Bandeau
DESINFOS.COM
Slogan du site

Depuis Septembre 2000, DESINFOS.com est libre d’accès et gratuit
pour vous donner une véritable information indépendante sur Israël

Israël/ Retour à la Yeshiva
© David Herschel & Valeurs Actuelles
Article mis en ligne le 1er avril 2008

Maison mère du mouvement national-religieux israélien, le Merkaz Ha Rav est en deuil. Trois semaines après le massacre du 6 mars, le reporter de « Valeurs Actuelles » est retourné sur les lieux.

Le 10 mars, quatre jours après le mitraillage qui a fauché huit de leurs camarades de la yeshiva (académie talmudique) Merkaz Ha Rav, les élèves sont revenus pour la première fois dans la bibliothèque. Les dernières traces de l’attentat ont été effacées ou recueillies par l’équipe de secouristes de l’association Zaka, chargée d’enterrer tous les débris humains, conformément à la loi juive.

Des impacts de balles de kalachnikov dans des livres saints et dans la porte d’entrée témoignent encore du massacre commis ici. Un enseignant exprime sa révolte contre l’Establishment politique et culturel israélien : « Cela fait vingt ans que l’on va de reculade en reculade sous l’inspiration de faux prophètes. On détruit tout ce qui est précieux pour l’esprit de la nation. Cela ne peut plus durer. C’est aussi insupportable qu’incompréhensible. » Il montre la salle du massacre : « Le sang de ces victimes saintes crie : « Réveillez-vous, secouez toutes les servitudes qui pèsent sur vous et revenez à votre identité réelle. » »

Ces propos résument l’état d’esprit qui règne dans cet établissement, maison mère du courant national-religieux sioniste. L’institution comprend une yeshiva pour adultes et un lycée pour adolescents.

Le Franco-Israélien Séguev Avihaïl, 15 ans, avait déjà failli mourir sous d’autres coups de feu, il y a trois ans, au sud d’Hébron. Il avait été mitraillé dans la voiture de son père. « J’ai foncé aussi vite que possible, se souvient ce dernier, Elichav Avihaïl, et j’ai demandé à mon fils comment il se sentait. Avec la douceur qui le caractérisait, il m’a répondu : « Papa,ça ne va pas très bien,je sens une douleur à la poitrine. » Par miracle, la balle s’était arrêtée à un millimètre de son cœur. Séguev avait été sauvé. Momentanément. La grâce divine lui avait accordé de vivre trois précieuses années supplémentaires. »

Passionné par les études talmudiques, Séguev était le petit-fils de deux éminentes personnalités religieuses : le rabbin d’origine belge Josué Zuckerman, connu pour son travail auprès des immigrants français, et le rabbin Elie Avihaïl. « Nous avons beaucoup prié pour avoir cet enfant, raconte le père de Séguev. Il avait une grande soif de connaissance et possédait un noble caractère. Nous éprouvons beaucoup de tristesse mais ne sommes pas brisés. Notre foi est plus forte que les balles dont chacun de ces jeunes a été criblé. »

Certaines des jeunes victimes avaient encore leur visage d’enfant. C’était le cas d’Abraham David Moses, 16 ans. « Un ange : aucun mot ne peut mieux le caractériser, témoigne son professeur, le rabbin Kosman. La douceur de son visage et son sourire ne me quittent pas. Chacune de ses remarques et questions était d’une telle pureté qu’il m’est impossible de les décrire en d’autres termes que celui d’angélique... »

Abraham David connaissait par cœur plusieurs traités du Talmud. Le samedi soir, il se rendait auprès des malades de l’hôpital Chaaré-Tzedek et chantait pour eux, en compagnie d’amis musiciens. Lorsque le terroriste a surgi, le 6 mars au soir, Abraham étudiait à sa place habituelle, aux côtés de Séguev, son partenaire attitré. Dès les premiers coups de feu, les deux garçons ont tenté de se réfugier entre les armoires de la bibliothèque. En vain. Les balles les ont frappés au milieu de ces livres religieux qu’ils aimaient tant, comme Neria Cohen, 15 ans, fils de la vieille cité de Jérusalem, ou Jonathan Eldar, 16 ans. Jonathan étudiait un volume du Talmud au moment où la mort l’a frappé. Ses parents l’ont enterré avec le livre.

La plus âgée des victimes, Doron Maharta, 26 ans, d’origine éthiopienne, allait se marier. Yohaï Lipshitz, 15 ans, passé directement de l’enfance à l’âge adulte, impressionnait les adultes par sa maîtrise. Roï Aharon Roth,18 ans, était à la fois fin talmudiste et champion de jiu-jitsu.

Yonadav Hirschfeld, 19 ans, vivait dans l’implantation juive de Kokhav Hashahar, au nord de Jérusalem, où ses parents, Tsémah et Elishéva, avec leurs treize enfants, sont parmi les plus anciens résidents. Son père, circonciseur rituel, est bien connu dans toute la région pour avoir fait entrer dans « l’alliance d’Abraham » bon nombre de petits garçons juifs. Réputé pour son érudition et son assiduité à l’étude, poète à ses heures, Yonadav assumait des fonctions au sein du mouvement de jeunesse Ezra. Il jouait de vieux airs hassidiques sur une flûte ornée du ruban orange : le signe de ralliement des Israéliens hostiles au démantèlement des implantations.

Le jeudi du drame, il avait assisté à une grande prière publique devant le Mur du Temple (le « Mur des Lamentations »), « pour le maintien de l’unité de Jérusalem sous souveraineté juive ». De retour à la yeshiva, son sac à dos encore sur les épaules, il avait remarqué un individu avec une boîte en carton devant l’entrée de l’établissement : « Les rabbins se sont enfin décidés à acheter un téléviseur », avait-il plaisanté avec ses camarades. Quelques secondes plus tard, le terroriste sortait sa kalachnikov du carton et faisait feu sur le groupe (700 cartouches tirées). Yonadav allait mourir d’une balle en plein cœur.

Le jour de son enterrement à Kokhav Hashahar, son père s’est écrié, les yeux fermés : « Maître du monde, béni sois-tu, je t’aime ! ». Le judaïsme ne pratique pas le culte des martyrs, mais la notion du sacrifice de soi existe « pour la sanctification du Nom divin ». Tsemah Hirschfeld devait ajouter un peu plus tard : « J’ai senti à cet instant l’aide du Ciel, la Présence divine auprès de moi. Hélas, je n’ai pas de réponse à toutes mes questions. »

Au Merkaz Harav, trois semaines après, la vie a repris. Le directeur, le Rav Jacob Shapira, reçoit beaucoup de visites. Les élèves ne comprennent pas que les drapeaux du Hamas flottent encore près de la maison du terroriste, à deux pas de leur yéshiva meurtrie : « Leurs questions n’expriment pas un ébranlement dans leur foi mais visent le gouvernement. » Le Rav Shapira invite ses jeunes à redoubler d’effort dans leurs études : « Nos ennemis savent que s’ils réussissaient à affaiblir notre engagement spirituel, ce serait la plus grave atteinte à notre peuple. Il est interdit de leur offrir ce cadeau... Après un événement pareil, le judaïsme prône un examen de conscience de chacun. Y compris de ceux qui jouent un rôle public. »

LE MERKAZ HA RAV

Fondé en 1924 par le premier Grand Rabbin ashkénaze d’Israël, le Rav Abraham Isaac Kook (1864-1935), le Merkaz Ha Rav (littéralement : « Centre du Rav » ) est la maison mère du courant sioniste « national-religieux ». Outre l’enseignement biblique et talmudique traditionnel, le Rav Kook avait diffusé une doctrine originale, d’après laquelle la renaissance de la « collectivité d’Israël » et le renouveau spirituel étaient des réalités indissociables. Une conception reprise par son fils, le Rav Zvi Yehouda Kook, qui reconnaissait à l’État d’Israël une valeur en soi. A la différences d’écoles talmudiques se rattachant au courant ultra-orthodoxe, le Merkaz Ha Rav considère ainsi l’ anniversaire de la fondation de l’État (Yom Haatzmaout) et celui de la réunification de Jérusalem (Yom Yerushalayim) comme des fêtes religieuses.

Le mouvement national-religieux a essaimé dans l’ensemble du pays : les rabbins formés au Merkaz Ha Rav ont fondé de nombreuses institutions se réclamant de la même inspiration. Les nationaux-religeiux fournissent également nombre d’enseignants aux écoles publiques de tendance religieuse. Enfin, ils encouragent leurs jeunes à servir dans les forces armées, en renonçant à la dispense du service militaire dont bénéficient en principe tous les étudiants de yeshiva.

Les jeunes à « kipa tricotée », signe de reconnaissance des nationaux-religieux, sont de plus en plus à s’engager dans les unités d’élite et à devenir officier. À terme, l’esprit même de Tsahal en sera changé.



Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 4.5.87
Hébergeur : OVH