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Les différentes réactions de la presse arabe à l’attentat-suicide d’Erez
MEMRI
Article mis en ligne le 2 février 2004

Le débat arabe et musulman sur l’utilité des attentats suicides se poursuit en 2004. Cette semaine, le cheikh Faysal Mawlawi, vice-président du Conseil européen pour la fatwa et la recherche, a insisté sur la nécessité de distinguer entre le martyre, qui est encouragé, et le suicide, qui est interdit, concluant : « J’appelle tous les Palestiniens à ne pas hésiter à exécuter ce genre d’opérations. » (1) Le 14 janvier 2004, l’attentat-suicide perpétré au passage d’Erez, à la frontière entre Israël et Gaza, par Reem Salah Al-Riyashi, mère de deux jeunes enfants, a suscité des réactions variées dans le monde arabe. En voici quelques-unes :

Les journaux gouvernementaux égyptiens font l’éloge de l’attentat, et accusent les Etats-Unis

Le jour suivant l’attaque, un éditorial du quotidien gouvernemental Al-Gumhouriyya déclare : " La martyre de Gaza, Reem Al-Riyashi, 21 ans, a prouvé une fois de plus hier que le peuple palestinien résiste à la politique israélienne du fait accompli, à la politique d’usurpation de la terre palestinienne et à son encerclement par une barrière d’oppression.

Hier, [Ariel] Sharon a menacé, devant la Knesset, d’imposer un plan de séparation unilatérale aux Palestiniens avant six mois, comptant sur sa maudite barrière, ses violentes forces militaires, l’impuissance internationale pour contenir son comportement raciste fanatique, ainsi que sur le soutien des forces internationales qui suivent la mesure en accusant les Palestiniens de terreur.

Reem, la fille de Gaza, est venue répondre à ces menaces, faire sauter la force israélienne au passage d’Erez ; elle est venue tuer et blesser. Sharon, l’un de ses commandants ou partisans oseraient-ils accuser cette héroïne de terrorisme ?

Le monde entier sait bien que la résistance à l’occupation est le droit légitime de tous les peuples, passés, présents et futurs. [Le monde entier sait bien qu’]aucune force, quelle qu’elle soit, ne peut nier le droit éternel du peuple palestinien. " (2)

Dans un autre éditorial, paru le jour suivant, Al-Gumhouriyya publie : " On exige du peuple palestinien qu’il encaisse sans broncher les coups journaliers administrés par les forces israéliennes contre ses fils, ses institutions et ses produits agricoles, qu’il accepte que le massacre et les barreaux de prison soient le lot de tout Palestinien qui tire sur les forces d’occupation, même si [le projectile] est une simple pierre.

Et si le peuple palestinien refuse d’obtempérer, du point de vue américain, il est coupable de violence et d’opérations terroristes, tandis que ses dirigeants sont [accusés d’]encourager la résistance (…)

Les condamnations américaines de Reem, la martyre du passage d’Erez à Beit Hanoun, sont sidérantes, en ce qu’elles ne mentionnent pas les raisons qui ont poussé cette mère de deux enfants à mourir en martyre en se faisant sauter.

[Ces déclarations] ne mentionnent pas non plus la cible de cette opération : il ne s’agissait pas de civils, mais de forces d’occupation étrangères qui empiètent sur le territoire palestinien et y placent des barrages armés pour empêcher le [libre] déplacement de la population palestinienne, des propriétaires de cette terre, [lesquels ne peuvent plus passer] que sous les ordres des usurpateurs. [Les déclarations américaines n’ont pas non plus mentionné le fait que] ces violentes forces d’occupation soient responsables de tous les crimes contre le peuple palestinien sans défense.

Le gouvernement américain a gardé le silence ces derniers temps, se taisant sur les honteuses attaques d’Israël, [perpétrées] au vu et au su de tous (…), jusqu’à hier, où il a condamné le sacrifice d’une mère palestinienne qui voulait que le monde entende le cri de son peuple et mette fin à l’éternelle agression [israélienne]. " (3)

Dans Al-Masaa , journal gouvernemental du soir, le journaliste Al-Sayyid Al-Azawi écrit : " (…) Mercredi dernier, les sirènes des forces de sécurité [israéliennes] ont retenti au passage d’Erez quand la dame palestinienne Reem Salah Al-Riyashi s’en est approchée. Elle a réussi à tromper les soldats de l’occupation rassemblés autour d’elle, prétendant que c’étaient des verrous de platine dans sa jambe qui avaient déclenché l’alarme des détecteurs. Ils se sont réunis autour d’elle pour l’examiner de la tête aux pieds, et quand elle a vu qu’il se trouvait un bon nombre de soldats à proximité, elle a explosé, faisant quatorze victimes parmi les soldats, des blessés et des morts. Reem a rencontré la mort en martyre, portant fusil, soulignant avec un courage sans précédent son amour pour ses deux petits enfants, son fils de trois ans et sa fille d’un an et demi, devenant martyre pour défendre la terre, l’honneur, la famille et les [précédents] shahids.

Ce qui est regrettable, c’est que la seule superpuissance [du monde, les Etats-Unis] condamne les opérations martyre, condamne systématiquement les Palestiniens, les rendant responsables de [ces] opérations, sans avoir conscience d’employer deux poids, deux mesures. Ce qui est stupéfiant, c’est qu’ils accusent Arafat, captif et assiégé, et ce qui est plus étonnant encore, c’est que Sharon et son gouvernement poursuivent leurs opérations barbares tandis que le siège [sur les Palestiniens] se poursuit. La vérité est que les Israéliens ne jouiront pas de la sécurité et de la stabilité tant que Sharon ne mettra pas fin à ses opérations sanglantes. Ce dernier ne parviendra pas à réprimer la volonté du peuple palestinien. " (4)

Sous le titre « Reem Al-Riyashi n’est pas juste une femme », le journaliste Ahmed Mansour écrit, dans l’hebdomadaire égyptien Al-Usbou  :

" Toutes les filles rêvent de devenir mères, d’envelopper leurs enfants de chaleur maternelle, de tendresse, de gentillesse et de prendre soin de leur développement, à l’instar d’un agriculteur avec ses plants. Mais Reem Al-Riyashi en a décidé autrement. Elle avait réalisé certains rêves propres à toutes les mères, mais pas ce rêve d’enfant qui la hantait : devenir bombe humaine et détruire certains rêves des usurpateurs israéliens qui transforment la vie des Palestiniens en enfer. Malgré son profond instinct maternel (…), Reem Al-Riyashi avait un cœur enchaîné par un sentiment plus fort que celui qui la rattachait à ses enfants, un sentiment que toutes les femmes ne sont pas en mesure de connaître et de suivre (…) Elle a vu sa place au Paradis, la longue colonne des enfants martyrs et de leurs parents, et a décidé de ne pas hésiter, car après tout elle deviendrait une source de fierté pour ses propres enfants (…)

Avant Reem Al-Riyashi, il y a eu six autres femmes martyres (…) Toutes connaissaient incontestablement les sentiments propres à toutes les femmes, mais elles ne s’intéressaient pas uniquement aux problèmes des femmes d’ici et de maintenant : elles étaient des âmes humaines parmi des êtres humains, et portaient en elles la marque des anges et de suprêmes aspirations humaines (…) " (5)


Ecrivains palestiniens : désaccord sur l’envoi d’une mère en mission suicide

Sous sa rubrique quotidienne, le directeur du quotidien de l’Autorité palestinienne Al-Hayat Al-Jadida , Hafez Al-Barghouti, écrit : " Nous sommes en droit de nous interroger sur ce qui a poussé le Hamas à inviter une mère de deux enfants à exécuter cette opération, même si le Hamas n’est pas le premier mouvement à agir de la sorte. Les autres factions ont toutefois cessé d’exercer des pressions sur les femmes pour qu’elles accomplissent des opérations de ce type, car cela pourrait encourager le mauvais traitement des femmes par l’occupation.

Il est vrai que les Palestiniennes ont toujours été victimes de l’occupation en ce qu’elles ont perdu leurs fils, leurs frères et leurs maris, ou été victimes de mauvais traitements aux barrages où elles ont eu des fausses couches, où elles ont accouché, où elles sont mortes. Mais les pousser à participer à des opérations ne fera qu’accroître [le nombre] d’actes d’oppression à leur encontre (…)

En effet, l’occupation attend de nous que nous nous comportions comme elle, en réagissant. Or il a déjà été démontré que l’imiter amène le désastre sur nos têtes, alors que préserver notre humanité, que cette occupation cherche à éteindre, est plus important que d’obtenir de petites victoires sur le terrain. " (6)

Le journaliste palestinien Hassan Al-Battal écrit dans le quotidien Al-Ayyam de l’Autorité palestinienne : " Devrions-nous souhaiter que ces deux opérations suicides, à Jinisfut [près de Qalqiliya, par Iyyad Al-Masri] (7), et à Beit Hanoun [attentat suicide d’Erez] représentent un tournant (…) ?

En ce qui concerne l’opération de Jinisfut, la famille du jeune Iyyad Al-Masri a fait preuve d’un grand courage moral en condamnant ce qu’elle a qualifié de ’mort dénuée de sens.’ Quant à la famille de la femme qui a perpétré l’attaque de Beit Hanoun - Reem Al-Riyashi -, elle a refusé d’ériger une tente de deuil.

Les organisations de femmes ne doivent pas cesser de manifester des sentiments généreux aux deux orphelins [laissés par Reem Al-Riyashi], mais doivent aussi élever la voix pour rappeler que le devoir de maternité et d’allaitement passe avant le devoir de combat.

Si la société n’agit pas avec le même courage que ces familles, nous verrons bientôt des adolescents et des femmes enceintes se ceindre d’explosifs (…)

Comment les Palestiniens pourraient-ils convaincre les activistes internationaux de la paix de sacrifier plus que leurs vacances annuelles à leur devoir de solidarité humaine envers nous, au point de risquer leurs vies, si nous nous mettons à dépêcher des enfants et des mères munies de ceintures d’explosifs (…) ?

L’essentiel pour nous (…) est de ne pas sacrifier notre humanité, quelles que soient les circonstances de notre juste combat national et ses exigences. " (8)

Des critiques similaires ont été émises par le journaliste Ziyad Abou Al-Hijaa, dans un article d’ Al-Karama , journal du Bureau culturel et du Conseil suprême d’information du Fatah, publié à Gaza : " Oui, l’occupation est responsable de toute notre souffrance en Palestine et ailleurs. La méthode de résistance à l’occupation ne doit toutefois pas être définie par n’importe quelle organisation ou faction, mais par le peuple. Personne n’a le droit de provoquer des tragédies et d’autres problèmes, ou de porter atteinte à la légitimité des Palestiniens aux yeux du monde.

Une femme de 22 ans, mère de deux enfants, un petit garçon et une fille, a exécuté une opération martyre. Qui a émis une fatwa ôtant sa mère à un enfant en bas âge ? Qui a décidé d’ajouter deux orphelins à la liste des orphelins de Palestine ? Sur la base de quels versets coraniques et de quels hadiths une femme quitte-t-elle le djihad qui lui incombe, celui d’élever ses deux enfants, dont l’un doit encore être allaité ? De quel droit nous présentent-ils au monde comme dénués des sentiments humains les plus fondamentaux ?

Les sages de l’islam et les sages de Palestine en particulier doivent expliquer à tous la position de l’islam sur les opérations martyre, et sur les dernières opérations en particulier (…)

Les intellectuels palestiniens, et plus particulièrement ceux parmi eux qui façonnent l’opinion publique, doivent prendre en compte ce défaut de la culture populaire palestinienne (…) Qui a oublié les poèmes publiés il y a des décennies, comme ’Aiguise mes os, aiguise-les comme des épées’ ; ’amène le shahid à la liesse de sa mère et de son père’ ; ’ô mère, ulule de joie [à la nouvelle du martyre de ton fils]’, et des dizaines d’autres odes et poèmes du même type. Qui peut croire qu’un père ou une mère se réjouit du martyre de son enfant ? Le Messager d’Allah a pleuré la mort de son fils Ibrahim, et ne s’est pas réjoui du martyre de son cousin Jaafar, mais a ordonné que l’on réconforte sa famille (…)

Puisse Allah prendre en pitié l’héroïne et shahida, victime de l’occupation sioniste et d’une idéologie politique qui méprise au plus haut point l’humanité et les valeurs culturelles suprêmes du peuple palestinien - fondées sur les valeurs de la sharia islamique, qui exige que les femmes allaitent leurs enfants en bas âge. Ô sages, élevez la voix ! Ô intellectuels, élevez la voix ! Le silence ne peut plus durer. Il faut empêcher ces gens de créer un tunnel sous leurs propres pieds, sur le pont d’un bateau frappé par les vagues. " (9)


Un responsable palestinien fait l’éloge de l’attentat

Adli Sadeq, vice-ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, a fait l’éloge de l’action d’Al-Riyashi et exprimé son désaccord face à ceux la critiquant. Dans le quotidien Al-Hayat Al Jadida , de l’Autorité palestinienne, il écrit : (10)

" (…) Imaginons que devant, derrière, et flanquant chaque femme se trouve un ennemi chassant et tuant les gens, et que telle femme apprenne qu’elle sera tuée soudainement, face à ses enfants. Que doit-elle faire ? Doit-elle attendre de mourir de façon terrifiante, sous les yeux de ses enfants et de sa famille, ou doit-elle marcher au devant de la mort et frapper l’ennemi sans que ses enfants ne souffrent d’assister à ses derniers instants (…) ?

Il est de notre droit de demander à ceux qui ont déploré la [perte] des mères et se sont élevés contre l’opération de Reem : qui a exécuté les enfants, les pères, les mères et transformé les enfants en orphelins, Reem ou les occupants meurtriers ?

Reem nous a peut-être surpris par son geste quand elle s’en est allée vers l’au-delà, mais qui sait ? Peut-être a-t-elle vu dans un rêve que si elle ne partait pas, la mort viendrait frapper à sa porte, qu’elle mourrait en vain pour être ensuite oubliée par les adversaires de son [acte] ainsi que par les endeuillés - et a donc préféré mourir pour quelque chose..

Peut-être Reem a-t-elle voulu choisir entre deux possibilités pour ses enfants : entre la perte tragique d’une mère en quête de paix, et la perte douloureuse d’une mère combattante. Reem a fait le second choix pour ses enfants. Qui a le droit de critiquer son choix ? [Quelle femme] a le droit de prétendre que ses propres sentiments maternels sont plus forts que ne l’étaient ceux de Reem ?

Celui qui sait, au fond de son cœur, qu’il veut donner son âme, pour la lutte de son peuple, est certainement aussi un excellent père ou une merveilleuse mère (…) Malgré l’opposition générale, Reem fait partie de nos shahids symboles. "



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