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La « suédisation » de l’Europe
Per Ahlmark - Ancien vice-Premier ministre de Suède
Article mis en ligne le 25 juin 2004
dernière modification le 26 juin 2004

Plutôt que d’aider ceux qui combattent le terrorisme international, nombre d’Européens, « neutres » et « moraux », rejettent la responsabilité de sa montée sur Israël et les Etats-Unis.

L’antisémitisme, l’antisionisme et l’antiaméricanisme sont de plus en plus virulents et accointés les uns aux autres dans l’Europe d’aujourd’hui. Ils trouvent leur source dans une espèce d’aveuglement combiné avec un étrange mélange d’aliénation, de sentiment de culpabilité et de peur envers Israël et les Etats-Unis.

Des millions d’Européens évitent de voir en Israël un pays qui lutte pour sa survie.

Israël ne peut se permettre de perdre une seule guerre d’importance, car ce serait la fin de cet Etat juif et démocratique, mais beaucoup d’Européens pensent que les Israéliens font une erreur à la base : ils se refusent à tout compromis et préfèrent utiliser les moyens militaires pour résoudre des problèmes politiques.

L’attitude européenne est sensiblement la même à l’égard des Etats-Unis.
« Regardez l’Europe », disent nombre d’Européens, « Nous avons éradiqué la guerre, les dangers du nationalisme et la dictature. Nous avons créé une
Union européenne pacifique. Nous ne faisons pas de guerre, nous négocions. Nous ne gaspillons pas nos richesses dans l’armement. Le reste de la planète pourrait nous prendre en exemple pour apprendre à vivre en paix ». En tant
que Suédois, j’ai entendu toute ma vie ce genre de vantardise pacifiste : la Suède,pays neutre,est une superpuissance morale.Maintenant cette fanfaronnade est devenue l’idéologie de l’Union Européenne : « Nous sommes le continent de la moralité. » C’est la « suédisation » de l’Europe.

Il est vrai que l’existence de l’Union européenne tient du miracle sur un continent qui a donné naissance à deux totalitarismes, le communisme et le nazisme, qui sont à l’origine de gigantesques bains de sang, mais l’Europe oublie comment ces idéologies ont été vaincues.

Sans l’armée américaine, l’Europe de l’Ouest n’aurait pas été libérée en 1945.

Sans le plan Marshall et l’Otan, elle n’aurait pas redémarré économiquement.

Sans la politique de confinement sous le parapluie américain, l’Armée rouge aurait étouffé le rêve de liberté en Europe de l’Est et aurait unifié l’Europe, mais sous un drapeau d’étoiles rouges.

Les Européens de l’Ouest ont aussi oublié que certaines régions du monde
n’ont jamais connu la liberté. Dans beaucoup de pays, les salles de torture sont la norme et non pas des bavures grotesques et honteuses de troupes mal encadrées. Dans ce contexte, toute tentative de se comporter à l’européenne
en négociant - sans la force militaire pour appuyer la diplomatie - est tout simplement vouée à l’échec.

Plutôt que d’aider ceux qui combattent le terrorisme international, beaucoup d’Européens rejettent la responsabilité de son accroissement sur Israël et
les Etats-Unis ; c’est une nouvelle illusion européenne. Dans le style munichois, l’adoption récente d’une attitude conciliante par l’Espagne s’enracine dans cette forme de pensée.

Que se serait-il passé si l’Espagne et toute l’Europe avaient réagi d’une manière diamétralement opposée à l’attentat de Madrid en avril en disant :
« A cause de ce massacre, nous allons redoubler d’effort dans notre engagement pour stabiliser l’Irak en envoyant deux fois plus de troupes, d’experts, d’ingénieurs, de professeurs, de policiers, de médecins, ainsi que des milliards de dollars pour aider les forces alliées et leurs partenaires irakiens. » Le triomphe des terroristes aurait été transformé en un triomphe de la guerre contre le terrorisme.

L’image que beaucoup d’Européens se font de l’Amérique et d’Israël crée un climat politique propice à de terribles préjugés. « Vous avez le grand Satan
et le petit Satan, l’Amérique veut dominer le monde », exactement les accusations portées contre les Juifs dans la plus pure rhétorique antisémite. Pour la propagande anti-sioniste moderne, Israël cherche à dominer tout le Moyen-Orient. Ces idées se retrouvent dans les sondages qui montrent que les Européens voient dans Israël et les Etats-Unis les véritables obstacles à la paix dans le monde.

L’écrivain britannique Ian Buruma estime que la rage antiaméricaine et antiisraélienne de l’Europe touche à un sentiment de culpabilité et de peur. Les deux guerres mondiales ont conduit à de tels carnages que le « jamais plus çà » a été traduit en « bien-être chez soi et non-intervention à l’extérieur ». Le problème avec cette idée est qu’elle ne peut être appliquée que sous la protection de la puissance américaine.

L’extrémisme antiaméricain et l’antisionisme sont en train de fusionner.

Le slogan soi-disant pacifiste « Hitler a deux fils : Bush et Sharon » qui fleurit en Europe dans les manifestations contre la guerre banalise le nazisme tout en diabolisant ses victimes et ceux qui l’ont défait.

Cela vient en grande partie d’un sentiment de culpabilité sous-jacent de l’Europe qui est lié à l’Holocauste. Les victimes de l’Holocauste - avec leurs enfants et leurs petits-enfants - feraient aux autres ce qu’on leur a fait. En mettant sur le même plan l’assassin et sa victime, nous nous en lavons les mains.

Ce mélange d’antisionisme et d’antiaméricanisme revient sans cesse. Le
« méchant Israélien » et le « méchant Américain » semblent faire partie d’une
même famille.« Le Juif hideux » devient l’outil d’une campagne de diffamation dans laquelle les « néoconservateurs », ainsi qu’on les appelle, sont responsables à la fois du militarisme américain et des brutalités israéliennes.

Ceux qui sont dénoncés s’appellent comme par hasard Wolfowitz, Perle, Abrams, Kristol, etc. C’est la version moderne du vieux mythe qui veut que ce soient les Juifs qui gouvernent les Etats-Unis.

Récemment, le rédacteur en chef de « Die Zeit », Josef Joffe, a mis le doigt
sur le fond du problème : comme les Juifs, les Américains seraient égoïstes
et arrogants. Comme les Juifs, ils seraient prisonniers du fondamentalisme religieux qui leur donne la conviction d’être dans leur droit et les rend dangereux. Comme les Juifs, les Américains seraient des capitalistes avides pour lesquels l’argent est la valeur première. « Les Etats-Unis et Israël ont été fondés par des exclus, tout comme les Juifs l’ont été de tout temps », explique-t-il.

Les liens entre l’antisémitisme, l’antisionisme et l’antiaméricanisme sont indéniables. A moins que les dirigeants européens condamnent sans ambiguïté cette triple alliance sinistre, elle va empoisonner la politique au Moyen-Orient et les relations transatlantiques.


Copyright : Project Syndicate, juin 2004.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Cet article provient de http://www.lalibre.be -La Libre Belgique, Bruxelles



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