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Discours de Richard Prasquier au dîner du Crif le 3 Fevrier 2010
Article mis en ligne le 5 février 2010

Mesdames et Messieurs,
Voici vingt cinq ans qu’existent les dîners du CRIF, vingt cinq ans que vous et vos prédécesseurs, sans compter la venue du Président de la République que je remercie de l’honneur qu’il a nous fait une fois de plus, venez échanger avec les représentants de la communauté juive. Vingt cinq ans que nous sommes fiers que le diner du CRIF soit un grand rendez-vous républicain.

Liberté, égalité, fraternité.

Trois mots très forts pour les Juifs de France. Ils ont disparu pendant les quelques années où l’Etat s’est déshonoré. Ils ont réapparu en même temps que nous-mêmes redevenions citoyens de plein droit.

FRATERNITE….

Quel autre mot utiliser après le tremblement de terre à Haïti ? Monsieur le chargé d’affaires d’Haïti, nous nous inclinons devant les victimes, nos frères humains.

Cent cinquante mille morts dit-on. Le macabre décompte ne prend sens que si nous accordons des plages de silence et de méditation dans notre vie trépidante et futile, aux individus et non aux chiffres, aux ensevelis et aux emmurés, à leurs appels désespérés et fugitifs, aux destins fracassés, aux corps amputés et aux familles disparues sans survivant pour faire mémoire. Honneur et soutien matériel aux organisations sur place. Fierté de voir parmi elles des ONG françaises et des missions humanitaires israéliennes.

LIBERTE….

J’ai vu récemment une photo de résistants qui allaient être fusillés au Mont Valérien, des membres de l’Affiche Rouge. Des étrangers, Juifs d’Europe centrale, Espagnols ou Arméniens, je suppose qu’ils ont crié « Vive la France » comme l’ont fait des milliers de résistants dans les moments ultimes. Ils avaient, comme le Général de Gaulle, « une certaine idée de la France », pas forcément la même, mais en tout cas terre de liberté. Ils sont morts pour elle, et grâce à eux, nous vivons aujourd’hui dans un pays libre et démocratique.

Les Juifs ont largement participé à la défense de la patrie. Deux symboles de leur lutte : l’un est l’engagement massif des Juifs étrangers dans l’armée française à la déclaration de guerre, avec dans la salle une exposition préparée par l’Union des Anciens Combattants et Engagés Volontaires, l’autre, le sauvetage et le combat dans la résistance, dont témoignent quelques figures exemplaires de notre communauté, comme Georges Loinger, notre incomparable centenaire qui, exceptionnellement, dira quelques mots au cours de cette soirée.

N’oublions pas que les vraies démocraties sont minoritaires à l’échelle de la planète. La liberté n’est pas que la fin de l’oppression. L’histoire est remplie de mouvements de libération qui, une fois la victoire obtenue, ont tué la liberté.

Je pense aux foules qui accueillaient Khomeiny avec ferveur pensant se libérer de l’oppression du régime du Shah, et qui ont hérité depuis plus de trente ans d’un régime obscurantiste et prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. Je salue le courage de ces Iraniens qui luttent aujourd’hui pour la liberté au péril de leur vie.

Les démocraties oublient parfois qu’elles ont des ennemis. Ceux-ci ont une idéologie, ils veulent renforcer leur emprise sur les esprits et les comportements. Ils réclament la liberté de pouvoir menacer nos libertés.

Les extrémistes sont minoritaires, mais potentiellement dévastateurs. Ils exercent sur les majorités paisibles une intimidation psychologique et physique. Ils ont été au XXe siècle les fossoyeurs de la liberté.

Ainsi aujourd’hui, l’islamisme radical est un danger pour les Juifs, pour les musulmans et pour nos sociétés. Les mouvements islamistes sont variés. Mais la haine d’Israël et des Juifs est un ciment efficace qui recouvre toutes les inimitiés.

Les religions sont ce que les hommes en font. Torquemada n’est pas Jean Paul II et Ben Laden n’est pas l’émir Abd el Kader.

Je salue les représentants de l’Islam de France, avec qui nous sommes engagés pour la République et ses valeurs. Je salue les représentants des églises chrétiennes. Je voudrais assurer le Cardinal Ricard que nous savons sur quelles bases solides et amicales repose le dialogue judéo-catholique. Les difficultés ponctuelles –oui, nous souhaitons l’ouverture des archives du pontificat de Pie XII- ne l’affecteront pas.

La liberté, c’est également la liberté religieuse.

Elle est structurée en France par la laïcité de nos institutions. La laïcité n’est pas la foi de ceux qui n’ont pas la foi. C’est une séparation qui encadre les contraintes communes. Les impératifs religieux peuvent ponctuellement poser des problèmes délicats qui se résolvent en tenant compte des conséquences humaines, avec une laïcité de dialogue. Ce n’est ni une laïcité de combat, ni une laïcité de complaisance.

Nul ne doit être empêché de pratiquer sa croyance, ni contraint à la pratiquer. Chacun doit pouvoir changer de croyance s’il le désire. Mais la liberté de l’un ne doit pas empiéter sur la liberté de l’autre ; la liberté de tous ne doit pas être mise en danger par les revendications de quelques-uns.

On peut critiquer toutes les religions, à condition de respecter les hommes qui y sont engagés. Le délit de blasphème, qui fait son chemin, comme récemment en Irlande, est un signe inquiétant. Il a été revendiqué à la Conférence de Genève. S’engager sur cette route, c’est censurer Galilée, Voltaire et Darwin, c’est rejeter les acquis des Lumières.

La liberté d’expression est le socle de la démocratie. Mais la liberté sans la règle, c’est la loi de la jungle. La route est étroite, mais il n’en est pas d’autre.

Les Juifs sont au cœur des débats où les limites à la liberté d’expression sont sollicitées.

D’un côté, ils savent combien ils ont bénéficié des sociétés de liberté. D’un autre côté, ils ont été calomniés plus qu’aucun autre groupe humain. N’oublions pas que le journal antisémite de Drumont s’appelait la « Libre Parole ».

Il n’y a pas de liberté sans règles, il n’y a pas de liberté sans mémoire, il n’y a pas de liberté sans vérité.

Internet, que les régimes autoritaires censurent sans état d’âme, est un multiplicateur du racisme et de l’antisémitisme. Les exigences contradictoires de la liberté d’expression et de la lutte contre la haine doivent s’adapter aux traditions nationales, dont beaucoup n’ont pas une législation aussi complète que la France.

Nous souhaitons que la politique pénale s’étende au racisme ordinaire sur Internet en faisant connaitre les condamnations, en améliorant la surveillance, en s’aidant de ces vigies que sont les associations anti-racistes. Nous pensons qu’il faut une véritable politique d’éducation à Internet à destination des jeunes.

Un journaliste suédois a publié il y a six mois un article où il accusait l’armée israélienne d’avoir prélevé pour les greffer, les organes d’un jeune palestinien tué au cours d’une opération militaire survenue il y a 20 ans. Aucun témoignage crédible : la photo choc était celle d’une banale autopsie.

Le lendemain on lisait sur des sites Internet qu’on venait de prouver que l’armée israélienne non seulement tuait les Palestiniens, mais que en plus, elle utilisait leurs organes. Les accusations de meurtre rituel prenaient une nouvelle jeunesse. De nombreux lecteurs ont dû se dire qu’il n’y avait pas de fumée sans feu, le rédacteur en chef a pris la posture du défenseur sourcilleux de la liberté d’expression et personne n’a voulu apparaitre partisan de la censure.

Quand les équipes de sauvetage israéliennes se sont illustrées à Haïti, ne vous étonnez pas que certains blogs proclament qu’elles viennent s’approvisionner en organes.

Voilà comme on fabrique une rumeur. Celle-ci, comme tant d’autres auparavant, dans lesquelles Israël est la cible privilégiée….

La liberté d’expression doit se subordonner au respect de la vérité.

Mesdames et Messieurs,

S’il y a un lieu où le mot de liberté résonne particulièrement fort, c’est Auschwitz. J’en reviens, après avoir accompagné au 65e anniversaire de la libération du camp M. le Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants et Mme Simone Veil, ainsi que des déportés, résistants ou militants de la mémoire.

Il y a deux ans, le chef de l’Etat a lancé ici une invite pour que soit préservée la mémoire des enfants juifs victimes de la Shoah. Suite à cette initiative de nombreuses actions nouvelles ont été lancées dans nos écoles. Le combat pour la Mémoire s’en est trouvé vivement renforcé. M. le Premier Ministre, je vous demande de transmettre nos remerciements au Président de la République.



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