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Lettre ouverte à Farouk Hosny
Richard Prasquier, président du CRIF (publié dans Libération du mercredi 15 juillet 2009)
Article mis en ligne le 15 juillet 2009

Longtemps je ne me suis pas publiquement exprimé par rapport à votre candidature au poste de Directeur Général de l’UNESCO. J’ai suivi vos déclarations, passées et présentes, j’ai lu vos justifications, j’ai rencontré vos collaborateurs, j’ai pris acte de vos promesses. Je sais que vous être soutenu par de puissants groupements, comme la Conférence Islamique Mondiale ou l’Union Africaine, que certains pays européens et Israël lui-même ne manifestent pas d’opposition absolue à votre candidature.

Les calculs de la realpolitik et l’implicite géographique de la rotation des postes à l’Unesco vous sont favorables. Et puis, vous avez publiquement et « solennellement » regretté « les » mots que vous avez prononcés (lesquels ?), comme étant à l’opposé de ce que vous croyez et de ce que vous êtes. Vous avez proposé de prendre des initiatives de traductions de certains écrivains israéliens, d’accès aux registres communautaires des Juifs égyptiens ou de diffusion d’ouvrages sur la Shoah. On sait le rôle déterminant que joue l’Egypte dans les négociations au Proche Orient, la libération de Gilad Shalit et la lutte contre le terrorisme islamiste. Bref, vous faites valoir vos arguments et vous avez de bonnes chances d’être élu.

L’Unesco, écrivez-vous, devrait être un lieu de débat éducatif et intellectuel, permettant de dépasser les clivages communautaires. Vous ajoutez que le choix d’un Egyptien, un arabe, un musulman serait un magnifique message d’espoir. Pourquoi pas, mais compte tenu de votre passé, je crois que le choix de Farouk Hosni serait un terrible signe de complaisance.

Faut-il recevoir comme un message d’espoir vos paroles au journal Ruz Al Yusuf ? : « les Juifs volent notre histoire et notre civilisation ; ils n’ont pas eux-mêmes de civilisation ; ils n’ont pas de pays et ne méritent pas d’en avoir. Donc ils essayent de créer un pays par la force ». Ces paroles datent de 1997, 4 ans après les accords d’Oslo et avant la dernière intifada. Vous n’étiez soumis à aucune pression psychologique ou morale particulière à cette époque. Est-ce là le dépassement des clivages communautaires que vous prônez ? Il y a un mot pour un texte comme celui-ci : antisémite. En convenez-vous ?

Vous vous honorez d’avoir récemment invité Daniel Barenboim à un concert au Caire, comme s’il s’agissait d’un exploit remarquable. Pour qui connaît l’engagement de ce grand musicien pour la cause palestinienne, le fait même que ce concert ait été si difficile à monter, parce qu’il est Juif, montre bien le poids accablant des préjugés antisémites dans votre pays. En tant que Ministre de la Culture depuis tant d’années qu’aviez-vous fait pour vous y opposer ? Et ne pensez-vous que vos déclarations ont contribué à renforcer ce climat ?

C’est pendant que vous exerciez vos fonctions que le négationniste Roger Garaudy a acquis la gloire dans votre pays, pendant vos fonctions que les Protocoles des Sages de Sion, ce faux avéré, a prospéré dans les librairies Jamais vous n’avez envisagé de l’interdire, vous qui avez suggéré -dans un moment d’égarement, dites-vous, espérons que c’est vrai, mais quelle horreur !- de brûler les livres israéliens. Votre conception de la liberté d’expression pendant bien des années a été très unilatérale. Je sais, vous avez restauré des synagogues, ces dernières traces d’une communauté juive entièrement chassée de votre pays et dont certains membres pouvaient faire remonter leur présence bien avant l’Islam, mais qu’avez-vous fait pour le respect envers le judaïsme vivant ?

Il a quelques semaines, à la Télévision égyptienne, une jeune femme certainement pas islamiste, a conseillé aux Arabes de violer le plus possible de femmes juives, pour punir les Juifs du « viol de la terre arabe ». Le journaliste n’a pas protesté. Vous, ministre de la culture, avez-vous réagi ?

Vous considérez que le sort fait à la Palestine est tellement horrible qu’il justifie des dérapages verbaux. Mais avez-vous été préoccupé des dizaines de conflits aux conséquences humaines bien plus terribles et qu’un homme de culture comme vous ne saurait accepter ? Les massacres au Darfour ont-ils fait déraper votre langage et avez-vous refusé de coopérer avec votre collègue soudanais ?

Je sais que vous êtes hostile au voile et que vous êtes très critiqué par les islamistes. Mais n’est-ce pas pour cela que vous avez dû leur donner des garanties sur le caractère impeccable de votre détestation vis-à-vis d’Israël et des Juifs ?

Je sais aussi que vous êtes venu à Paris pour une manifestation à l’UNESCO. Mais votre discours sur la Shoah, où le mot Juif était pratiquement absent, sonnait de façon bien ambiguë. Vous étiez en campagne électorale, étiez-vous en partage de mémoire ?

Le dialogue des civilisations est un beau projet, s’il intègre le caractère universel des Droits de l’Homme. C’est un slogan de propagande s’il promeut l’idée que ces droits doivent varier suivant les pays, les religions et les cultures. C’est un travesti honteux si sous couvert d’antisionisme, il favorise l’antisémitisme : je vous rappelle, Monsieur le Ministre de la Culture, que l’antisémitisme, c’est la haine contre les Juifs et pas contre les personnes qui parlent des langues sémitiques.

Monsieur Hosni, j’aurais aimé vous faire confiance et croire en vos promesses. Mais votre carrière est déjà longue : elle ne vous donne aucune légitimité -c’est un euphémisme- pour le poste prestigieux que vous briguez. Le fait que vous ne le compreniez pas relève de l’impudence ou de l’aveuglement. Et j’ai du mal à croire à votre contrition.

Il ne manque pas, en terre d’Islam ou ailleurs, d’individus dont la vie passée a témoigné de leur engagement en faveur de la fraternité des hommes. Ce sont eux qui méritent ce poste à l’Unesco. Grandissez-vous en vous désistant et en entreprenant dans vos fonctions actuelles un vrai travail de rapprochement entre les peuples. C’est alors que vous montrerez que les valeurs dont vous faites aujourd’hui -mais aujourd’hui seulement- l’apologie vous importent vraiment.



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