimes de l’Etat d’Israël.

Or, il n’y a jamais eu de « frontières de 1967 » (mais seulement une ligne de cessez-le-feu, qui ne peut servir que de base de discussion) et Israël n’a, d’ailleurs, établi ses frontières au sud et, partiellement, à l’est, avec, respectivement l’Egypte et la Jordanie, que dans le cadre de traités de paix négociés bilatéralement,

De même, s’agissant de Jérusalem, les Palestiniens ne peuvent, unilatéralement, en revendiquer la souveraineté, même partiellement, alors que la ville n’a jamais joué un rôle politique dans toute l’histoire du monde musulman.

Là encore, il faut tenir compte des intérêts d’Israël, dans le cadre d’une négociation, qui ne peut se mener sous la menace d’une reprise généralisée de la violence (car, sporadiquement, celle-ci n’a jamais cessé…).

Et la référence à la lutte armée, qui subsiste dans la Charte du Fatah n’est guère plus encourageante que le refus du Hamas de reconnaître Israël.

Et il est, alors, temps de souligner qu’un Etat existe, dès lors qu’il remplit les conditions nécessaires à son existence, indépendamment de toute reconnaissance par les autres Etats, la reconnaissance n’ayant aucun effet créateur de droits.

La reconnaissance n’a qu’une valeur symbolique, de nature politique, qui témoigne de la prise en compte de l’existence d’un nouvel Etat sur la scène internationale, de renoncer, ainsi, à la contester et qui peut, également, implicitement, laisser entrevoir l’établissement de relations avec la nouvelle entité.

Même une large « reconnaissance » ne peut pallier l’absence de tous les éléments constitutifs de l’Etat.

C’est bien ce qui est déjà advenu de la déclaration de l’OLP de 1988.



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