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Pakistan et Israël : bonnes nouvelles, même s’il y a un certain bémol
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 27 janvier 2019

Le 24 janvier 2019 le plus grand journal pakistanais de langue anglaise, The News International, annonçait que pour la première fois un Juif pakistanais avait reçu l’autorisation de se rendre en Israël. Décision historique que saluent ceux qui œuvrent de longue date pour un rapprochement entre les deux pays. Mais un autre Pakistanais, journaliste pour le Friday Times, se qualifiant de progressiste, choisit le jour de commémoration à la mémoire des victimes de la Shoah, pour vilipender cette décision en éructant violemment contre « l’entité sioniste d’apartheid »

Une décision historique du Pakistan, un tabou brisé, signe d’ouverture indéniable

« ISLAMABAD : Appelez cela un dégel diplomatique ou un tout petit pas en avant, le Pakistan a non seulement autorisé ce citoyen juif à se rendre en Israël, mais l’a également encouragé à rendre cette autorisation publique...

Fishel Khalid, 31 ans, sera le premier Pakistanais de mémoire d’homme à être autorisé à se rendre en Israël. Il vit à Karachi et a été très ouvert quant à ses croyances religieuses. Fils d’un père musulman et d’une mère juive, Fishel a choisi de devenir juif et l’a enregistré auprès de Nadra- l’Autorité pakistanaise qui délivre les pièces d’identité-.Ses quatre frères ont opté pour l’islam. Il y a environ 700 à 800 Juifs au Pakistan. »

Une nouvelle que le jeune homme avait apprise le 2 janvier par le ministère des Affaires étrangères pakistanais, resté très discret en la matière. Juif pratiquant, le 28 juillet dernier, Khalid Fishel avait écrit un article dans un journal pakistanais de langue anglaise pour dire son désir de voir respecter ses droits en tant que membre d’une minorité religieuse, et donc de pouvoir pratiquer librement sa religion comme le garantit la constitution. En se rendant dans les lieux saints juifs en Israël, ce qu’il ne pouvait faire car le passeport pakistanais est issu pour tout pays sauf l’État hébreu. Il s’était aussi adressé au ministère des Affaires étrangères.

Cette décision officielle pakistanaise a été qualifiée d’historique par Faran Jeffery , un Pakistanais qui se bat de longue date avec un petit groupe d’amis, dont Noor Dahri, pour promouvoir les relations entre ces deux pays qui furent sous domination britannique avant leur indépendance respective. Ils fondèrent la Pakistan-Israel Alliance (PIA), organisation très active en 2016-2017, avec de nombreux soutiens et un journal Pakistan-Israel News (PIN) dont Faran Jeffery fut rédacteur-en-chef. Le PIA envoya alors une délégation d’une dizaine de personnes en Israël. Délégation au message double, note Faran Jeffery : « d’une part des Pakistanais musulmans montrant aux Israéliens que tous ne haïssent pas Israël et ne brûlent pas son drapeau, mais le portent avec fierté, les membres de la délégation portant des pins avec les deux drapeaux respectifs, d’autre part l’accueil de ces Pakistanais musulmans par Israël, avec des interviews publiées dans des médias israéliens puis pakistanais, montrant que ce qui est dit de la réalité israélienne au Pakistan n’a rien à voir avec la réalité et que des patriotes pakistanais peuvent très bien se rendre en Israël ». Il ajoute que ceci « a eu un grand écho chez les Pakistanais, notamment dans l’establishment du pays ou parmi des responsables gouvernementaux et les médias ». Il conclut « un tabou avait été brisé et, alors que l’on ne parlait d’Israël que de manière négative auparavant, il y eut alors des débats et échanges sur le sujet et l’expression de vues positives au lieu de ne se concentrer que sur le conflit israélo-palestinien comme cela avait été le cas jusque-là. Ce que le gouvernement avait tenté entre 2003 et 2006 sans y parvenir ».

Avant de fonder cette Alliance, Faran Jeffery et Noor Dahri avaient eu l’habitude de travailler avec des Israéliens et la communauté juive et étaient très conscients des réalités d’Israël, estimant que des relations bilatérales seraient profitables aux deux pays. Y compris à cet énorme pays d’Asie du Sud, qu’est la République islamique du Pakistan, puissance nucléaire, doté de la bombe atomique, qui a pour voisin l’Inde, l’Afghanistan, l’Iran et une côte donnant sur le golfe arabo-persique et la mer d’Oman. Un pays qui compte près de 213 millions d’habitants avec une majorité de musulmans sunnites, mais aussi des chiites, une très petite minorité non reconnue comme musulmane et souvent persécutée, les Ahmadis, une grande population hindouiste, des chrétiens et autres minorités religieuse, dont une poignée de Juifs et quelques rares athées. Tout récemment et aujourd’hui encore, le sort des chrétiens au Pakistan a été évoqué avec la condamnation à mort d’Asia Bibi accusée de blasphème, puis son acquittement par la Cour suprême et un nouveau jugement le 29 janvier, cet acquittement ayant fait l’objet d’un appel. Pourtant le Premier ministre Imran Khan, récemment élu et porteur d’espoir, même s’il faudra du temps pour qu’une situation souvent exacerbée s’apaise, soulignait il y a quelques jours l’importance de « l’héritage multidimensionnel du Pakistan sur le plan culturel, religieux et historique » .

On se souviendra que la première épouse d’Imran Khan, Jemina Goldsmith, d’origine juive, s’était convertie à l’islam après son mariage. Ce qui a valu au Premier ministre des accusations antisémites lors de sa campagne électorale. Bien que son épouse actuelle soit une musulmane très pratiquante.

Faran Jeffery voit nombre de « similitudes entre les deux pays, nés à la même époque pour une communauté, l’un pour la communauté juive, l’autre pour la communauté musulmane d’Asie du Sud, fondés chacun par un dirigeant charismatique, avec des systèmes politiques similaires et un même amour pour des institutions équivalentes, Tsahal et le Mossad pour les Israéliens, l’armée pakistanaise et l’ISI – services de renseignements pakistanais- pour les Pakistanais ».

Quant aux rapports entre le Pakistan et Israël, s’ils ont été souvent tendus, on fait cependant état au fil du temps d’une certaine coopération discrète dans certains domaines comme la lutte anti-terroriste, le domaine scientifique, voire politique. D’où l’importance exceptionnelle de l’autorisation que vient de recevoir Khalid Fishel, déclaré musulman à la naissance mais qui se bat depuis 2016 pour être reconnu comme juif, ce qui vient de lui être accordé, comme il l’avait demandé au Premier ministre pakistanais en octobre dernier . Avec l’autorisation de pouvoir se rendre en Israël avec son passeport pakistanais.

Son nouveau passeport portant la mention Judaïsme à la rubrique « religion ».

Sans doute ce gouvernement, qui a le soutien de plus de 50% du pays et surtout de l’armée et des services de renseignements, estime-t-il pouvoir s’engager dans la voie d’une normalisation avec Israël, aussi timide et prudente soit-elle à ce jour. Il livre par ailleurs un combat déterminé contre les islamistes et leurs dirigeants, ceux qui sont connus pour causer des troubles violents et dont un certain nombre sont en prison.

Un petit bémol déplacé en ce jour de commémoration de la mémoire des victimes de la Shoah

Est-ce à dire que ce petit pas important emporte l’adhésion de tous au Pakistan ? Bien sûr que non. On trouve des anti-Israéliens partout. Mais, face à cette nouvelle, Ziyad Fayçal, journaliste pakistanais pour le Friday Times, journal pakistanais également en langue anglaise qui se qualifie de progressiste, n’a pu se contenir et s’est livré à une attaque virulente contre cette décision et tous ceux qui l’approuvent en ce 27 juin, jour de commémoration de la mémoire des victimes de la Shoah. On trouve dans sa longue série de tweets des imprécations aussi habituelles et outrancières qu’infondées : apartheid, régime colonial comme la France en Algérie ou Daesh ou l’Arabie saoudite, des millions d’être humains qui ne sont que des prisonniers brutalisés, etc. Selon lui, Al-Quods, à qui il reconnaît étrangement « le nom « archaïque » de Jérusalem », justifiant ainsi l’attachement millénaire des Juifs à la terre d’Israël, « vit sous la tyrannie, la violence et les profanations ». Ses héros sont Yasser Arafat, Leila Khaled, Marwan Barghouti, le Front populaire pour la libération de la Palestine, entre autres terroristes ou organisations terroristes avec du sang sur les mains… Bien que clairement marxiste, il rend même grâce au Hamas terroriste en dépit « de son imagerie islamiste arriérée »…C’est dire ! Bref un ramassis d’outrances contre « l’entité sioniste » que l’on trouve chez tous ceux qui affirment être « propalestiniens » . Mais à qui, en fait, s’applique la définition de l’antisémitisme de l’IHRA adoptée aujourd’hui par un grand nombre de pays, occidentaux pour une grande part. .

Mais cette opinion virulente marxiste et gauchisante n’est pas adoptée par la majorité et, comme le rappelle Faran Jeffery, le Pakistan reste attaché à une solution à deux États du conflit israélo-palestinien, ce que ne remettrait nullement en cause l’établissement de relations entre le Pakistan et l’État hébreu. Il en appelle d’ailleurs à Israël pour permettre aux Pakistanais musulmans de passer par Israël pour se rendre à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem.

Le chemin sera sans doute long et parfois difficile mais premier pas il y a eu et il faudra suivre avec intérêt ce premier voyage de ce Juif pakistanais en Israël.



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