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La chute du prix du pétrole : les options de l’Iran
MEMRI Middle East Media Research Institute
Article mis en ligne le 6 novembre 2008

Lors d´une réunion d’urgence de deux heures à Vienne, le 24 octobre, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a décidé de diminuer la production de brut de 1.5 million de barils par jour, à partir du mois de novembre. La réduction de la production est la réponse de l’OPEP à l’effondrement des prix du brut, qui atteignaient 147 dollars le baril en juillet dernier, s’établissent désormais à moins de 60 dollars le baril et semblant devoir continuer à baisser.

Cette réduction de la production est un compromis entre certains pays de l’OPEP, principalement l’Iran et le Venezuela, qui demandaient une diminution de 2.5 millions de barils par jour, et le principal producteur, l’Arabie saoudite, qui a refusé d’être entraîné dans une situation contraire à ses intérêts nationaux et stratégiques.

La position saoudienne

Depuis des semaines, les « faucons » de l’OPEP appellent à la réduction de la production de pétrole afin de stabiliser les prix et peut-être même d’établir un prix plancher entre 70 et 100 dollars le baril. Leur voix s’est fait de mieux en mieux entendre jusqu’à la réunion, les Saoudiens étant délibérément restés silencieux sur le sujet.

Il y a deux raisons à ce silence délibéré. La raison mineure est le refus manifeste des Saoudiens d’afficher la moindre collaboration avec des personnages tels que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad ou le président vénézuélien Hugo Chavez, deux révolutionnaires anti-américains dont les politiques sont vouées aux gémonies par les Saoudiens conservateurs. La raison principale est l’anticipation par l’Arabie saoudite d’un éventuel conflit avec l’Iran, son rival du Golfe. Les Saoudiens sont préoccupés depuis plusieurs années maintenant par l’influence stratégique grandissante de l’Iran et ses desseins d’hégémonie régionale dans le Golfe et dans nombre de pays arabes, au premier rang desquels l’Irak, la Syrie et le Liban.

La baisse brutale des prix du pétrole fournit aux Saoudiens l’occasion de nuire à l’Iran et de contrarier ses ambitions d’hégémonie régionale - en conservant un niveau de production élevé et des prix bas. De manière concrète, la subtile arme saoudienne contre l’Iran est au moins aussi puissante que les sanctions des Nations unies et des Etats-Unis réunies. Un Iran plus faible économiquement signifie un Iran plus faible politiquement et stratégiquement, et en conséquence une moindre menace pour la région du Golfe.

Une nouvelle source de conflit entre l’Iran chiite et nombre de pays sunnites au Moyen-Orient (principalement l’Arabie Saoudite, mais également l’Egypte, la Jordanie et les pays arabes du Golfe) est dernièrement apparue. Ces pays sont préoccupés par les tentatives iraniennes de prosélytisme chiite à grande échelle chez les sunnites, le chiisme étant perçu par la majorité des sunnites, et plus particulièrement par les wahhabites en Arabie saoudite, comme une fausse religion dont les pratiquants sont des apostats.

Les implications de la baisse des prix du pétrole

Selon une étude récente du Fonds monétaire international (FMI), pour que l’Iran équilibre son budget, le prix du pétrole brut ne doit pas descendre en dessous de 95 dollars le baril. Le chiffre correspondant pour l’Arabie saoudite est de 50 dollars le baril, et il est encore plus bas pour les Emirats arabes unis et le Qatar. Il faut garder à l’esprit que le pétrole iranien est meilleur marché que le « West Texas Intermediate », de meilleure qualité.

Les pays dont l’économie repose sur les ressources naturelles, telles que le pétrole, mettent généralement en place un fond de stabilisation afin de conserver des profits occasionnels, tels ceux engrangés lorsque le baril de pétrole dépassa les 140 dollars - pour pouvoir les utiliser en cas de choc économique, comme un brusque déclin du prix de la ressource.

L’Iran a établi un tel fonds, devant être géré par sa banque centrale. Il est apparu, cependant, que le président Ahmadinejad a puisé trop souvent dans cette caisse, causant la démission de deux gouverneurs de la Banque centrale d’Iran en à peine plus d’un an. Le montant des avoirs du fonds de stabilisation iranien sont tenus secrets ; cependant, un membre du Majlis (parlement) a récemment révélé que le pays disposait d’une réserve de 7 milliards de dollars, ce qui ne pourrait couvrir plus que le coût des importations d’essence sur un an.

La chute brutale des prix du pétrole limitera la capacité d’Ahmadinejad de tenir sa promesse électorale d’aider financièrement les ménages iraniens. Pour l’année iranienne passée (s’étalant de mars 2007 à mars 2008) les revenus pétroliers iraniens ont été estimés à 80 milliards de dollars. Si les prix demeurent à leur niveau actuel de 60 dollars le baril, les revenus iraniens de l’année à venir devraient diminuer pour atteindre 64 milliards, signifiant un déficit budgétaire compris entre 7 et 30 milliards. Les sanctions des Etats-Unis et des Nations unies contraindront l’Iran à recourir à des moyens détournés pour répondre à ses besoins. La presse iranienne a dernièrement produit des articles aux titres aussi peu équivoques que « La fin de la fête du pétrole », ou « La faillite de l’OPEP ». (1)

Les options de l’Iran

Les revenus pétroliers constituent 80% des échanges de l’Iran. Si les prix du pétrole continuent à plonger dans le contexte de la crise économique mondiale – une crise qui n’en est peut-être qu’à ses débuts –, l’Iran, à la différence des pays arabes producteurs de pétrole disposant de solides fonds souverains pour atténuer les effets de la crise sur leurs économies nationales, pourrait avoir à affronter des événements déstabilisants menaçant la survie du régime.

Sur le front économique, l’Iran pourrait recourir à la suppression des subventions sur le pétrole et restreindre l’importation de biens de consommation non essentiels afin de conserver des devises étrangères. En réalité, les nouvelles parvenant d’Iran la semaine dernière suggèrent que les deux mesures sont prises en considération.

L’Iran pourrait également réintroduire une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 3%, qu’il a été obligé de suspendre après que les commerçants, dans les bazars politiquement influents, eurent fermé leurs magasins en signe de protestation, arguant que la TVA aggraverait l’inflation qui atteignait déjà 29.6% en octobre. (2)

Le prix du pétrole est déterminé par les facteurs jumeaux que sont l’économie et la psychologie. Les facteurs économiques sont déterminés par l’offre et la demande, et lorsque la demande chute, les prix suivent rapidement. Mais les prix du pétrole sont également sensibles aux facteurs psychologiques, tels que la perception de menaces pesant sur les routes d’approvisionnement ou les fournisseurs. Dans le dernier cas, l’Iran peut chercher à générer une crise qui ramènerait les spéculateurs pétroliers en nombre et engendrerait une hausse des prix. Ainsi, l’Iran pourrait choisir l’une des options suivantes pour détourner le mécontentement national vers l’extérieur en engranger simultanément des gains économiques :

Premièrement, l’Iran pourrait susciter une escalade du conflit en Irak, ce qui priverait le marché de l’approvisionnement des 1.5 ou 2 millions de barils par jour de l’indispensable brut léger de Bassora. Le religieux chiite Moqtada Al-Sadr, avec son Armée du Madhi financée par l’Iran, est un fauteur de trouble potentiel capable de mener une telle mission pour le compte de l’Iran. Celui-ci pourrait utiliser ses nombreux agents au Sud de l’Irak pour saboter les pipelines qui acheminent le pétrole irakien vers le port d’Oum-Qasr. Dans une tentative désespérée, l’Iran pourrait causer un incident avec l’un des navires américains patrouillant près des plates-formes pétrolières irakiennes.

Deuxièmement, les Gardiens de la Révolution pourraient saboter un pétrolier dans le détroit d’Hormuz au prétexte fragile que le navire aurait violé les eaux territoriales iraniennes. Un tel acte accroîtrait sensiblement les tensions et augmenterait considérablement les primes d’assurance ou découragerait les pétroliers de transporter le pétrole du Golfe.

Troisièmement, l’Iran pourrait être l’instigateur d’un conflit entre Israël et le Hezbollah, qui ferait plonger le Moyen-Orient dans un nouveau conflit militaire susceptible d’impliquer la Syrie (l’allié stratégique de l’Iran dans la région). Les conflits armés au Moyen-Orient se traduisent rapidement par une augmentation des prix du pétrole, avec ou sans récession. (3)


(1) Al-Sharq, Qatar, 24 octobre 2008

(2) Le régime peut également ne rien faire, expliquant aux Iraniens que les difficultés économiques sont issues d’un malaise mondial et que la situation est incontrôlable.

(3) L’Iran pourrait également accélérer son programme nucléaire, allant jusqu’à dévoiler ou tester l’un de ces éléments nucléaires afin de causer une confusion internationale. Ce scénario ne semble pas des plus probables mais n’est pas impossible dans le cas d’un régime à l’idéologie extrémiste combattant pour sa survie.
 


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